Projet de loi C-226, Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
Introduction
Le racisme environnemental au Canada ne date pas d’hier. Les étangs de goudron de Sydney sur l’île du Cap-Breton, où la pollution produite par l’aciérie et les fours à coke pendant plus de cent ans a entraîné les taux de cancer les plus élevés au Canada, étaient adjacents au seul quartier peuplé de personnes de couleur du secteur industriel du Cap-Breton – quartier ayant d’ailleurs été établi sur des terres volées à la Première Nation Mi’kmaq locale. Grassy Narrows a aussi connu des niveaux de pollution inégalés à cause de Reid Paper, dont les activités ont provoqué une contamination au mercure qui s’est traduite par des problèmes de santé qui se transmettent de génération en génération. Les communautés autochtones, les personnes marginalisées et les personnes de couleur continuent d’être exposées à des niveaux élevés de produits chimiques toxiques.
On trouve de l’information sur cette situation dans le livre d’Ingrid Waldron, There’s Something in the Water, ainsi que dans un documentaire du même nom réalisé par la professeure Waldron et l’acteur Elliot Page. Le Parti vert milite depuis des années pour dénoncer des situations comme celle de la pollution causée par l’usine de pâte à papier de Pictou et ses répercussions intergénérationnelles. Le livre d’Elizabeth May et Maude Barlow, Frederick Street : Life and Death on Canada’s Love Canal, traite également de cette question.
À propos du projet de loi C-226
Au cours de la 43e législature, Elizabeth a appuyé le projet de loi d’initiative parlementaire C‑230, Loi sur la stratégie nationale visant à remédier au racisme environnemental, déposé par l’ancienne députée Lenore Zann. Le projet de loi C‑230 est mort au Feuilleton en août 2021, quand les élections ont été déclenchées. Dans le cadre de la 44e législature, Elizabeth a déposé de nouveau le projet de loi d’initiative parlementaire, en son nom cette fois‑ci, pour poursuivre le travail de la députée Zann et des groupes de défense de la justice environnementale.
Le projet de loi d’Elizabeth porte le numéro C‑226 et s’intitule Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.
Titre abrégé : Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale.
Les problèmes relatifs à la crise climatique, à la dégradation de l’environnement et à la justice sociale sont intrinsèquement liés. Les personnes racialisées sont plus durement touchées par la dégradation de l’environnement et la pollution. Nous avons le devoir de les consulter, de les respecter et d’amplifier leur voix alors que le Canada cherche à instaurer une société plus équitable et plus durable pour toute la population canadienne. La situation n’est pas nouvelle, mais le Canada tarde à agir.
Les États‑Unis disposent depuis 1994 d’un programme de justice environnementale (EJP) adéquatement financé mis en œuvre par l’Environmental Protection Agency.
« [D]epuis plus de trois décennies, les États‑Unis […] mettent en œuvre des programmes pour lutter contre le racisme environnemental bien que le terme ne soit pas très compris dans notre pays », Elizabeth May.
Cliquez ici pour en apprendre davantage sur l’EJP des États‑Unis (en anglais seulement).
Le site Web de l’EJP des États‑Unis propose des renseignements sur les lois environnementales et les moyens de signaler les manquements à ces lois ainsi que les coordonnées de bureaux régionaux susceptibles de fournir des précisions locales. Un éventuel programme de justice environnementale canadien pourrait s’inspirer de l’exemple américain.
Exemples de racisme environnemental
Le racisme environnemental touche les quatre coins du Canada depuis très longtemps. Voici quelques exemples de situations observées au pays.
Kanesatake (Kanehsatà:ke) – Québec
Depuis 2018, les médias ont fait état des répercussions présumées des activités de G&R Recyclage, une entreprise installée sur le territoire mohawk de Kanesatake, au Québec, sur la santé des citoyens et la qualité de la nappe phréatique.
En 2021, une coalition formée de défenseurs des terres autochtones et de militants de la communauté a publié des observations et des données indiquant que le site contient de nombreuses toxines qui représentent une menace à long terme pour l’eau et la faune, et que le gouvernement est au courant depuis 2019.
En 2020, le gouvernement a exigé le nettoyage des installations. Bien qu’il se soit engagé à sanctionner les parties responsables, le déversement de matières toxiques se poursuit.
Visionner la vidéo d’Elizabeth qui questionne le gouvernement sur la situation à Kanesatake (décembre 2021)
Un groupe de députés du Parti vert et du Nouveau Parti démocratique ainsi que des organisations de la société civile réclament l’adoption d’une solution à long terme pour mettre fin aux problèmes de pollution à Kanesatake.
Elizabeth explique les tenants et aboutissants de la situation à Kanesatake.
