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Elizabeth May propose :
Motion no 3
Que le projet de loi C-11, à l’article 21, soit modifié par adjonction, après la ligne 16, page 17, de ce qui suit:
« (2) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements définissant « éducation » pour l’application du paragraphe (1). »
Motion no 6
Que le projet de loi C-11, à l’article 27, soit modifié par substitution, aux lignes 21 à 26, page 23, de ce qui suit:
« la reproduction à des fins licites. »
Motion no 7
Que le projet de loi C-11, à l’article 27, soit modifié par suppression du passage commençant à la ligne 39, page 23, et se terminant à la ligne 3, page 24.
Monsieur le Président, voici la deuxième fois que je prends la parole au sujet du projet de loi C-11, Loi sur la modernisation du droit d’auteur. J’ai eu l’occasion d’en parler une première fois, à l’étape de la deuxième lecture, le 22 novembre de l’an dernier. J’espérais alors que des améliorations importantes découleraient de l’étude en comité.
Il y a eu de nombreuses tentatives de modification de la loi sur le droit d’auteur. Les libéraux ont été les premiers à vouloir adapter la loi à l’ère numérique. C’était en 2005. D’autres projets de loi ont suivi, le plus récent étant le projet de loi C-32, qui est sensiblement le même que le projet de loiC-11. Depuis la tentative des libéraux en 2005 jusqu’au projet de loi proposé par le gouvernement conservateur majoritaire actuel, nous avons pu observer une tendance à privilégier les droits de l’industrie américaine du divertissement.
Je ne fais partie d’aucun comité parlementaire. Je ne m’en plains pas; c’est comme ça, un point c’est tout. Je comprends mon rôle à titre de chef du Parti vert du Canada. Bien que ce dernier soit reconnu à la Chambre des communes, mes droits, mes obligations et les possibilités dont je dispose sont très semblables à ceux d’un député indépendant, à ceux des députés qui ne relèvent d’aucun parti. Étonnamment, ce statut me donne une plus grande latitude à l’étape du rapport et je peux proposer d’importantes modifications, ce que je n’aurais pas pu faire aujourd’hui si j’avais été membre du comité.
En plus de cette courte parenthèse, j’aimerais souligner que, bien que je ne fasse partie du comité, je surveille ses activités de très près. En effet, grâce à l’aide compétente des extraordinaires jeunes gens qui travaillent avec moi, et envers qui je suis extrêmement reconnaissante, j’ai pu suivre les travaux et relire les témoignages des experts qui ont comparu devant le comité. Ces témoignages sur les droits d’auteurs à l’ère numérique, bien qu’ils portaient sur un sujet très complexe, étaient très convaincants.
L’un de ces experts qui est souvent cité et qui a déployé de vaillants efforts pour améliorer cette mesure législative est Michael Geist, professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste de premier plan en la matière. Il affirme depuis un certain temps déjà que le projet de loi est « défectueux, mais réparable », point de vue dont j’ai fait mention lors de l’étude à l’étape de la deuxième lecture.
Nous aurions pu corriger le projet de loi lors de l’étude en comité, mais nous ne l’avons pas fait. J’espère que le ministre du Patrimoine canadien — qui, à mon avis, mérite des éloges pour tout le travail accompli sur ce projet de loi —, permettra aux députés conservateurs d’accepter les amendements que je présente aujourd’hui afin que le projet de loi, une fois adopté, ne soit pas qu’une nouvelle loi sur les droits d’auteur, mais plutôt une excellente loi sur les droits d’auteur. Pour y parvenir, il faudra par contre amender le projet de loi.
Les 18 amendements que je présente aujourd’hui se divisent en deux grandes catégories. Le Président les a regroupés ainsi, et je suis d’accord, mais je propose que l’on débatte des deux groupes d’amendements en même temps. La première catégorie vise à clarifier la notion d’« utilisation équitable d’une oeuvre », surtout dans le cadre de l’ajout des dispositions sur la reproduction des oeuvres à des fins pédagogiques. La seconde catégorie porte sur les dispositions qui font en sorte qu’il serait trop difficile d’avoir accès à des oeuvres à cause des verrous numériques, qui sont appelés « mesures techniques de protection » — MTP pour faire plus court —, dans le projet de loi.
Au cours des prochaines minutes, je tenterai d’expliquer ces mesures en termes simples afin qu’elles aient de bonnes chances d’être acceptées par d’autres députés qui, comme moi, n’ont pas siégé au comité, mais qui, contrairement à moi, n’ont peut-être pas suivi d’aussi près ce qui s’y passait.
L’expression « utilisation équitable » semble renvoyer à une notion très simple, mais elle n’a pas le sens qu’on pourrait croire. En anglais, on parle de « fair dealing » qui évoque l’image d’une entente. Comme cette mesure législative porte essentiellement sur le droit d’auteur, la notion d’utilisation équitable vise à établir si le travail créatif d’une personne est utilisé équitablement. Il existe beaucoup de jurisprudence sur l’utilisation équitable, mais on ne parvient pas à définir cette notion. Il ne s’agit pas de citer un paragraphe ou une page et d’en préciser l’auteur. Dans certains cas, on peut citer toute une page; dans d’autres, on ne peut même pas citer un paragraphe. C’est en tenant compte de l’objectif et de l’intention qu’il est possible d’établir si l’utilisation est équitable et si elle respecte les droits conférés aux créateurs par la loi sur le droit d’auteur.
Le projet de loi apporte des changements à la notion d’« utilisation équitable » qui, dans l’ensemble, sont assez bons. Une personne peut maintenant utiliser l’oeuvre de quelqu’un d’autre à des fins de parodie ou de satire. Nous n’y voyons aucun inconvénient à l’étape du rapport.
