La vérité sur quelques faussetés entourant Kyoto – la suite

Lorsque j’ai rédigé un billet intitulé « La vérité sur quelques faussetés entourant Kyoto » le 28 novembre 2011 pour mon blogue, je me suis arrêtée aux cinq faussetés, mensonges ou mythes les plus fréquemment véhiculés sur le Protocole de Kyoto. En fait, j’ai seulement couvert les cinq principaux, mais il y en a d’autres. L’heure est venue de poursuivre le décompte avec « La vérité sur quelques faussetés entourant Kyoto – la suite. »

Fausseté no 6 : À défaut pour le Canada de se retirer de Kyoto, nous devrons payer une amende de plusieurs milliards de dollars.

La vérité : Malheureusement, le Protocole de Kyoto ne prévoit aucun mécanisme de conformité ni aucune sanction pécuniaire. Je dis bien « malheureusement », parce que des mécanismes de conformité efficaces étaient à portée de main des négociateurs en 1997. Le Protocole de Montréal de 1987 visant à protéger la couche d’ozone prévoit quant à lui des mécanismes d’observance très efficaces – des sanctions commerciales.

Toute nation signataire du Protocole de Montréal qui ne respecterait pas ses engagements en termes de réduction et d’élimination progressive et définitive des substances menaçant l’ozone serait punie de sanctions commerciales par les autres nations. En 1995, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a vu le jour. Bien qu’aucune décision n’ait été prise dans ce dossier, le Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC, qui tente d’établir si certains traités environnementaux risquent de compromettre le commerce, s’inquiétait sérieusement de la possibilité que les mécanismes de conformité prévus par le Protocole de Montréal contreviennent au GATT. Puis en 1997, à Kyoto, le Canada refusait, à l’instar de nombreux autres pays, de signer tout protocole prévoyant des sanctions commerciales. C’est pourquoi les mécanismes de conformité prévus aux termes de Kyoto sont l’équivalent d’une petite tape sur les doigts. La seule sanction est qu’au moment de négocier la cible pour la seconde période d’engagement, toute nation n’ayant pas atteint sa première cible serait contrainte d’ajouter un tiers de tonne à titre de sanction. Cependant, étant donné que chaque pays est libre de fixer sa propre cible et que ces cibles sont le fruit de négociations, une nation délinquante pourrait facilement négocier la cible de la prochaine phase en tenant compte du supplément de 0,3 tonne.

Nous sommes en droit de nous demander comment le ministre de l’Environnement croit s’en tirer aussi facilement lorsqu’il affirme une chose aussi fausse et invraisemblable. Facile : il choisit bien ses mots. Voici comment Peter Kent expliquait le concept dans un article d’opinion paru récemment dans le Financial Post :

[Traduction] « Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre total de crédits de carbone multiplié par le coût moyen d’un crédit de carbone totalise 14 milliards de dollars. Les faits sont simples : on ne peut pas entreprendre une seconde période d’engagement sans d’abord compléter la première, par conséquent, soit nous payons ces 14 milliards de dollars, soit nous contrevenons au Protocole. »

Kent pèse soigneusement ses mots lorsqu’il affirme que la somme de 14 milliards de dollars équivaut au coût de la conformité. Hypothétiquement, si nous décidions tout à coup d’atteindre la cible fixée pour 2012, répudiée par le premier ministre Stephen Harper en 2006 avec l’annulation de tous les programmes mis en œuvre pour atteindre notre cible de Kyoto, la seule façon d’y parvenir consisterait à acheter des crédits de carbone. Certes, le coût s’élèverait peut-être à 14 milliards de dollars, comme l’affirme Peter Kent, mais aucune personne saine d’esprit ne ferait cela, et rien dans le Protocole de Kyoto n’obligerait le Canada à dépenser quoi que ce soit.

Fausseté no 7 : « On ne peut pas entreprendre une seconde période d’engagement sans d’abord compléter la première. » [Peter Kent]

La vérité : Bien que cela semble logique, c’est faux.

Cette affirmation peut être interprétée de deux manières, et aucune n’est vraie.

  1. Examinons d’abord la question qui se pose si l’on reste partie au Protocole de Kyoto, sans toutefois accepter de se fixer de nouvelles cibles pour une seconde période d’engagement. C’est exactement ce qu’on choisit de faire le Japon et la Russie et pourtant, ils ne s’exposent à aucune sanction. En fait, le Japon espère toujours atteindre sa cible et a déjà réduit ses émissions sous les niveaux de 1990 (tandis que le Canada a augmenté ses émissions de 28 % par rapport à 1990). Le Japon n’atteindra sans doute pas sa cible, mais il a réaffirmé son intention de demeurer partie au Protocole de Kyoto. Ainsi, le Japon aura contrevenu au Protocole de Kyoto et refusera de se fixer de nouvelles cibles pour une seconde période d’engagement. Il ne fera l’objet d’aucune sanction (voir plus haut) puisque le Protocole de Kyoto ne prévoit aucune sanction pour non-conformité. Le Canada n’est donc pas la seule partie à enfreindre Kyoto, mais nous sommes la seule qui compte se retirer juridiquement du Protocole de Kyoto.
  2. La deuxième façon de décortiquer la fausse affirmation de Kent consiste à dire que le Canada ne pourrait pas se fixer de nouvelles cibles juridiquement contraignantes pour une seconde période d’engagement à moins d’atteindre d’abord sa première cible, soit une réduction de 6 % en dessous des niveaux de 1990 d’ici 2012, que nous nous sommes juridiquement engagés à respecter aux termes de Kyoto. Ceci est également faux. Les cibles pour la seconde période d’engagement sont le fruit de négociations. Pour obtenir du Canada qu’il accepte de se fixer de nouvelles cibles de réduction des émissions juridiquement contraignantes, les autres nations seraient probablement prêtes à faire des concessions. Par exemple, en 1997, l’Australie refusait de signer le Protocole de Kyoto si les autres nations n’acceptaient pas leur cible de réduction de 8 % au-dessus des niveaux de 1990, alors que toutes les autres nations industrialisées s’engageaient à réduire leurs émissions sous les niveaux de 1990. Rien dans le Protocole n’oblige un pays à se conformer pendant la première période d’engagement avant de négocier pour la seconde.

Fausseté no 8 : Le Canada s’est retiré de Kyoto.

La vérité : Le Canada a signifié son intention de se retirer par le biais d’une notification écrite au dépositaire du Protocole. Son retrait sera effectif en décembre 2012. Jusque-là, le Canada est toujours partie au Protocole de Kyoto. Annulons cette lettre et faisons le vœu de devenir des citoyens planétaires responsables.