Pour plus de détails sur les efforts déployés par plus de 100 groupes environnementaux afin d’aider Kanesatake et pour consulter les éléments de preuve sur la toxicité dans la région, visitez le :
https://fr.reconciliaction.org/
Première Nation de Grassy Narrows et Nations indépendantes de White Dog – Kenora (Ontario)
La Première Nation de Grassy Narrows et les Nations indépendantes de White Dog vivent depuis très longtemps une crise du mercure. Selon le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, de 1963 à 1970, une usine de pâtes et papiers a rejeté plusieurs tonnes de mercure hautement toxique dans l’eau, contaminant le système de la rivière English-Wabigoon ainsi que le poisson et le gibier traditionnels qui en dépendaient. Le mercure étant liposoluble, il s’accumule et s’amplifie dans la chaîne alimentaire marine et finit par se retrouver dans les assiettes des peuples autochtones. Plus de 58 % des membres de la communauté examinés sont atteints ou soupçonnés d’être atteints de la maladie de Minamata, une grave maladie neurologique (du cerveau) résultant d’une exposition au mercure.
Usine de Pictou – Pictou Landing (Nouvelle‑Écosse)
Northern Pulp (qui a porté de nombreux autres noms pendant plus de 50 ans) est une société établie en Nouvelle‑Écosse. Depuis les années 1960, son usine a déversé des millions de gallons d’effluents tous les jours dans le port de Boat Harbour, qui était autrefois un lieu de pêche, de chasse et de loisirs pour la Première Nation de Pictou Landing. L’usine a finalement été fermée en janvier 2020 après que la Northern Pulp ait omis de se conformer à la réglementation environnementale et de présenter un plan viable pour les effluents. Northern Pulp réclame maintenant 100 millions de dollars à la province, somme qui, selon elle, représente les pertes qu’elle a subies en raison de la fermeture de l’usine de pâte à papier du comté de Pictou. L’entreprise a aussi déposé une demande de réouverture.
Première Nation Aamjiwnaang – Sarnia (Ontario)
La santé de la population de la Première Nation Aamjiwnaang est affectée de façon disproportionnée par les risques environnementaux présents à Sarnia (Ontario). La région de Sarnia est surnommée la « Chemical Valley » (vallée de la chimie) puisqu’elle abrite environ 40 % de l’industrie chimique du Canada. En 2017, la commissaire à l’environnement de l’Ontario a fait la déclaration suivante : « Bon nombre de données probantes indiquent que la pollution entraîne des effets néfastes sur la santé, lesquelles n’ont jamais fait l’objet d’une enquête approfondie de la part d’aucun gouvernement, ni fédéral ni provincial. »
Première Nation Lubicon et sables bitumineux – Alberta
Le territoire ancestral de la nation crie du lac Lubicon couvre environ 10 000 kilomètres carrés de petits arbres, de rivières, de plaines et de marécages, c’est-à-dire de muskeg, dans le nord de l’Alberta.
Pendant 30 ans, ce territoire a fait l’objet d’un développement pétrolier et gazier massif sans le consentement du peuple Lubicon et sans reconnaissance de ses droits autochtones, qui sont protégés par l’article 35 de la Constitution du Canada. (Pour une chronologie de la lutte pour les droits territoriaux des Cris du Lubicon, cliquez ici). Tiré de l’article ici.
Première Nation des Wet’suwet’en – Injonctions contre les peuples autochtones – près de Houston (Colombie‑Britannique)
Bien que les groupes autochtones aient toujours du mal à obtenir des injonctions, les tribunaux sont de plus en plus souvent appelés à entendre les demandes d’injonction présentées par les promoteurs de l’industrie pour permettre la réalisation de projets d’exploitation des ressources malgré l’opposition des peuples autochtones.
Dans un exemple récent et très médiatisé, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé à Coastal GasLink Ltd. une injonction empêchant les chefs héréditaires Wet’suwet’en et leurs partisans de bloquer une partie de leur territoire pour empêcher la construction du projet de pipeline Coastal GasLink.
Les défendeurs, membres de la « Dark House » des Wet’suwet’en, ont fait valoir que leurs actions ont été menées conformément à la loi Wet’suwet’en et aux responsabilités envers leur territoire. Toutefois, la Cour a conclu que le barrage portait atteinte à la règle de droit et constituait une violation de l’obligation mutuelle des groupes autochtones et de la Couronne de se consulter de bonne foi.
https://www.firstpeopleslaw.com/public-education/blog/a-monument-to-indigenous-environmental-racism-bc-doubles-down-on-site-c-dam
Barrage du site C – Peace River (Colombie‑Britannique)
Le projet du barrage du site C perpétue la tradition de la Colombie-Britannique consistant à sacrifier les terres autochtones pour des profits à court terme. La construction du barrage du site C, en aval du barrage WAC Bennett, capitalise sur la destruction du territoire du Traité 8 et la violation continue des droits issus des traités. Elle aura également des répercussions additionnelles et irréversibles sur les terres et les droits des peuples autochtones du Traité 8, des deux côtés de la frontière entre l’Alberta et la Colombie-Britannique.