5.1 Le rôle du Canada comme leader international en matière de consolidation de la paix, d’atténuation de la pauvreté et de protection de l’environnement

« Je crois que pour relever le défi de notre époque, les êtres humains devront développer un plus grand sens de la responsabilité universelle. Chacun de nous doit apprendre à ne plus travailler uniquement pour son propre bénéfice, celui de sa famille ou de sa nation, mais pour le bien de toute l’humanité. Seule la responsabilité universelle sera la clé de la survie humaine. Elle est la meilleure base pour établir la paix dans le monde, pour un partage équitable des ressources naturelles et pour amener, par égard pour les générations futures, un véritable respect de l’environnement. »

Dalaï-Lama, Sommet de la Terre, Rio de Janeiro (1992)

Le Canada s’est dangereusement écarté de sa vocation historique au service de la paix. La politique internationale du Canada s’est muée en ce qui s’appelle un « modèle 3D » – diplomatie, développement et défense. Cette approche intégrative atteint à peine une fraction de son plein potentiel, parce que la structure bureaucratique à Ottawa n’a pas fait l’objet de réformes pour parer à l’inévitable concurrence entre ministères avares de pouvoir et d’influence. Malheureusement, cet état des choses entrave la réussite des activités internationales du Canada.

À l’heure actuelle, le genre de leadership politique inspiré, qui permettrait au Canada de renverser cette tendance, fait cruellement défaut. En fait, l’opposé serait plutôt la norme. Nous souffrons d’un grave déficit diplomatique dans l’arène internationale, puisque la vaste majorité des capacités du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) est de plus en plus minée et érodée par le gouvernement Harper.

Les verts feront en sorte que le Canada renoue avec sa tradition de chef de file en matière de consolidation de la paix, de maintien de la paix et de diplomatie dans le monde. Nous avons été fiers lorsque le Canada a refusé de participer à l’invasion de l’Iraq aux côtés de l’armée américaine. Notre politique étrangère doit comporter un volet de désarmement, notamment le désarmement nucléaire, et un soutien aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies.

Nous nous sommes écartés de ces deux principes en appuyant l’action militaire en Libye et en Iraq. Le Parti vert est le seul parti qui s’est opposé à la Chambre des communes à ces deux missions.

L’action militaire en Libye qui consistait à envoyer des bombardiers dans la région était justifiée par le principe en émergence du droit international de la « Responsabilité de protéger » (R2P). Nous avons appuyé les rebelles libyens, en sachant malgré tout que les troupes d’al-Qaïda faisaient partie de ces rebelles. Nous avons bombardé la Libye en appuyant le président déchu Kadhafi et ses pratiques de lynchage en pleine rue. L’armement de ses entrepôts s’est retrouvé dans les mains de groupes extrémistes, certains au Mali, d’autres en Syrie.

La pire erreur que nous avons commise en Libye, croyons-nous, a été de miner la légitimité de la doctrine du R2P. Aller en Libye en affirmant vouloir protéger les civils, puis changer notre mission selon le nouveau gouvernement a fait en sorte que nous n’avons pu nous appuyer sur cette doctrine de la Responsabilité de protéger lorsque des civils innocents étaient tués en Syrie par le régime de Bachar al-Assad. Nous avons assisté en spectateurs à l’assassinat de rebelles prodémocratie en Syrie. Si nous avions appuyé un cessez-le-feu et des pourparlers de paix en Libye, nous aurions été à même d’utiliser les arguments de la doctrine de la Responsabilité de protéger au sein des Nations Unies. En raison de la supercherie implicite dans la transition pour éliminer Kadhafi, les forces de la coalition ont créé une barrière avec le Conseil de sécurité, permettant aux alliés de Bachar al-Assad – la Russie et la Chine – de s’opposer à la protection des civils en Syrie. Sans le vouloir, nous avons donné au dictateur syrien Bachar al-Assad et à ses alliés la preuve irréfutable que la doctrine de la Responsabilité pour protéger était utilisée pour masquer les changements de régime.

