Le 11 septembre

Ce dimanche marquait le dixième anniversaire des attaques terroristes connues collectivement comme « le 11 septembre. » 

Je me souviens des moindres détails qui ont marqué cette journée. Nous mettions la touche finale aux communiqués pour les conférences de presse simultanées à Halifax, Montréal, Ottawa, Toronto et Vancouver pour présenter un rapport sur la biotechnologie produit conjointement par le Sierra Club et Greenpeace. J’étais complètement absorbée par mon travail à mon bureau lorsque j’ai remarqué que le personnel s’agglutinait dans la salle de conférence. J’ai demandé à ma collègue Angela ce qui se passait. Elle m’a répondu : « Qui sait? Un écrasement d’avion ou quelque chose comme ça. Les médias ne parlent que de ça. » 

J’ai quitté mon bureau pour rejoindre les autres membres du personnel dans la salle de conférence et regarder ce qui se passait à la télé… au moment même où le deuxième avion s’écrasait dans les tours jumelles. Je suis retournée à mon bureau, j’ai attrapé mon téléphone et annulé toutes les conférences de presse. Puis je suis retournée dans la salle de conférence au moment où les tours s’effondraient. J’ai fait un appel rapide pour m’assurer que mon beau-fils était sain et sauf. Son bureau se trouvait à quelques coins de rue des tours. Il n’avait rien, mais était complètement dévasté par la scène à laquelle il venait juste d’assister en direct depuis la fenêtre de son bureau.

J’ai passé le reste de la semaine à regarder l’horreur à la télévision. J’ai pleuré et prié et attendu avec impatience le sauvetage des survivants. Cinq jours plus tard, ma fille de dix ans est venue au salon et a éteint la télévision. Elle m’a ordonné de cesser de regarder. Elle a dit que cela ne changerait rien pour moi, puisque plus personne ne pouvait être sauvé.

Depuis ce jour fatidique, j’ai eu l’occasion de connaître Maureen Basnicki, une femme courageuse qui avait perdu son mari, Ken, avec les quelques Canadiens tués dans les attaques. Le Parti vert appuie les efforts qu’elle a déployés pour faire adopter une loi qui permettrait d’engager des poursuites extraterritoriales pour dommages et intérêts contre des terroristes.

Pendant ce temps, au cours des dix dernières années, les États-Unis et ses alliés ont dépensé des centaines de milliards de dollars pour renforcer la sécurité et mener des guerres contre « la terreur » au nom de la sacro-sainte sécurité. Plusieurs vies ont été sacrifiées au cours de ce processus, dont celles de 100 000 civils dans une guerre illégale en Iraq et de dizaines de milliers d’autres en Afghanistan.

Nous avons également sacrifié des valeurs et des engagements qui nous tenaient à cœur depuis longtemps. La Convention de Genève. La Déclaration universelle des droits de l’homme. Ces documents n’ont pas résisté à Guantanamo Bay, à Abu Ghraïb, à la restitution extraordinaire ou au supplice de la baignoire. La torture est devenue une pratique gouvernementale défendable. À présent, Stephen Harper veut rétablir les dispositions de la législation antiterroriste contraire à la Charte. Finissons-en avec l’Habeas corpus, le droit à un avocat et le droit de connaître les accusations portées contre vous. 

Sans compter que le Canada a dépensé des sommes colossales. En effet, un rapport récent estime que le Canada a dépensé 92 milliards de dollars au cours des dix dernières années pour améliorer sa sécurité [Institut Rideau].

Ironique, n’est-ce pas? Nous avons des ponts qui ne sont pas sécuritaires; certains sont même fermés à Montréal et à Saskatoon. Trop dangereux pour permettre aux automobilistes de les emprunter – ou de conduire en dessous. Toutes nos infrastructures auraient pu être sécurisées avec ce que le Canada a dépensé pour sa « sécurité. » Plusieurs collectivités des Premières nations ne peuvent même pas consommer l’eau parce qu’elle est impropre à la consommation. Une fraction de ces 92 milliards de dollars aurait pu servir à améliorer la vie d’un grand nombre de Canadiennes et de Canadiens. 

Dans le National Post, le chroniqueur Chris Selley a écrit ce que peu de gens ont le courage de dire à haute voix – que les dépenses en matière de sécurité représentent un « coût de renonciation colossal. » Il a même suggéré que « si les nations occidentales avaient utilisé cet argent pour rembourser la dette ou réduire les impôts, leurs citoyens s’en porteraient beaucoup mieux aujourd’hui. » [Traduction, 9 septembre 2011].

La plus grave menace pour notre sécurité, celle qui met en péril notre survie comme monde civilisé, la crise climatique, prend de l’ampleur année après année, à mesure que les émissions augmentent. Les guerres menées au nom du 11 septembre tendent à impliquer de grands producteurs de pétrole, et Gore Vidal s’est amusé à en recenser les liens fort intéressants dans son livre intitulé Dreaming War: Blood for Oil and the Cheney-Bush Junta.

De nombreux militaires partout dans le monde considèrent la crise climatique comme une menace claire et immédiate, bien plus grave que celle du terrorisme (Climate Wars, de Gwynne Dyer). Pourtant, le gouvernement Harper passe complètement sous silence le fait que les émissions de gaz à effet de serre constituent une menace pour notre sécurité.

Nous devons trouver un équilibre qui nous permette de prendre nos précautions pour nous protéger de gens assez fous pour tuer d’autres personnes pour des motifs politiques – qu’ils soient fondamentalistes (juifs, chrétiens ou musulmans) ou assoiffés d’une vengeance absurde. Certes, il nous faut des actions policières, coordonnées à l’échelle internationale, pour retracer et poursuivre en justice les criminels.

Cependant, après dix ans, je pense que l’heure est venue de réaliser des études coûts-avantages sérieuses avant de continuer à injecter sans cesse de l’argent pour respecter de nouvelles exigences ou subventionner la très lucrative industrie de la sécurité.

L’heure est venue de mettre un terme à toute cette folie. Il semblerait que tous pays de la planète en sont venus à la conclusion qu’il est impossible de freiner les dépenses croissantes engagées pour lutter contre les terroristes. C’est presque devenu une manie. Ça me rappelle en fait les méthodes d’extrême droite des années 1950, à l’époque de McCarthy, où le simple fait de dénoncer la situation faisait de vous un suspect. Êtes-vous « mous par rapport au terrorisme? » Est-ce aider et réconforter les talibans ou Al-Qaeda que de mentionner la fonte des calottes glaciaires et l’inondation des terres agricoles en implorant nos politiciens de prendre des mesures plus urgentes pour contrer la menace climatique?

Dix années se sont écoulées et l’heure est venue de pleurer ceux et celles qui ont péri de façon cruelle – le 11 septembre, mais aussi pendant les dix années qui se sont écoulées depuis cette journée fatidique, soit les victimes d’autres actes terroristes à Bali ou à Oslo ou des bombes larguées sur l’Iraq et l’Afghanistan.

Et après dix ans, l’heure est venue de dire « ça suffit. »

Nous devons prendre toutes les précautions raisonnables qui s’imposent, mais nous devons aussi éviter d’alimenter cette peur incontrôlable qui bafoue nos droits et libertés civiles, qui transcende des problèmes plus pressants et qui met en faillite le trésor public.

Ça suffit.