L’hon. Peter Van Loan : Monsieur le Président, j’aimerais ajouter quelques observations à propos du recours au Règlement présenté lundi par la députée de Saanich—Gulf Islands, et à propos des commentaires que vient de faire le leader parlementaire du Parti libéral à la Chambre.
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Pendant son allocution, la députée de Saanich—Gulf Islands a cité longuement quelques chercheurs et quelques articles de journaux, mais sans se concentrer sur tous les éléments énoncés dans les décisions de la présidence.
Elle a mentionné quelques décisions de la présidence et en a cité certains extraits, mais je crois qu’il serait utile à la Chambre d’entendre des citations plus complètes qui mettent en lumière l’essence même des décisions portant sur la façon dont il faudrait traiter un projet de loi comme le projet de loi C-38.
Dans sa décision à propos du projet de loi sur l’énergie de 1982, la Présidente Sauvé a déclaré, comme on peut le lire à la page 15532 des Débats:
La Chambre devrait peut-être accepter des règles ou des directives sur la forme et la teneur des bills omnibus mais dans ce cas, c’est la Chambre et non pas l’Orateur qui doit édicter ces règles.
Par conséquent, ayant pesé le pour et le contre et ayant étudié le projet de loi C-94, je dois prendre une décision en me fondant sur les précédents actuels qui n’étayent pas l’hypothèse voulant que le bill soit scindé.
Ou qu’il soit rejeté, comme le propose la députée dans ce cas-ci.
La Présidente Sauvé a également conclu comme suit, le 20 juin 1983, à la page 26538 des Débats, au sujet de la Loi sur le transport du grain de l’Ouest:
[…] bien que certains titulaires de la présidence aient exprimé des réserves au sujet de la pratique qui consiste à englober plusieurs principes distincts dans un même projet de loi, il a été décidé à chaque fois que de tels projets de loi étaient conformes à la procédure établie et recevables à la Chambre.
Le projet de loi qui nous occupe n’englobe même pas plusieurs principes. Il ne traite que d’un seul: l’exécution du budget.
La députée de Saanich—Gulf Islands a aussi cité des décisions du Président Fraser qui, de l’aveu même de la députée, était tout au plus « incidentes ».
Dans sa décision en date du 8 juin 1988 sur l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, à la page 16257 des Débats, il cite une décision de la Présidente Sauvé de 1982, qu’il désigne comme la position traditionnelle de la présidence. Ce qui a amené le Président Fraser à déclarer:
Tant que la Chambre n’aura pas adopté de règles précises concernant les projets de loi omnibus, le Président n’a aucun recours, il doit s’abstenir d’intervenir dans le débat et laisser la Chambre régler la question.
Il s’est cité lui-même par la suite, dans sa décision du 1er avril 1992, en page 9149 des Débats, et le 7 décembre 1992, en page 14735 des Débats.
Les observations de la députée de Saanich—Gulf Islands se fondent sur ce qu’elle décrit comme les préoccupations du président Lamoureux dans une décision qu’il a rendue le 26 janvier 1971.
Permettez-moi de citer le paragraphe que la députée de Saanich—Gulf Islands a omis à la page 284 des Journaux. Il suit immédiatement celui qu’elle a cité.
Le Président a ajouté:
D’autre part, comme nous en sommes à la deuxième lecture et que le bill est à l’étude depuis quelque temps déjà, je doute que nous puissions dire que le bill est irrecevable, qu’il ne devrait pas être présenté par le gouvernement ni examiné par les députés, moyen radical et extrême à mes yeux. D’après moi, il appartient à la présidence de prendre l’initiative, lors de la présentation et de la première lecture d’un bill de ce genre, et de signaler la chose à la Chambre par un rappel au Règlement.
En effet, comme la députée de Saanich—Gulf Islands l’a dit au début de son intervention, à la page 8719 du hansard de lundi:
[…] je crois que la situation démontre de façon indiscutable que la Chambre doit fixer des limites relatives aux projets de loi omnibus.
Plus tard, à la page 8720, elle admet ce qui suit:
Il ressort clairement que, à l’heure actuelle étant donné l’absence de règles à la Chambre visant à limiter la longueur et la complexité des projets de loi omnibus, le Président n’est pas autorisé à statuer qu’un projet de loi omnibus est trop long ou trop complexe ou qu’il a une portée trop vaste.
