Elizabeth May, députée de Saanich-Gulf Islands, chef du Parti vert du Canada
Avril 2017
J’essaie d’éviter toute nuance partisane dans mes chroniques publiées dans Island Tides, mais j’espère que, cette fois-ci, vous me pardonnerez de vous faire part de l’expérience inspirante que j’ai vécue au récent Congrès mondial des verts tenu à Liverpool (R.-U.).
Il n’est pas étonnant que les verts de toutes les parties du monde se soient souciés d’éviter les vols excessifs et de réduire leurs émissions de GES pour se rassembler. Le Congrès mondial des verts n’a donc lieu qu’une fois tous les cinq ans. Le seul autre auquel j’ai assisté s’est tenu à Sao Paulo (Brésil), en 2007. Je n’ai pas pu participer au congrès de 2012, organisé au Sénégal, à cause de mon calendrier de travail au Parlement. Depuis lors, j’ai accepté le poste de coprésidente de l’Association mondiale des parlementaires verts; cette année donc, je ne pouvais refuser d’être présente.
Ce fut le plus grand rassemblement de notre histoire : 2 000 verts venus de tous les continents, sans exception. Plus de 100 pays étaient représentés. Notre Association mondiale des parlementaires verts a profité du fait que plus de députés verts au niveau national ont été réunis dans la même salle que jamais auparavant. Il existe presque 400 députés verts dans le monde, de sorte qu’ils n’ont pas pu tous être présents. Cependant, nous avons accueilli des députés du Congo, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de l’Espagne, du Tchad, de la Colombie, du Mexique, de la Nouvelle‑Zélande (dont la codirigeante charismatique Metiria Turei, une jeune maorie), de l’Australie (des sénateurs verts élus), de la Suède, de l’Irlande, de la Finlande, de la Lettonie, de l’Islande, de l’Écosse, de la France, de la Belgique, du Royaume-Uni et du Pays de Galles et d’Israël (le seul député vert à la Knesset, Yael Cohen Paran), ainsi que de nombreux députés verts du Parlement européen. Avec mes collègues verts européens, j’ai réfléchi à des stratégies pour faire échec à l’AECG. Ils sont les seuls à pouvoir y arriver.
Nos hôtes, les verts de l’Angleterre et du Pays de Galles, se débattent face aux conséquences du Brexit. Malgré tout, la seule députée verte à Westminster, la codirigeante du parti Caroline Lucas, députée de Brighton-Pavilion, a prononcé un brillant discours, en trouvant des signes d’espoir « au milieu des décombres ».
Les verts qui servent dans un gouvernement de coalition ont eu plus de mal à se libérer, mais six ministres verts du gouvernement suédois ont participé au Congrès, y compris la vice‑première ministre Isabella Lövin. La ministre de l’Environnement du Luxembourg, la députée verte Carole Dieschbourg, a fait un exposé sur les chances du monde d’atteindre l’objectif de 1,5 degré fixé à Paris.
Cependant, les codirigeants des verts des Pays-Bas manquaient à l’appel. Après avoir connu un succès retentissant aux élections récentes, à l’issue desquelles les politiques racistes de la droite alternative du Parti hollandais pour la liberté, dirigé par Geert Wilders, ont été rejetées et les verts ont vu le nombre de leurs sièges passer de quatre à quatorze, les verts gauchistes des Pays-Bas sont restés au pays pour négocier leur rôle éventuel dans un gouvernement de coalition. (Une sorte de « Borgen » – une dramatique danoise très recommandée, si vous ne l’avez pas encore vue!)
Le chef des verts gauchistes hollandais, Jesse Klaver, âgé de 30 ans, dont les origines sont à la fois marocaines, indonésiennes et hollandaises, a proclamé que les verts étaient l’antidote au populisme de la droite. « Je dirais à tous mes amis de gauche en Europe : n’essayez pas de tromper la population. Défendez vos principes, soyez francs, soyez en faveur des réfugiés et de l’Europe. La popularité de notre mouvement grandit dans les sondages. Vous pouvez arrêter le populisme. »
Le thème de la réforme électorale a occupé une grande place dans l’ordre du jour du Congrès de Liverpool. Nous avons assisté à une réunion-débat sur l’état actuel des choses quant à l’obtention d’une représentation équitable avec ceux qui n’en bénéficient pas, soit l’ancienne dirigeante des verts du R.‑U., Natalie Bennett, Jill Stein (verts des É.‑U.), et moi-même qui ai appris de la bouche de Metiria Turei comment la représentation proportionnelle avait transformé la culture politique de la Nouvelle‑Zélande. J’ai été surprise de constater combien de verts du monde entier étaient au courant de la décision prise par Justin Trudeau de ne pas respecter sa promesse sur la création d’un système électoral équitable. Comme chez de nombreux Canadiens, cette décision a suscité en eux colère et désappointement.
Dans ce contexte, il convient de faire connaître largement au Canada les résultats obtenus aux Pays‑Bas. Trudeau a soutenu à tort que la représentation proportionnelle permettra aux partis extrémistes de prendre le pouvoir. C’est plutôt l’opposé qui est vrai. Sans la pression créée par le système majoritaire uninominal (SMU) – qui unifie la droite – les partis extrémistes tels que celui de Wilders sont écartés du pouvoir. Si le Canada avait bénéficié de la représentation proportionnelle, l’Alliance et le Parti progressiste conservateur auraient pu coexister. La prise de contrôle hostile du PC par l’Alliance a essentiellement déplacé tout le spectre politique canadien vers la droite. En outre, étant donné la perversité du SMU et la règle de la fausse majorité, Stephen Harper, qui n’a jamais eu l’appui de plus de 24 % des Canadiens, a obtenu une majorité (ce pourcentage correspond à la véritable proportion de la population à laquelle équivalait le pourcentage du vote populaire, soit 39 %, obtenu par les conservateurs en 2011, car seulement 60 % des Canadiens ont voté).
En revanche, 81,9 % des électeurs ont participé au scrutin aux Pays-Bas. Même si le parti de Wilders avait terminé premier, il n’aurait eu aucune chance d’obtenir plus de 35 sièges, soit 40 de moins qu’il lui en aurait fallu pour former le gouvernement. Or, aucun des autres partis aux Pays‑Bas n’était disposé à adopter le genre de populisme de droite alternative qu’il proposait. Il est dommage que Wilders ait remporté 19 sièges et se soit ainsi classé quatrième, mais comme les verts ont obtenu 14 sièges et la cinquième place et que les partis conventionnels et de gauche représentent la majorité, il est certain que la nouvelle coalition s’opposera fermement aux politiques anti-immigration de Wilders définies par son slogan « Les Néerlandais d’abord ».
Le thème de la solidarité mondiale en faveur d’un programme axé sur la compassion, sur le respect des droits de la personne, sur l’élimination progressive des combustibles fossiles, sur l’éradication de la pauvreté, sur le démantèlement de toutes les armes nucléaires et sur l’autonomisation d’une véritable démocratie populaire, a été partagé par tous les verts du monde. Ensemble, nous constituons un mouvement planétaire.
Caroline Lucas a résumé la pensée collective en disant : « Nous nous dressons contre tout ce que le président Trump préconise […] » Quant à elle, l’ancienne chef du Parti vert australien, Christine Milne, a ajouté : « L’avenir sera vert, où il n’y en aura aucun. »