Au printemps 2012, le premier ministre a pris les Canadiens et son propre parti par surprise lorsqu’il a proclamé du haut de sa tour d’ivoire à Davos, en Suisse, la réforme du régime de pensions des Canadiens. Sans jamais faire la plus petite mention durant la campagne électorale de 2011, il annonce, dans son budget de 2012, que l’âge pour être admissible au Régime passera de 65 à 67 ans. Rien de tout cela, la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti ou le Régime de pensions du Canada – n’a été mis sur le tapis durant la campagne. Si oui, ce n’était seulement pour rassurer les Canadiens qu’ils recevraient leur pension.
Ce qu’on nous raconte semble plausible : la démographie du pays est en train de changer, car notre population est vieillissante. Entre 2015 et 2021, les ainés nés entre 1947 et 1957, seront plus nombreux que de jeunes de moins de 14 ans, une première dans notre histoire.
Avec autant de personnes âgées, il n’y aura pas assez de jeunes travailleurs pour financer nos pensions. Cependant, il manque des facteurs cruciaux : personne ne prévoit l’effondrement du PIB parce qu’il y aura de moins en moins de travailleurs. On croit toujours que le PIB augmentera, car on s’attend à ce que l’immigration et des secteurs d’activité moins gourmands en main-d’œuvre sauveront l’économie.
Dans son rapport de 2012, le directeur parlementaire du budget a déclaré que le gouvernement était en mesure d’absorber les effets du départ à la retraite des baby boomers, après avoir refilé 2 % des coûts en santé aux provinces. En fait, il dit que le gouvernement est en mesure d’augmenter les prestations de la Sécurité de la vieillesse. Si réforme il y a, il faut avoir comme objectifs de verser des prestations suffisantes pour empêcher les ainés de vivre sous le seuil de la pauvreté, d’exiger des cotisations minimales additionnelles et de réduire les coûts liés à l’administration et à l’investissement.
Le seul système qui nous permet d’atteindre tous ces objectifs est le Régime de pensions du Canda, un système éprouvé qui fait l’envie de bien des pays. Il est possible d’en modifier les mécanismes pour bonifier les prestations. Si nous réformons le Régime, il faut nous préparer au nombre de plus en plus faible de travailleurs et au déclin alarmant de Canadiens en âge de travailler qui ont un régime de retraite privé.
Réforme nationale des pensions
Malheureusement, le gouvernement Harper persiste à saboter nos efforts pour la réforme nationale des pensions.
À la rencontre annuelle des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux des Finances tenue en décembre 2013, la plupart des provinces, l’Île-du-Prince-Édouard en tête, se préparaient à évaluer une série de propositions à mettre en place progressivement pour bonifier le Régime. Tout d’abord, au cours des quarante prochaines années, on élèverait le plafond des prestations, actuellement fixé à 25 % du salaire de l’industrie moyen. On envisage aussi d’élever le maximum des gains annuels ouvrant droit à une pension assujetti aux cotisations au Régime, qui est de 52 500 $ en 2014, à un montant plus près des normes internationales d’environ 110 000 $. En comparaison, le système de sécurité sociale des États-Unis prévoit des cotisations de 12,4 % sur des revenus allant jusqu’à 117 000 $. Ensuite, pour augmenter ce maximum des gains annuels, les provinces volontaires considéreraient faire passer le plafond de 25 % à un pourcentage plus raisonnable, comme 35 ou 40 %. Un taux de remplacement du revenu de 25 % était jugé suffisant lorsque presque tous les travailleurs avaient droit à un régime de retraite à prestations déterminées, en plus de la pension de la vieillesse. Les trois systèmes (le Régime des pensions du Canada, la Sécurité de la vieille et les régimes de retraite privés) constituaient les trois piliers, chacun stable et fiable aussi longtemps que les autres l’étaient.
Malencontreusement, ce nouveau mouvement de volonté provinciale a reçu un non catégorique du gouvernement fédéral. Tout comme les pays qui assistaient aux conférences internationales sur les changements climatiques, les provinces apprennent à leurs dépens comment le gouvernement Harper sape leurs efforts visant à améliorer quoi que ce soit, du contrôle des émissions de carbone à la bonification de la sécurité de la retraite des Canadiens.
