Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre

Peter Julian : Merci beaucoup, monsieur le président.

Mardi dernier, les membres du comité ont soumis une série de questions à la greffière. On se rappellera, monsieur le président, que les députés conservateurs n’avaient pas voulu répondre à ces questions. Ce matin, la greffière nous est arrivée avec les réponses. Je tiens donc à la remercier. Cette information est extrêmement importante.

La greffière cite en preuve un extrait du Règlement de la Chambre des communes en vertu duquel le Président ne choisit normalement que les motions qui n’ont pas été ou n’ont pu être présentées au comité. Nous avons aussi un extrait des débats du 6 juin 2013 dans lequel le Président indique clairement que c’est pour les motifs qui précèdent que la présidence n’a sélectionné aucune motion à l’étape du rapport qui aurait pu être examinée, ou qui a été examinée, par le comité.

Il ne fait pas de doute que la motion présentée par M. Reid, que les conservateurs ont tenté de faire adopter à toute vitesse lors de la dernière séance, malgré le fait que nous, membres du comité, demandions des éclaircissements… Je suppose, monsieur le président, qu’ils croyaient que l’opposition ne comprendrait tout simplement pas les répercussions et ne poserait pas les bonnes questions. Je peux vous affirmer qu’ils se trompaient royalement, monsieur le président.

La réalité est que nos soupçons ont été confirmés aujourd’hui. Il n’y a qu’une seule intention derrière tout cela, celle d’éliminer les droits de ces députés, élus par des Canadiens, qui sont soit indépendants, soit membres d’un parti non reconnu à la Chambre des communes.

Monsieur le président, je trouve ignoble que les conservateurs tentent de retarder l’étude que le Parlement nous a demandé de réaliser, une étude portant sur les dépenses des députés, l’abolition du Bureau de régie interne et l’autoréglementation, qui a certainement l’appui des Canadiens. Les conservateurs ont tenté de retarder les travaux en présentant une motion destinée à éliminer les droits de ces députés qui n’appartiennent pas à un parti reconnu.

Il n’y a rien qui puisse justifier ce que les conservateurs ont fait mardi, monsieur le président. C’est encore plus troublant quand on pense que c’est une situation que l’on retrouve maintenant au sein d’autres comités de la Chambre des communes.

Nous croyons fondamentalement aux droits démocratiques des parlementaires. Que nous soyons d’accord ou non avec un parlementaire, ce n’est pas à nous de décider d’éliminer les droits de ces députés qui ont été élus à titre d’indépendants ou de membres d’un parti non reconnu. Qu’il s’agisse de Mme May ou d’un autre député, ils ont tous le droit de s’exprimer et de représenter leurs électeurs.

Les conservateurs ont présenté mardi une motion qui, selon l’interprétation que nous avons aujourd’hui, s’attaque directement à leurs droits.

Monsieur le président, je trouve cette situation tout à fait désolante. Nous avons entendu le discours du Trône la semaine dernière, et c’est probablement la première fois, dans toute l’histoire du Canada, qu’un discours est aussi rapidement mis aux oubliettes.

J’aimerais maintenant rappeler aux membres de l’opposition le début du discours du Trône. On a affirmé que les Canadiens étaient inclusifs et honorables. Je peux vous garantir, monsieur le président, qu’il ne s’agit pas du tout d’une loi inclusive. C’est plutôt une loi visant à exclure les députés qui ne font pas partie d’un parti reconnu, bien qu’ils aient été élus par des Canadiens dans leur circonscription et qu’ils aient le droit de représenter leurs électeurs à la Chambre des communes, et surtout qu’ils aient le droit, conformément à la tradition parlementaire, de proposer, à l’étape du rapport, des amendements aux projets de loi auxquels ils tiennent énormément. Il ne s’agit pas d’une loi inclusive. C’est une loi très exclusive, le genre de loi qu’un gouvernement désespéré voudrait mettre en place. Il contredit complètement le discours du Trône que nous avons entendu la semaine dernière.