Ce qu’elle essaie de faire, en invoquant le Règlement, c’est de pousser le Président à instaurer de nouvelles règles, en réalité de nouvelles dispositions du Règlement. Bien sûr, ce n’est pas la bonne façon de faire les choses. De plus, il convient de souligner que, au cours des dernières décennies, la Chambre n’a saisi aucune occasion de modifier le statu quo concernant les dispositions du Règlement à cet égard.
Je ne répéterai pas les propos que j’ai tenus lundi après-midi concernant le thème central du projet de loi C-38, à savoir la mise en oeuvre du budget de cette année — le Plan d’action économique 2012. C’est un ensemble complet de mesures conçues pour créer des emplois, stimuler la croissance économique et assurer la prospérité à long terme. Vous vous souviendrez, monsieur le Président, que cet ensemble de mesures a été adopté lors d’un vote tenu à la Chambre le 4 avril dernier.
Par conséquent, et en conclusion, le projet de loi C-38 s’articule autour d’un thème central et la présidence ne peut pas opposer son veto à sa forme, comme l’ont souligné vos prédécesseurs.
Elizabeth May : Monsieur le Président, j’aimerais répondre brièvement à mon collègue, le leader du gouvernement à la Chambre.
Je suis consciente que l’opposition officielle a demandé qu’on lui donne du temps pour présenter son opinion au sujet de ce recours au Règlement extrêmement important. Je ne dis pas cela pour me vanter, mais bien parce que, selon moi, cette question devrait être examinée par la Chambre, comme cela a d’ailleurs déjà été le cas lors de législatures antérieures, mais pas de la manière décrite par le leader du gouvernement, qui a mal interprété mon point de vue.
Je ne me suis pas montrée sélective dans mes citations. J’ai cité le Président Lamoureux parce qu’il avait fait allusion aux problèmes des projets de loi omnibus…
L’hon. Peter Van Loan : Bel effort.
Elizabeth May : Monsieur le Président, j’aimerais bien pouvoir m’exprimer sans que le député tente sans cesse de m’interrompre.
Je disais que s’il s’agit d’un projet de loi omnibus véritable, en d’autres mots, s’il a un thème, un seul sujet ou un objet pertinent, le Président n’est pas tenu d’intervenir. Toutefois, il ressort clairement des précédents que j’ai cités, en particulier la décision rendue par le Président Fraser en 1988 sur l’accord de libre-échange, qu’un projet de loi doit d’abord être accepté en tant que véritable projet de loi omnibus. C’est le premier critère à respecter. Il n’est pas nécessaire de remanier le Règlement. C’est une question de précédent. S’il ne s’agit pas d’un véritable projet de loi omnibus, on enfreint le paragraphe 68(3) du Règlement.
Je ne vais pas maintenant remplacer mes arguments ou les répéter. Je tiens simplement à vous faire remarquer, monsieur le Président, que tout ce que le leader du gouvernement à la Chambre a dit passe complètement à côté du point de droit que j’ai fait valoir.
La présidence ne doit pas intervenir en vue de réduire la complexité ou la longueur d’un projet de loi omnibus ni le nombre de mesures législatives qu’il englobe, à condition qu’il s’agisse d’un projet de loi omnibus en bonne et due forme. Le projet de loi dont nous sommes saisis ne satisfait pas à ce critère. Il ne vise pas uniquement des éléments consignés dans le budget. Aucun unique grand thème ne le définit. Rien ne justifie qu’il comprenne des articles qui portent sur la modification de la supervision du Service canadien du renseignement de sécurité, de la législation sur l’habitation du poisson ou du rôle des gardes de parc de Parcs Canada.
La multiplicité et la portée des changements qui n’ont jamais été évoqués dans le budget lui-même, conjuguées à tout ce que les membres du Conseil privé croient — manifestement à tort — faire partie du projet de loi, laissent présager que ce dernier a été présenté dans une forme incomplète, selon la version française du Règlement — ou « imperfect » pour citer la version anglaise. Il est incomplet sur le fond et sur la forme. Il ne s’agit pas d’un projet de loi omnibus en bonne et due forme.
Je vous invite, monsieur le Président, à attendre de prendre connaissance des arguments de l’opposition officielle. Il me tarde de connaître ce qui sera, j’en suis convaincue, une décision impartiale rendue dans l’intérêt de la démocratie parlementaire fondée sur le modèle de Westminster ainsi que du Parlement même.