Motion d’ajournement – Les investissements étrangers

Elizabeth May : Monsieur le Président, je prends la parole ce soir, dans le débat d’ajournement, pour faire un suivi concernant une question que j’ai posée le 30 novembre 2012. Cette question concerne le traité Canada-Chine sur les investissements, et plus précisément les inquiétudes grandissantes non seulement au Canada, mais dans le monde entier, au sujet des mécanismes d’arbitrage et de résolution des différends entre, d’une part, les soi-disant investisseurs ou sociétés transnationales et, d’autre part, les États, c’est-à-dire les gouvernements dans le monde. Les accords entre États et investisseurs prolifèrent depuis le premier qui a été signé et qui constitue le chapitre 11 de l’ALENA.

Dans sa réponse, le président du Conseil du Trésor est malheureusement passé à côté de la question que j’ai tenté de mettre en lumière. Je voulais parler en fait du problème des avocats mondialistes instigateurs de poursuites, une élite qui est à l’oeuvre dans des sociétés multinationales d’avocats et qui pousse des entreprises à intenter des poursuites contre les États. Ils expliquent à une entreprise dans un pays donné qu’elle peut poursuivre un autre pays pour avoir adopté une certaine loi environnementale et qu’ils sont capables de se charger du dossier. Même si l’entreprise n’a aucun investissement dans le pays visé, ils lui disent d’y ouvrir un bureau pour pouvoir intenter la poursuite.

Comme je l’ai dit lorsque j’ai posé ma question, le stratagème a été mis en lumière dans un rapport intitulé « Les profiteurs de l’injustice: Comment les cabinets juridiques, les arbitres et les financiers alimentent un boom de l’arbitrage d’investissement ». C’est un élément capital en ce qui a trait au traité sur les investissements entre le Canada et la Chine qu’on s’apprête à conclure. Au Canada, le Cabinet a le pouvoir d’approuver, sans le soumettre au vote de la Chambre, un traité qui lierait le Canada pendant 31 ans. Aux termes du traité, si une société d’État de la République populaire de Chine trouvait qu’une de nos lois empiétait sur ses espoirs de profits, elle pourrait soumettre l’affaire à un arbitre. Il ne s’agit ni d’un tribunal, ni d’une poursuite au sens propre. Il s’agit d’un processus d’arbitrage dans le cadre duquel trois puissants avocats issus de cette élite de juristes mondialistes instigateurs de poursuites prendront connaissance des arguments des deux parties pour ensuite rendre une décision irrévocable.

Le 30 novembre, lorsque j’ai posé ma question, j’ai signalé que le rapport européen montre que l’arbitrage n’est pas un processus aussi impartial et objectif qu’on voudrait bien le croire. En fait, ces avocats, qui réclament des honoraires de 1 000 $ l’heure, travaillent pour ces mêmes cabinets qui incitent les États à conclure de tels traités et qui s’enrichissent grâce au processus arbitral.

Pour vous donner une idée, 15 arbitres de l’Europe, du Canada et des États-Unis ont réglé 55 % des cas. L’un d’eux, un Espagnol du nom de Juan Fernández-Armesto, a déclaré ceci:

Quand je me réveille la nuit et que je pense à l’arbitrage, je suis toujours étonné que des États souverains aient accepté l’arbitrage sur les investissements… Trois particuliers se voient confier le pouvoir d’examiner, sans restriction ni procédure d’appel, toutes les actions du gouvernement, toutes les décisions des tribunaux ainsi que toutes les lois et tous les règlements émanant du Parlement.

Autrement dit, le processus d’arbitrage auquel nous allons nous lier dans le cadre du traité sur les investissements entre le Canada et la Chine nous mettra à la merci de trois avocats d’élite faisant partie d’un groupe qui récolte des millions de dollars en frais juridiques. Des pays comme les Philippines ont dû dépenser des dizaines de millions de dollars pour se défendre contre des fabricants de cigarettes qui avaient intenté des poursuites contre eux. Nous devons cesser de croire aveuglément que les traités d’investissement ne comportent pour nous aucune menace et chercher vraiment à voir si l’arbitrage est impartial.

David Anderson : Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à la question posée le 30 novembre par la députée de Saanich—Gulf Islands au sujet des investissements étrangers. La députée a fait allusion à un point précis, mais ma réponse s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large.

Premièrement, je tiens à réaffirmer l’engagement du gouvernement à accueillir favorablement les investissements étrangers qui sont avantageux pour le Canada. En fait, les investissements étrangers sont essentiels à l’économie et à la prospérité de notre pays. Ces investissements nous donnent accès à de nouvelles technologies et pratiques qui favorisent la croissance, l’emploi et l’innovation chez nous. Ils amènent au Canada certaines des entreprises les plus productives et les plus spécialisées au monde, et ils créent pour les Canadiens certains des emplois les mieux rémunérés.

