Trump, son discours d’inauguration et ses mensonges

Trump, son discours d’inauguration et ses mensonges
24 janvier 2017
Elizabeth May, députée

Le tissu de mensonges dressé en seize minutes par le président Donald Trump est un présage inquiétant de sa vision pour l’avenir du monde.

Certes, personne ne peut être sûr que Donald Trump croit réellement les choses qu’il dit. Les déclarations qu’il a faites le lendemain du jour de son inauguration accusant tout le monde, y compris les médias du monde entier et les rapports des services gouvernementaux des États‑Unis, de mentir sur la taille de la foule présente ce jour-là, laissent à penser qu’il croit avec ferveur en des choses qui sont manifestement fausses. Peut-être est-il convaincu qu’il réussira par la force de sa volonté à convaincre ses supporteurs de nier la réalité. Je ne sais pas laquelle de ces perspectives est la plus effrayante.

Qu’il croie en ses « faits alternatifs » ou pas, Trump a fait des déclarations dangereuses lors de son discours d’inauguration.

Il est sans doute vrai que de nombreux Américains sont moins prospères qu’avant. Leur société a été lourdement affligée par des compressions budgétaires, par l’effondrement du marché immobilier et par les prêts criminels à faibles taux de Goldman Sachs, Lehman Brothers et d’autres grandes banques. L’espérance de vie moyenne de l’homme blanc américain est à la baisse. C’est le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, qui m’a appris ça lors de son discours à l’automne dernier à l’Université de la Colombie-Britannique. Il nous a expliqué que les hommes blancs aux États-Unis mourraient plus tôt aujourd’hui en raison de la consommation d’alcool et de drogues ainsi que du suicide. Il a très bien expliqué que cette tendance était directement liée aux politiques ratées de l’ère Reagan-Thatcher. Le gouffre entre le 1 % et les 99 % ne cesse de croître. Les baisses d’impôts, la dérèglementation, la libéralisation des échanges et la privatisation mènent à l’érosion de la sphère publique. Cela crée un climat de précarité dans lequel prime la loi de chacun pour soi. Les politiques du néolibéralisme ne fonctionnent pas. Cela a été prouvé empiriquement. Elles ont fait disparaître la classe moyenne et les aspirations de toute une génération.

Trump est pour beaucoup de gens le leader de l’opposition à la globalisation. Il critique les accords commerciaux, mais pas l’empire du monde des affaires. Il condamne d’autres pays et leurs travailleurs, mais pas la réorganisation de la société dans l’intérêt des multinationales. Trump souhaite que les Américains se trouvent des coupables imaginaires pour expliquer l’état des choses aux États-Unis. Cela n’est donc pas surprenant qu’il ne soit pas d’accord avec Joseph Stiglitz. Il a nommé un groupe de profiteurs à son Cabinet. Il a nommé des milliardaires qui n’ont aucune expérience de la fonction publique et des comptes bancaires remplis d’argent gagné aux dépens des personnes que Trump affirme représenter. Son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, est un ancien dirigeant de Goldman Sachs. Quand la bulle immobilière a éclaté, ce dernier a simplement racheté une banque, qu’il a rebaptisée OneWest, pour racheter les hypothèques précaires des personnes les plus démunies et de la classe moyenne et faire fortune grâce aux évictions. Sa banque a même saisi la maison d’une dame de 90 ans en raison d’une différence dans son dossier de 30 sous.

Trump ne veut certainement pas que les Américains cherchent à savoir qui sont les vrais responsables de la situation actuelle aux États-Unis.

Dans son discours d’inauguration, il a préféré s’en prendre à la générosité des élites à Washington.

Il reproche aux gouvernements précédents d’avoir dépensé des trillions et des trillions de dollars à l’étranger et d’avoir laissé les infrastructures des États-Unis se dégrader, sans compter qu’ils ont enrichi d’autres pays alors que la richesse, la force, la confiance de leur pays se sont dissipées à l’horizon.

Dans un appel flagrant à l’égoïsme, Trump souhaite faire penser aux Américains que l’aide au développement offerte aux personnes les plus démunies du monde est responsable de la pauvreté d’aujourd’hui aux États-Unis. La vérité est que l’aide offerte par les États-Unis est bien en deçà de celle d’autres pays. Bien que le montant total de l’aide américaine en dollars ne soit dépassé par aucun autre pays, l’évaluation en dollars comme pourcentage du PIB de la contribution de l’aide n’est pas un indicateur véritablement représentatif de la situation. L’ancien premier ministre Lester B. Pearson a fixé l’objectif d’aide au développement à 0,7 % du PIB d’un pays avec une Commission des Nations Unies dont il faisait partie. La Suisse, le Royaume‑Uni, la Norvège et plusieurs autres pays ont atteint cet objectif. L’Allemagne le dépasse de 0,4 %, alors que l’aide du Canada ne compte que pour 0,28 % du PIB. Et qu’en est-il des États-Unis? L’aide qu’ils offrent ne compte que pour 0,19 % de leur PIB. Le plus grand bénéficiaire des 32 milliards de dollars d’aide que les États-Unis donnent à d’autres pays est l’Israël, qui reçoit 3 milliards de dollars. Étant donné tout ce que Trump a dit au sujet de son appui à Netanyahu, notamment qu’il est prêt a abandonner la solution de deux États, il serait surprenant que Trump réduise l’aide offerte à Israël. Il est plus probable qu’il élimine l’aide aux pays les plus pauvres. Il a déjà signé un décret visant à réduire l’aide destinée aux établissements de soins qui offrent des services d’avortement.

Trump a également critiqué les politiques qui affaiblissent selon lui l’armée américaine. Il a déclaré : « Nous avons défendu les frontières d’autres pays tout en refusant de défendre les nôtres. » [traduction]

Cette déclaration bizarre est en contradiction totale avec la domination économique du complexe industriel militaire. D’autant plus que les États-Unis investissent plus que tout autre pays de la planète dans leur armée. N’oublions pas que 54 % du budget discrétionnaire des États-Unis de 2015 a été consacré à l’armée. Trump a clairement démontré qu’il n’aime pas les partenariats internationaux, qu’il s’agisse de l’OTAN ou des Nations Unies.

Sa vision de « l’Amérique d’abord » visant à protéger les intérêts de son pays ne correspond en rien à ce à quoi on s’attend normalement d’un dirigeant. La vision de Trump est dangereuse et elle vise à monter les Américains contre le reste du monde.

La doctrine « l’Amérique d’abord » de Trump est une déclaration d’égoïsme et d’isolationnisme.