Tout en étant spectateurs en Syrie, nous avons alimenté la haine des rebelles contre le régime de Bachar al-Assad. L’État islamique qui s’était formé en Iraq s’est rallié aux groupes rebelles peu organisés de la Syrie pour renverser Bachar al-Assad. Pendant un certain temps, la théorie selon laquelle « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » a placé l’État islamique du côté des pays de l’Ouest qui espéraient la fin du régime de Bachar al-Assad.

Plus tenace que nous le pensions, Bachar al-Assad est encore  à la tête de la Syrie. Le premier ministre Harper a affirmé au Parlement que si le président syrien en faisait la demande, le Canada s’engagerait dans des frappes aériennes en Syrie. Il n’est pas exagéré d’affirmer que notre politique étrangère est devenue plus qu’erronée. La proposition est compliquée. Bombarder l’État islamique à la demande de Bachar al-Assad pourrait aider le président syrien à rester au pouvoir. De plus, les efforts des alliés pour déstabiliser l’État islamique ont, selon Human Rights Watch, déjà mené au bombardement américain de missiles Tomahawk sur la Syrie, tuant des civils et atteignant des rebelles qui n’appartiennent pas à l’État islamique.

En nous éloignant de l’obligation de se soumettre à la primauté du droit dans les affaires internationales, nous avons aggravé une situation qui était grave. Nos intentions étaient bonnes, mais leurs mises en application n’étaient pas soutenues par des preuves, un recul et une compréhension selon lesquels les décisions ne peuvent être prises sans considération pour tous ces aspects.

Le Parti vert estime que les lois et institutions internationales constituent les bases de la justice et de la stabilité dans le monde. Nous ne devons jamais contourner les exigences d’une résolution des Nations Unies avant de nous engager sur le plan militaire. L’emprisonnement sans procès équitable et l’usage de la torture dans les interrogatoires des suspects détenus dans des centres de détention militaires sont des violations des institutions et des traités internationaux protégeant les droits de la personne. Le respect des lois et des conventions internationales est non seulement le garde-fou de nos valeurs morales, mais aussi, et surtout, la fondation d’un monde juste et sécuritaire. Nous devons cesser de fermer les yeux sur les pratiques d’incarcération qui affaiblissent le droit international et la société civile et, par conséquent, représentent une menace beaucoup plus grave à long terme.

Le Parti vert rétablira le Canada dans son rôle de médiateur et de diplomate adroit et très compétent – une force qui a toujours été un atout pour le Canada. Nous augmenterons l’aide au développement international et réorienterons les opérations de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) vers le développement d’économies vertes et la lutte contre la pauvreté. Nous participerons davantage aux opérations de maintien de la paix de l’ONU et aux missions de secours lors des catastrophes naturelles, et équiperons nos contingents en ce sens.

Les députés verts :