En deuxième lieu, pour ce qui est d’être honorable, monsieur le président, je n’ai aucun doute que les Canadiens sont honorables. Je suis persuadé que, si cette question était portée à l’attention des Canadiens de partout au pays, même dans les circonscriptions conservatrices, ils diraient : « Attendez un instant. Pourquoi s’attaquer à ceux qui sont membres d’un parti non reconnu? Pourquoi s’attaquer à Mme May ou à un député indépendant comme M. Rathgeber, qui représente ses électeurs et qui essaie de faire un bon travail en leur nom? » Les parlementaires de partis reconnus ont des outils à leur disposition, alors pourquoi ne pas leur laisser le leur, c’est-à-dire les amendements à l’étape du rapport?

Monsieur le président, dans les circonstances, le geste le plus honorable à poser, pour le gouvernement et les membres du parti au pouvoir qui siègent à ce comité, serait simplement de retirer cette motion inacceptable. Elle contredit totalement le discours du Trône, le texte même qui devait changer le ton au gouvernement. Au lieu de cela, elle nous ramène dans une dynamique de confrontation et de déni des droits démocratiques. Le premier ministre et ses députés ne peuvent tout simplement pas retirer aux députés de partis non reconnus le peu d’outils dont ils disposent.

Nous parlons ici de députés indépendants, nous parlons de Mme May, qui ont pleinement le droit d’être ici. Ils ont le droit de représenter leurs électeurs. Ils ne peuvent déjà pas siéger aux comités. Ils sont déjà exclus de diverses tribunes. J’en comprends la raison, parce qu’il faut assurer un certain degré de participation minimal au comité. Je peux peut-être comprendre cette position, mais je ne comprends pas pourquoi un gouvernement essaierait de leur enlever des droits acquis au fil du temps. Il n’est pas facile de présenter des amendements à l’étape du rapport. Je doute fort que Mme May apprécie particulièrement cet aspect de son travail, mais c’est le seul outil dont elle dispose pour représenter ses électeurs. Elle a le droit d’en déposer. La motion qui nous a été présentée mardi annulerait ces droits fondamentaux, nous en avons maintenant la confirmation.

Les membres du parti ministériel auraient peut-être pu nous dire, mardi, qu’ils ne le savaient pas. Cela ne nous explique toutefois pas pourquoi ils ont refusé que nous déposions une motion pour présenter une solution très raisonnable. Aujourd’hui, cependant, ils comprennent la situation. Nous en avons l’interprétation. Nous savons maintenant que cette motion a pour effet de sabrer dans les droits de déposer des amendements à l’étape du rapport. C’est très regrettable, au moment même où les Canadiens de partout au pays nous réclament plus de démocratie, plus de transparence au gouvernement.

Notre gouvernement a prorogé le Parlement pendant un mois, pour revoir son programme et nous en présenter un nouveau. Malheureusement, monsieur le président, ce nouveau programme semble tout aussi déplorable, puisqu’il méprise tout autant les droits démocratiques que le précédent. Monsieur le président, je trouve cela très regrettable.

Pour conclure, parce que je sais qu’il y a d’autres députés qui veulent s’exprimer, nous ne pouvons pas appuyer une motion comme celle-là. Nous estimons déjà regrettable qu’elle nous ait été présentée mardi. Nous trouvons bien malheureux, maintenant que nous en connaissons l’interprétation, que les conservateurs continuent d’essayer de vouloir nous enfoncer cela dans la gorge.

Ce que nous voulons, c’est amorcer l’étude que les Canadiens nous demandent, nous débarrasser de l’autoréglementation cachée qui prévaut au Bureau de régie interne et mettre en place le cadre de transparence que le NPD réclame depuis toujours pour les dépenses des députés.

Sur ce, monsieur le président, je vais…

Une voix : Parlez-nous en donc encore un peu…

Peter Julian : Je vais vous en parler encore quelques minutes, parce que je viens de me rendre compte qu’il y a d’autres choses que je voulais souligner.