Le gouvernement reconnaît aussi que les entreprises canadiennes doivent soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux, et nous sommes déterminés à créer des conditions propices afin qu’elles connaissent du succès sur la scène internationale. Le Canada a signé des accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers, les APIE, avec de nombreux pays. Ces accords établissent un lien entre nos entreprises et le reste du monde et créent un contexte sûr et stable pour les investissements bilatéraux entre le Canada et d’autres pays.

Un APIE atteint ses objectifs en énonçant les droits et obligations de chacun des pays signataires à l’accord quant au traitement des investissements étrangers. L’APIE assure aux investisseurs étrangers qu’ils recevront un traitement aussi favorable que leurs homologues nationaux ou les investisseurs d’autres pays, que leurs investissements ne seront pas expropriés sans que des indemnités suffisantes ne leur soient versées promptement, et qu’ils ne seront en aucun cas soumis à un traitement inférieur à la norme minimale prévue en droit international coutumier. En outre, dans la plupart des cas, les investisseurs devraient pouvoir investir leurs capitaux et rapatrier leurs investissements et leurs gains de placement.

Nous allons poursuivre nos efforts de pénétration des marchés étrangers pour permettre aux entreprises canadiennes de continuer à prospérer à l’étranger. Le Canada a tout récemment conclu un APIE avec la Chine. L’accord sera déposé à la Chambre des communes, conformément à la politique de dépôt des traités du gouvernement. Il entrera en vigueur une fois que le décret aura été approuvé par le gouverneur général du Canada et que le processus de ratification en République populaire de Chine sera terminé.

Pour ce qui est des investissements étrangers, le gouvernement a mis en place un processus rigoureux afin que ceux-ci soient avantageux pour les Canadiens. Les modifications ciblées que nous avons apportées à la Loi sur Investissement Canada favorisent la transparence envers le public, rendent plus flexibles les mesures d’exécution de la loi et mettent en place une option de résolution des différends moins coûteuse et moins longue que le recours aux tribunaux. Par ailleurs, en décembre dernier, le premier ministre a annoncé des clarifications relativement aux entreprises d’État, afin que nos processus d’examen des investissements étrangers continuent de scruter attentivement les investissements pour s’assurer qu’ils sont avantageux pour le Canada.

Elizabeth May : Monsieur le Président, je remercie mon collègue, le secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles. Permettez-moi seulement de répliquer à quelques-unes de ses observations.

Les investisseurs étrangers ne sont pas aussi bien traités que les investisseurs d’ici en vertu de ce genre d’accord pervers: ils sont bien mieux traités. Il n’y a pas une entreprise canadienne qui pourrait poursuivre le Parlement du Canada parce que nous aurions adopté une loi qui ne ferait pas son affaire.

C’est ce que la société Ethyl Corporation de Richmond, en Virginie, a fait parce qu’elle n’aimait pas une loi adopté par le Parlement du Canada visant à limiter l’exposition des Canadiens à un additif de l’essence à base de manganèse qui a des effets neurotoxiques chez l’humain. Si le produit avait été fabriqué au Canada, le fabricant n’aurait pas eu cette chance, mais, parce que c’était une société étrangère pouvant se prévaloir du chapitre 11 de l’ALENA, elle pouvait intenter des poursuites.

Qui plus est, nous n’avons pas besoin d’accords État-investisseur pour ouvrir des marchés et attirer des investissements. Prenez l’Australie. C’est l’exemple parfait. Ce pays compte dix fois plus d’investissements de la Chine que le Canada. Les Australiens ont plus de 600 millions de dollars d’investissements de la Chine, mais ils ont refusé de signer un traité sur l’investissement parce qu’ils ont déterminé, au moyen d’une analyse coûts-avantages, qu’un tel traité se traduirait par des coûts et des dommages-intérêts plus élevés que les bénéfices qu’on en tirerait.

David Anderson : Monsieur le Président, bien souvent, nous entendons les députés d’en face s’opposer aux accords de libre-échange que nous concluons. Sous le présent gouvernement, le Canada est prêt à faire des affaires.

Nous continuerons de créer un climat économique qui permet aux entreprises canadiennes de prospérer. À cette fin, nous accueillons les investissements étrangers qui procurent un avantage net pour le Canada et favorisent la croissance de l’économie. Nous ne suivrons pas la voie du protectionnisme. Le Canada ne peut pas se permettre de prendre du retard. Le gouvernement adopte plutôt une approche responsable à l’égard des investissements étrangers.

L’accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers qui a récemment été conclu avec la Chine permettra de protéger les Canadiens qui investissent dans ce pays et stimulera la création d’emplois et la croissance économique ici, au Canada.