Les futurs retraités au Canada devront composer avec une crise parce qu’un des trois piliers, celui des régimes de retraite privés, s’est effondré et menace les travailleurs du secteur privé, surtout les plus jeunes. Seuls 24 % (mais 28 % il y a 10 ans) d’entre eux cotisent à un régime de retraite privé. Il y a 10 ans encore, 74 % de ces régimes du secteur privé étaient à prestations déterminés, aujourd’hui ce pourcentage a chuté à 51 %. Ce n’est pas que les fonctionnaires profitent un bon régime de retraite, mais que 75 % des régimes du secteur privé ne sont pas solvables. Il ne faut pas oublier que les régimes à prestations déterminés sont les seuls à garantir au travailleur le droit à recevoir une partie de son revenu sous la forme d’un traitement différé ou de pensions dès sa retraite.
Les prestations et les cotisations déterminées
Trop d’entreprises ont prétexté un quelconque problème économique pour abandonner leur régime de retraite à prestations déterminées. Il faut bien profiter de chaque crise. Dans certains cas, ces entreprises le gèlent (décision affectant 480 000 employés) et le transforment en celui à cotisations déterminées, moins profitable, créant ainsi des plans dit hybrides par des statisticiens. Fait à savoir, les régimes à prestations déterminées sont beaucoup plus efficaces que ceux à cotisations déterminés, puisqu’ ils permettent le versement des retraites franchement plus considérables pour le même montant cotisé, et pourtant, les plans à cotisations déterminées reçoivent le même traitement fiscal.
Dans d’autres cas, ils ont carrément mis fin au plan à prestations déterminées et opté pour l’autre, laissant ainsi le cotisant à la merci des marchés. De plus, ce dernier plan coûte en général plus cher à gérer et offre aux cotisants de moins bons services d’investissements professionnels. Sinon, les entreprises abandonnent simplement toute forme de régime.
Les régimes à cotisations déterminées offrent des prestations franchement moindres, qui pourraient être encore plus réduites si les marchés s’effondraient, et ils sont rarement à l’abri des aléas de l’inflation. En abandonnant les régimes à prestations déterminées, le secteur privé refile aux personnes et au gouvernement le coût de la retraite de ceux qui travaillent aujourd’hui. Les travailleurs ne comblent pas ce manque pour assurer leurs vieux jours, car seulement 32 % cotisent à leur REER, et leurs cotisations demeurent faibles alors que leur endettement atteint un niveau record.
Toutes les provinces le savent : la plupart des travailleurs d’aujourd’hui auront une retraite loin d’être dorée en raison de l’effondrement du pilier des régimes de retraite. De plus, elles savent que la bonification du Régime de pensions du Canada n’aura aucun effet néfaste sur l’économie et qu’elle contribuera à assurer aux retraités un assez grand pouvoir d’achat tout au long de leur retraite.
C’est avec grand plaisir qu’on voit l’Ontario jouer un rôle plus actif dans l’élaboration d’une politique nationale, dont les conservateurs de l’échelon fédéral font maintenant fi.
La première ministre de l’Ontario, Mme Wynne, a dit prévoir créer un nouveau régime de retraite, en parallèle au Régime de pensions du Canada, qui permettrait aux travailleurs et aux employeurs de redresser le pilier en voie de s’effondrer. Elle a également annoncé qu’un conseil consultatif technique, composé d’expert éminents, contribueront à instaurer ce régime de retraite ontarien et que l’ancien premier ministre du Canada, M. Paul Martin, prêtera également son concours. Tous ces conseillers sont censés remettre un rapport à ce sujet plus tard ce printemps.
En agissant ainsi, l’Ontario songe à donner voix au chapitre aux autres provinces en les invitant à se joindre aux discussions. Avant de voir le résultat de ces efforts, il reste une lueur d’espoir que les travailleurs puissent profiter d’un régime de retraite fiable pendant les prochaines décennies.