Une voix : C’est très bien, laissez-le parler.

Allez-y, vous pouvez terminer.

Peter Julian : Très bien, monsieur le président. Je viens de me rendre compte que j’avais d’autres choses à ajouter.

Monsieur le président, je remarque qu’il a également été dit, dans le discours du Trône, que nous étions intelligents. Nous, c’est-à-dire tous les Canadiens, monsieur le président. Je suis totalement d’accord que les Canadiens sont profondément intelligents. Ils peuvent voir avec lucidité la manipulation qu’exerce le gouvernement.

Pour ce qui est de la façon cavalière dont cette motion a été déposée mardi, comme si les députés de l’opposition n’allaient pas se rendre compte de ce qu’elle signifie, qu’ils n’en comprendraient pas bien toutes les connotations et les conséquences, ce n’était pas très intelligent, monsieur le président. Ce n’était pas intelligent du tout. Au contraire, je crois que cette manoeuvre a plutôt intensifié nos soupçons qu’il y a quelque chose qui cloche franchement dans cette façon de faire.

Monsieur le président, je vais le répéter une dernière fois. Nous sommes absolument persuadés qu’il faut passer à l’étape du rapport du comité, puisque c’est le devoir qui nous incombe. Faisons-nous grâce de tout le secret qui entoure le Bureau de régie interne et faisons-nous cadeau de la transparence des dépenses des députés. Laissons tomber l’idée d’oppresser les députés de partis non reconnus et de leur enlever leur droit de proposer des amendements à l’étape du rapport.

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Julian.

Le prochain intervenant sur ma liste est M. Bellavance, mais je vais devoir demander la permission aux membres du comité pour donner la parole à M. Bellavance aujourd’hui. C’est la procédure standard.

Qui est pour? Qui est contre?

(La motion est adoptée.)

Le président : Monsieur Bellavance, je vous prie de nous faire part de vos observations.

André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ) : Merci, monsieur le président.

Voilà un exemple des difficultés que vivent les députés d’un parti non reconnu et même les députés indépendants, bien qu’il y ait une différence entre un député d’un parti non reconnu et un député indépendant. Comme il y a moins de 12 députés au Bloc québécois, ce n’est pas un parti reconnu; c’est la même chose pour le parti de Mme May. Dans le cas des députés indépendants, ils ont choisi de l’être ou encore ils ont été exclus de leur caucus. Peu importe, la difficulté dont je parlais reste la même : les députés d’un parti non reconnu ont dû demander le consentement unanime du comité pour prendre la parole sur un sujet qui les concerne. C’est l’une des difficultés que nous vivons.

Je ne prendrai pas tout le temps qu’il reste pour en discuter, mais j’aimerais suggérer ceci. Au lieu de débattre d’une motion concernant les amendements, j’aimerais que le comité consacre quelques séances à l’étude des droits des députés membres d’un parti non reconnu et de ceux des députés indépendants.

Je vais donner l’exemple de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale du Québec. À l’époque, l’Action démocratique du Québec, qui comptait quatre députés, était un parti non reconnu. Les autres partis avaient discuté de la possibilité que ces députés participent aux commissions parlementaires — c’est le nom qui est utilisé à Québec. Cela avait été accepté. C’est la même chose pour Québec solidaire. Au départ, ce parti n’avait qu’un seul député; aujourd’hui, il en a deux. Ces députés ont également l’occasion de participer aux études en comité et ils ont les mêmes droits et privilèges que les autres membres.

Je ne parle pas ici d’égalité. Nous comprenons très bien que le Parti conservateur est le parti majoritaire, que le NPD forme l’opposition officielle et que viennent ensuite les libéraux. Nous ne pouvons pas avoir le même temps de parole qu’eux. Nos interventions ne peuvent pas être aussi longues que celles de ces députés. Néanmoins, nous aimerions que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se penche sur cette question plus longuement, et pas seulement sur une seule motion.