  • Rééquilibreront nos dépenses de défense de manière à augmenter nos capacités de secours et notre vitesse d’exécution pour venir en aide aux sinistrés lors de catastrophes naturelles (avec, entre autres, le DART – l’Équipe d’intervention en cas de catastrophe) et notre participation aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, et à diminuer notre participation aux opérations guerrières de l’OTAN.
  • Rétabliront les relations entre les ministères des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) et de la Défense nationale (MDN), les Forces canadiennes (MDN/FC) et l’Agence canadienne de développement international (ACDI) pour accroître notre capacité à planifier, organiser et exécuter des missions à l’étranger.
  • Joueront un rôle clé dans la création d’une force d’intervention rapide permanente des Nations Unies, qui aurait un mandat de maintien de la paix et de restauration de l’environnement, pour les crises internationales comme pour les catastrophes naturelles comme les inondations, tremblements de terre, ouragans et incendies.
  • Exhorteront les ambassades et les consulats canadiens du monde entier à développer des capacités adéquates en termes de reconnaissance et d’évaluation rapide en cas d’urgence, en vue d’accélérer les délais d’intervention du Canada.
  • S’opposeront au recours à la responsabilité de protéger des Nations Unies comme solution militaire pour obliger des nations à accepter des secours d’urgence.
  • Concentreront l’aide au développement et les investissements économiques canadiens dans les secteurs stratégiques suivants :
  1. Les carburants et les sources d’énergie de remplacement qui réduisent considérablement la dépendance aux importations de pétrole et de gaz naturel et favorisent la croissance des nations récipiendaires de l’aide ainsi que leur participation dominante au sein de ces secteurs ou des nouvelles entreprises appelées à prendre de l’ampleur.
  2. Les secteurs agricoles qui offrent des possibilités d’investissement à la fois pour l’agriculture de subsistance et l’agriculture commerciale intérieure, conformément aux principes verts de respect de l’environnement et d’égalité entre les genres.
  3. L’accroissement des échanges bilatéraux, dans la mesure du possible, afin de favoriser l’exportation des produits des petits états insulaires.
  4. L’appui et le renforcement de la coopération avec des organisations régionales en vue de préserver et de renforcer l’indépendance et la souveraineté régionales.
  • Soutiendront la convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU, et s’assureront que ses principes font partie intégrante de la politique étrangère du Canada.
  • Créeront un ministère de la Paix et de la Sécurité.
  • Réviseront la participation du Canada à des alliances militaires telles que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) pour s’assurer qu’elles sont en accord avec les priorités de diplomatie, de développement et de défense du Canada.
  • Militeront activement pour un désarmement nucléaire à l’échelle mondiale, et pour la conversion des industries militaires du Canada et du monde entier en industries de paix et de reconstruction.
  • Ouvriront des enquêtes internationales sur les centres de détention militaires existants où des violations des droits de la personne ont été rapportées, en Iraq, à Cuba, en Afghanistan et partout ailleurs et réclameront la fermeture de toutes les prisons militaires qui existent en dehors des limites du droit international.
  • S’opposeront à l’utilisation des institutions publiques canadiennes au profit du développement de la technologie militaire.
  • S’opposeront au développement et à l’utilisation d’armes spatiales en territoire canadien comme dans les eaux territoriales canadiennes.
  • S’opposeront à la militarisation de l’espace.
  • Insisteront sur le respect de la Convention de Genève par le Canada et ses alliés.
  • Défendront l’adoption de mesures antiterrorisme respectueuses du droit international. Le terrorisme doit être combattu avec les outils classiques des enquêtes criminelles et des tribunaux.
  • Soutiendront la Charte de la Terre et la ratifieront au sein du Parlement canadien.
  • Feront en sorte que le Canada s’acquitte de ses obligations aux termes de la Convention sur la diversité biologique en allouant une quantité importante de nouveaux fonds pour la conservation de la nature dans les pays en développement grâce à la mise en œuvre de politiques conçues pour protéger la diversité biologique à l’échelle de la planète. (Le gouvernement du Canada devrait prendre les rênes de l’organisation et du financement.)
  • Soutiendront la collecte de diverses plantes cultivées et races d’animaux domestiques à l’échelle mondiale en vue de préserver la diversité génétique requise pour l’avenir de l’approvisionnement alimentaire, les fibres et d’autres produits biologiques, notamment pour les systèmes agricoles viables à faible apport d’intrants, mieux adaptés à un avenir marqué par la rareté des ressources.
  • Feront valoir que la préservation de la nature sauvage et de la grande communauté de la vie, à l’échelle internationale, nationale et locale, est particulièrement importante non seulement pour leur propre survie, mais pour le développement futur de pratiques agricoles et forestières durables.
  • Feront en sorte que le gouvernement du Canada incite tous les ordres de gouvernement du Canada à intervenir sans délai pour protéger, préserver et rehausser la nature sauvage et la grande communauté de la vie.

« Nous devons nous baser sur les lois internationales. C’est le roc auquel vous pourrez vous accrocher dans la tourmente. »

Paul Heinbecker, ex-ambassadeur du Canada aux Nations Unies, le 17 février 2007, dans le cadre du forum de politique étrangère du Parti vert