Ce que les trains nous montrent
Rédigé par Elizabeth May, députée
Beaucoup de gens ont été stupéfaits par la victoire de M. Trump dans les élections américaines, mais cela ne m’a pas surprise autant que certains. Lorsque les gens me demandent pourquoi, je leur réponds que c’est en raison de ce que j’ai vu par la fenêtre du train.
Lorsque vous voyagez d’un bout à l’autre des continents en avion tout ce que vous voyez c’est la similitude des aéroports. Ils reluisent. Les voyages par avion ne révèlent rien sur les pays survolés. Rien ne touche au sol. Cependant, lorsque vous prenez le train, vous voyez les réalités du quotidien.
L’année dernière, j’ai pris l’Amtrak de Washington (D.C.) à Charleston (Caroline du Sud), où mon grand-père est né. Le trajet de Washington à Charleston prend plus de temps qu’il le devrait. Le voyage se fait plus rapidement en voiture. Vous voyez par la fenêtre le délabrement des magasins condamnés et le piteux état des gares. Vous voyez un pays sur le point de dérailler. Malgré les efforts d’embellissement local occasionnels, il y a un sentiment incontournable de désespoir silencieux.
J’étais la seule personne de race blanche dans ce train. La gare est située à des miles à l’extérieur de la ville dans North Charleston. Elle est entourée de fils barbelés – un point de débarquement misérable et peu accueillant pour l’une des plus grandes merveilles architecturales de l’Amérique du Nord. Dans l’ensemble du Canada et des États-Unis, la beauté et le patrimoine de Charleston n’ont d’égal que ceux de la ville de Québec. À l’inverse, le train qui arrive à Québec s’arrête dans un petit château qui illustre la beauté et le patrimoine de cette vieille ville.
Comme cadeau de Noël, j’ai décidé de prendre le train de Vancouver à Toronto avec ma fille et notre nouveau chiot. C’était un coup de tête égoïste. Cela signifiait que j’avais ma fille à moi seule pendant quatre jours complets, c’est-à-dire de notre départ de Vancouver le 23 décembre à notre arrivée à Toronto le 27 décembre. J’essaie de traverser le Canada par train au moins une fois par année.
Peu importe où vous êtes au Canada, la vue n’est jamais désolante. Que la vue soit d’une forêt, d’un marécage, des Rocheuses, d’une petite ville ou d’une grande ville, elle n’est pas caractérisée par le désespoir. La vue change avec les saisons et même une vue familière est entièrement transformée par les conditions météorologiques et l’éclairage. Peu importe où vous vous trouvez et peu importe la saison, le Canada offre un paysage prometteur.
VIA Rail et le gouvernement du Canada ne comprennent pas vraiment ce que signifie le voyage en chemin de fer pour ce pays. La direction de VIA Rail pense que seuls les touristes utilisent Le Canadien, train transcontinental de Vancouver à Toronto, et L’Océan, train de Montréal à Halifax – les deux services qui couvrent le Canada d’un océan à l’autre. Dans son rapport sur le transport, David Emerson a soutenu que VIA Rail devrait faire concurrence sans subvention, mais le train fait partie de notre infrastructure publique. Il permet aux familles de voyager de façon plus économique.
Prenez le train et constatez-le vous-même. Il existe un système de classes très défini à bord. Les passagers en classe économique dorment dans leur siège. Les sièges (de jour et de nuit) sont conçus de sorte que le dossier soit inclinable pour permettre une bonne nuit de sommeil, si vous êtes capable de vous endormir parmi les étrangers qui dorment autour de vous. Contrairement aux compagnies aériennes, VIA Rail donne des rabais aux familles. Les jeunes enfants voyagent gratuitement, les jeunes plus âgés voyagent à moitié prix et les aînés profitent également d’un tarif réduit. Les trains se rendent dans les petites villes situées à l’extérieur des grands centres urbains. Peu de passagers en classe économique ont fait tout le trajet. Ils étaient à bord pour de courts voyages, comme d’Edmonton à Saskatoon ou de Winnipeg à Sioux Lookout.
Ma fille et moi étions dans la classe supérieure qui suivait. Nous avions une chambre avec deux lits superposés. Tous les repas sont maintenant compris dans le prix de ces chambres et ils sont excellents. Les chambres de luxe Prestige sont plus dispendieuses; elles contiennent un lit à deux places qui se plie comme un lit-placard, de grandes fenêtres, une télévision à écran plat et une salle de bain avec une douche.
Si vous avez un chien à bord, vous devez traverser les voitures remplies de personnes endormies, les voitures-restaurants, les voitures-dômes et les voitures-coachs pour vous rendre au wagon à bagages, le wagon situé le plus près de la locomotive. En raison de tous mes allers-retours au wagon à bagages pour m’occuper du chiot, j’ai fait la connaissance d’un bon nombre des passagers en classe économique.
C’est ainsi que j’ai rencontré Nancy. Cette grand-mère qui avait environ mon âge en était à la dernière étape de son voyage aller-retour de sa maison à Minnedosa, une petite ville dans la région rurale du Manitoba, à Vancouver. Elle avait stationné sa voiture à Rivers, au Manitoba, qui se trouve à quelques heures de Winnipeg. Nous avions pris beaucoup de retard en raison du problème perpétuel causé par le fait que les voies ferrées appartiennent à la compagnie de fret et que celle-ci contrôle la signalisation. Les trains de voyageurs doivent toujours se ranger dans la voie d’évitement pour permettre aux trains de marchandises de passer. Un blizzard faisait rage et nous avions réalisé que nous arriverions à Rivers vers 22 h 30 plutôt que 17 h 30, comme prévu. C’était le jour de Noël. Quel garage serait ouvert si sa voiture, stationnée dans le froid glacial depuis deux semaines, refusait de démarrer? Elle serait à 55 km de chez elle et, comme elle l’a mentionné, le seul hôtel de Rivers avait récemment fermé ses portes. Que ferait-elle?
Heureusement, je connais la ville de Rivers (La tournée éclair du Parti vert comprenait des regroupements à 5 h 30 à Rivers et le maire est venu m’accueillir parce que c’était la première fois que le chef d’un parti fédéral avait organisé un rassemblement dans sa ville!) Selon moi, il serait sécuritaire de cogner à la porte de toute maison pour demander de l’aide si elle en avait besoin. Elle était du même avis et m’a dit que c’est ce qu’elle ferait. À mon retour à Toronto, j’ai reçu un courriel de Nancy. La batterie de sa voiture était bel et bien à plat. Un passant a remarqué qu’elle était en détresse et a téléphoné au service de police local. Un jeune agent s’est présenté sur place et a survolté la batterie de sa voiture, il lui a toutefois recommandé de ne pas conduire seule dans la violente tempête. Il l’a menée au poste de police pour qu’elle y stationne sa voiture et a ensuite posé un geste tout à fait incroyable. Il l’a reconduit chez elle le soir de Noël. L’agent Max Tschuschba a fait tout le trajet, soit 55 km à l’aller et 55 km au retour à une vitesse lente dans un terrible blizzard, pour reconduire Nancy chez elle.
Je doute qu’un tel geste soit posé dans une gare sombre de l’Amérique rurale. Lorsque vous regardez par la fenêtre des trains d’Amtrak, vous voyez des infrastructures qui se détériorent. Bien qu’il ne faille pas oublier que la pauvreté et le racisme existent au Canada et que nous sommes loin d’être parfaits, les éléments qui nous unissent sont à la portée de la main. Par la fenêtre des trains de VIA Rail, vous voyez une collectivité.