Les PRM ne font pas partie d’aucune solution à la crise climatique

Elizabeth May (Saanich—Gulf Islands)
2022-06-07 23:31 [p.6306]

Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui dans le cadre du débat d’ajournement. Je dois dire que l’heure est drôlement appropriée. Mon intervention fait suite à une question que j’ai posée à la période des questions du 2 mai concernant ce qu’on appelle les petits réacteurs modulaires et leur lien avec la prolifération des armes nucléaires. Il tombe donc à point qu’il soit presque minuit. Cela me rappelle clairement cette chose que l’on appelle l’horloge de l’apocalypse, dont la mise à jour est assurée par le Bulletin of the Atomic Scientists. Je viens de vérifier, et elle indique que nous sommes « à 100 secondes d’atteindre minuit », étant donné la combinaison de facteurs que sont les menaces accrues de déclenchement d’une guerre nucléaire provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le danger considérable que représente la crise du climat pour l’ensemble de la planète.

Ces problèmes sont liés, et j’en ai parlé dans ma question à la Chambre le 2 mai. La réponse qu’avait alors donnée le ministre des Ressources naturelles était insuffisante. Voilà pourquoi je soulève la question de nouveau ce soir.

Les soi-disant petits réacteurs modulaires ne font partie d’aucune solution à la crise du climat. De plus, ils n’ont pas fait leurs preuves et sont, essentiellement, expérimentaux. Enfin, j’attire une fois de plus l’attention de la Chambre sur le risque de prolifération des armes nucléaires.

Je vais passer ces trois points en revue. Le ministre des Ressources naturelles a souvent dit dans cette enceinte que toutes les voies vers des solutions climatiques comportaient de petits réacteurs modulaires. C’est tout simplement faux. La réduction des gaz à effet de serre passe par l’élimination progressive des combustibles fossiles, l’annulation du projet de l’oléoduc TMX et l’abandon de Bay du Nord. Ce sont des choses tangibles qui n’ont rien à voir avec le nucléaire. Le nucléaire est en fait un obstacle. Il est très coûteux. Par tonne de carbone de réduction, c’est à peu près la voie la plus coûteuse que nous puissions emprunter. Il faut aussi beaucoup de temps avant de voir les résultats d’une décision de recourir au nucléaire.

Le fait que ces réacteurs ne soient pas testés et qu’ils soient essentiellement expérimentaux est pratiquement passé sous le radar au pays. Je me réfère à une experte en la matière, la professeure Allison M. Macfarlane. Elle est en fait l’ancienne présidente de la U.S. Nuclear Regulatory Commission et travaille actuellement à l’Université de la Colombie-Britannique. Elle a déclaré ceci à la CBC: « Personne ne sait quels sont les chiffres, et quiconque vous donne des chiffres vous vend un pont qui ne mène nulle part, parce que cette personne ne sait pas. Personne n’a jamais mis en place un réacteur à sels fondus ni ne l’a utilisé pour produire de l’électricité. »

Les gouvernements du Canada et du Nouveau-Brunswick investissent justement des dizaines de millions de dollars dans un réacteur à sels fondus. Un exploitant du secteur privé a proposé ce type de réacteur et souhaite obtenir l’autorisation d’en construire. On examine la question en ce moment, mais on investit de l’argent dans un réacteur à sels fondus qui utilisera du plutonium provenant du combustible épuisé de la centrale de Point Lepreau. Il s’agit d’une technologie non éprouvée qui devrait permettre de produire de l’électricité.

Tout cela reste à prouver, à l’exception d’une chose. Utiliser du plutonium provenant de combustible épuisé pose un énorme risque, le genre de risque contre lesquels les traités de non-prolifération des armes nucléaires s’efforcent de nous protéger. Dans une économie mondiale fondée sur le plutonium, même une minuscule, une infinitésimale quantité de plutonium qui se retrouverait entre les mains de terroristes pourrait servir à fabriquer une bombe sale. Et entre les mains d’autres pays, il y a fort à parier que ce plutonium serve à fabriquer une arme nucléaire.

Cela a été le cas en 1974, lorsque le Canada a donné un de ses réacteurs CANDU à l’Inde. On a justement pu lire plus tôt cette semaine dans le Globe and Mail que ces petits réacteurs modulaires produisent beaucoup plus de déchets radioactifs — entre 2 et 30 fois — que les réacteurs classiques.

Je demande au gouvernement d’y songer à deux fois. C’est une erreur. C’est un remède de charlatan radioactif.