Le gouvernement a toutefois ajouté les notions d’éducation, de parodie et de satire et l’utilisation du mot éducation soulève certaines préoccupations, principalement parce que les tribunaux n’ont pas défini ce terme ou cette exception d’utilisation équitable des oeuvres protégées par le droit d’auteur. L’élargissement ou le resserrement de la signification de façons préjudiciables envers le citoyen moyen désireux d’utiliser le matériel pourrait donner lieu à d’importantes contestations. Étant donné que les gens qui veulent modifier la loi pour restreindre l’accès aux consommateurs et l’utilisation normale du matériel sont ceux qui ont le plus de moyens d’aller devant les tribunaux pour faire valoir leur position, tôt au tard, nous voudrons probablement améliorer le libellé du projet de loi et autoriser par voie réglementaire le gouverneur en conseil à fournir une définition du terme « éducation », qui actuellement ne figure pas dans le projet de loi. Ce faisant, on permettrait de faire cet ajout dans l’avenir. La motion no 3 que j’ai présentée vise donc à permettre au gouverneur en conseil de prendre un règlement pour définir la notion d’éducation.
Cet amendement particulier découle du témoignage de Giuseppina D’Agostino, professeure en propriété intellectuelle à l’École de droit Osgoode Hall. Mme D’Agostino enseigne également à l’Université York. En 2010, lorsque la mesure dont nous sommes actuellement saisis était le projet de loi C-32, Mme D’Agostino a fait la déclaration suivante pour expliquer cet amendement:
Cela ouvrirait la voie à une approche davantage fondée sur la preuve et permettrait aux ministères compétents de recueillir des éléments de preuve utiles et de préciser ce qu’il leur faut corriger par voie de loi, et d’être agiles et flexibles dans les correctifs à apporter aux problèmes en matière de droit d’auteur pouvant survenir de temps à autre dans le secteur de l’éducation.
Voilà tout ce que j’ai à dire sur l’utilisation équitable. C’est un sujet important, mais je veux aussi parler des verrous numériques, car la plupart des amendements que je propose concernent ce problème.
Les verrous numériques tiennent la route. En effet, l’objectif premier de cette mesure législative est de protéger les droits des créateurs et d’établir un juste équilibre entre les droits des créateurs et de ceux des consommateurs.
Ce projet de loi essaie de moderniser les dispositions législatives du Canada afin qu’elles répondent aux obligations internationales qui lui sont conférées en vertu du Traité sur le droit d’auteur de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OMPI.
La raison pour laquelle le projet de loi C-11 me pose problème, c’est qu’il va bien au-delà des exigences de l’OMPI. En fait, il instaurerait l’un des cadres les plus restrictifs au monde. Pour comprendre le principe des verrous numériques, il faut savoir qu’une personne a le droit de mettre un verrou sur un bien pour le protéger, si elle en détient les droits. Personne n’a le droit de contourner ce verrou si le bien appartient à la personne qui a mis le verrou et quiconque le contournerait commettrait un vol.
Cependant, le projet de loi contient des exceptions. Il y est prévu que la propriété intellectuelle d’une autre personne peut être utilisée pour créer une oeuvre, par exemple une satire ou une parodie.
Qu’arrivera-t-il si une personne n’a pas le droit de verrouiller une oeuvre? En vertu du projet de loi actuel, contourner le verrou dans un tel cas serait également illégal.
John Lutz, de la Société historique du Canada, nous l’a bien expliqué lorsqu’il a témoigné devant le comité au sujet du projet de loi C-32, lors de la dernière législature. Il a dit que la nouvelle loi modifiait la Loi sur le droit d’auteur, modifiée précédemment en 1997, de manière à la faire entrer dans l’ère numérique: « Les consommateurs pourront faire des copies privées d’œuvres sur support numérique en utilisant des appareils comme un iPod, un téléphone intelligent ou un ordinateur portable sans enfreindre le droit d’auteur. Il y a cependant une exception importante. Si le vendeur ne veut pas qu’on copie une oeuvre, il n’aura qu’à y appliquer un verrou numérique, ce qui rendra illégaux tous les usages qui le seraient normalement. Un verrou numérique… » Et il poursuit sa description.
Le projet de loi n’indique pas seulement qu’un verrou numérique ne peut pas être contourné, mais il précise que produire de l’équipement ou une technologie aidant les gens à contourner un verrou serait illégal.
Je ne vous entretiendrai pas sur chacun de mes amendements, un par un. Ils appliquent essentiellement le principe suivant: si, à des conditions prévues dans le projet de loi, l’utilisation d’une oeuvre protégée par un verrou numérique est légale, une personne devrait avoir le droit de contourner ce verrou lorsque les conditions en question sont respectées. La présence du verrou ne devrait pas, en soi, annuler tout ce qui est autorisé relativement à une oeuvre selon le principe de l’utilisation équitable qui sous-tend le projet de loi.
Il pourrait s’agir d’un cas aussi simple qu’une erreur que j’ai déjà faite à Amsterdam: j’ai acheté un film qui m’intéressait vraiment et, quand je suis arrivée au Canada, je n’ai pas pu le regarder. Je ne le peux toujours pas.
Je demande au ministre du Patrimoine canadien de considérer les circonstances dans lesquelles une personne n’a pas l’intention d’enfreindre le droit d’auteur. Elle veut seulement visionner un oeuvre ou pouvoir en faire une utilisation qui est normalement permise par la loi. Les verrous numériques ne devraient pas annuler tous les droits.
Je félicite le ministre du Patrimoine canadien pour son dur labeur. Je lui demande de bien vouloir considérer les amendements proposés à l’étape du rapport pour améliorer ce projet de loi.