Concernant la motion comme telle, je veux simplement voir s’inscrire dans les « bleus » ce que le Bloc québécois a à dire là-dessus. Je vais parler des droits inhérents de tous les députés quant au dépôt d’amendements. À la suite de la décision du Président de juin dernier, nous sommes allés à quelques comités présenter des amendements, sauf que ce n’était que ça. Nous avons le droit de présenter des amendements et, peut-être, d’avoir quelques instants pour faire valoir nos arguments. C’est là qu’il devrait y avoir une différence. La motion devrait être plus claire pour les députés. Au moment du dépôt d’amendements, à tout le moins en comité, les députés d’un parti non reconnu et les députés indépendants devraient avoir le droit de répondre aux questions soulevées par leurs amendements et d’interroger des témoins. Nous devrions aussi avoir le droit de voter, du moins quand il s’agit de nos propres amendements. Vous voyez là que je diminue même nos droits.

Actuellement, il y a deux catégories de députés : les députés d’un parti reconnu et les députés d’un parti non reconnu. Il y a aussi les députés indépendants, qui sont dans une seconde catégorie et qui n’ont pas les mêmes droits que les autres, cela dit en tout respect. Bien sûr, il faut tenir compte du poids que nous représentons à la Chambre des communes. Je ne demanderai jamais d’avoir le même temps de parole que celui dont disposent les députés de l’opposition officielle ou du gouvernement, mais j’aimerais au moins pouvoir faire valoir des arguments sur mes amendements.

Compte tenu de ce que je viens de dire, cette motion est incomplète. Je n’en dis pas plus pour le moment, mais c’est l’opinion de mon parti. J’espère pouvoir participer encore à vos discussions.

Merci, monsieur le président.


Le président : Nous pouvons donc changer de sujet.

J’aimerais prendre quelques minutes pour régler des questions administratives, si vous me le permettez.

Madame Turmel, je crois savoir ce que vous vous apprêtez à faire, mais juste avant de vous donner la parole, j’aimerais revenir aux affaires courantes que nous voulions examiner.

Pour commencer, nous devons régler certaines choses concernant notre étude sur le Bureau de régie interne et la transparence des dépenses des députés, qui s’en vient. Il y a d’abord les notes d’information qui ont été préparées et qu’on a déjà mentionnées. J’aimerais beaucoup avoir la permission du comité de les distribuer. Est-ce que quelqu’un s’y oppose? Je dois vous poser la question parce qu’il est question des députés indépendants de la Chambre des communes dans la motion et que ces notes d’information leur seront acheminées à eux aussi, en plus des membres du comité, parce que tous les députés indépendants sont véritablement membres du comité pour cette discussion. Très bien.

J’ai préparé une lettre à l’intention des députés indépendants sur le rôle qu’ils vont jouer ou la façon dont ils vont participer à l’étude sur le Bureau de régie interne. Je sais que vous avez hâte de la lire, et j’aimerais justement vous en parler. Cette lettre vise simplement à demander aux députés indépendants de négocier entre eux, de se réunir puis de décider qui va siéger ici en leur nom.

Mme Elizabeth May: Mais je ne peux même pas parler à cette personne.

Le président : Je le sais, mais nous ne pouvons pas leur parler non plus.

C’est l’essentiel de ce qui est écrit dans cette lettre : les députés indépendants à la Chambre des communes vont décider eux-mêmes qui va les représenter chaque jour de séance du comité, et il n’y en aura qu’un par jour. C’est le genre de choses qu’on y trouve. Ils devront suivre toutes les règles de la Chambre. Si une personne siège à une séance à huis clos, il sera très difficile pour elle d’échanger avec les autres députés, mais ce genre de situations va se présenter.

Puis-je avoir votre permission d’envoyer cette lettre aux députés indépendants pour qu’ils nous répondent, parce que nous ne pouvons vraiment rien commencer d’ici là?

Autre question de régie interne : cela peut sembler assez bête, mais le président aimerait avoir la permission d’aller se chercher un café sans se faire remplacer chaque fois à la présidence, dans la mesure où son attention reste dans la pièce.