Il est peu probable que je rédige un nouveau billet de blogue avant mon arrivée à Durban. Je quitterai Toronto sous peu à destination de l’aéroport de Heathrow, d’où je prendrai un vol de nuit pour Johannesburg. Après avoir passé quelques heures aux douanes et à remplir d’autres formalités, je prendrai un dernier vol pour Durban.
D’abord, je vous dirai pourquoi je ne veux pas y aller. Premièrement, je déteste prendre l’avion – je ne trouve jamais le sommeil en avion, je me suis fait remplacer la hanche il y a à peine deux mois et demeurer assise trop longtemps me fait souffrir et m’empêche de marcher pendant quelque temps, je déteste contribuer à l’augmentation des émissions de carbone en prenant l’avion, et je m’attends à ce que, une fois sur place, je n’aime pas du tout l’expérience jusqu’au moment de prendre l’avion pour rentrer chez moi.
Cependant, plusieurs raisons me poussent à y aller. C’est peut-être l’occasion pour moi de faire une différence. Étant donné l’ampleur de la menace qui pèse sur la planète, je n’ose pas rater l’occasion de me rendre quelque part où ma présence risque de faire une différence.
Quand je serai enfin arrivée à destination, sans égard à l’épuisement mental ou physique qui se sera sans doute emparé de moi, ma toute première tâche consistera à me rendre au bureau d’accréditation de l’ONU et obtenir mon laissez-passer pour pouvoir participer à la Conférence. J’y serai à titre d’observatrice, ce qui me permettra d’assister à la majeure partie des négociations, mais pas à toutes les réunions. Je contacterai le négociateur en chef de Tuvalu, qui m’a affirmé par courriel qu’il chercherait à savoir comment je pouvais soutenir leurs efforts.
Je compte également rejoindre la délégation des Verts mondiaux ainsi que d’autres verts élus au sein de différents gouvernements un peu partout dans le monde, notamment la Suède, l’Australie, l’Allemagne, le Kenya et la Finlande. Je rencontrerai aussi la délégation jeunesse canadienne – une véritable source d’inspiration. Je suis toujours ravie de revoir de vieux amis. À la CdP 14 de Poznan, je me souviens avoir dit à un journaliste que c’était comme « une réunion de famille sur le Titanic. Que c’était agréable de revoir tout le monde, mais que l’atmosphère était alourdie par un mauvais pressentiment. »
La dynamique des négociations augure mal. À cette étape du processus établi par la CdP 11 tenue à Montréal, nous devrions aborder la prochaine phase avec confiance et préparer la mise en œuvre de la seconde période d’engagement aux termes de Kyoto afin d’assurer une transition sans heurts entre la première et la seconde phase de Kyoto. Mais le déraillement de Copenhague a jeté un pavé dans la mare. Certains journalistes me reprochent amèrement d’avoir accusé le gouvernement du Canada (sous le contrôle temporaire des conservateurs de Harper) de sabotage. Mais j’ai observé attentivement toutes les manœuvres de sabotage de l’ère de Stephen Harper depuis le tout premier jour. Il déteste Kyoto. En fait, sa réaction allergique à Kyoto est telle qu’on pourrait parler d’un choc anaphylactique. Sa première tâche comme premier ministre a été de répudier nos cibles juridiquement contraignantes aux termes de Kyoto. Un acte de sabotage. Ainsi, à chaque CdP depuis 2006, la délégation de Harper fait obstacle au progrès. Il est même arrivé que la délégation canadienne demeure assise sans rien dire pendant tout le processus visant à dégager un consensus, jusqu’à ce que la présidence de la CdP (ou n’importe quel groupe de travail s’étant attelé à la tâche avec ardeur) déclare être en mesure de dégager un consensus, puis qu’elle se lève pour soulever une myriade d’objections. On appelle ça négocier de mauvaise foi. On peut aisément affirmer que la délégation canadienne a saboté les 12e, 13e, 14e, 15e et 16e conférences des Parties.
On peut aussi parler de sabotage lorsque le gouvernement Harper use de différents stratagèmes pour convaincre d’autres nations de refuser de négocier une deuxième période d’engagement.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, le gouvernement Harper a déjà prévu son retrait légal du Protocole de Kyoto, mais ne comptait l’annoncer qu’une fois les négociations de la CdP 17 terminées. Encore une fois, on peut présumer que le véritable programme du Canada à Durban consiste à faire dérailler les négociations et à convaincre d’autres nations d’adhérer à sa position en refusant de faire partie de la solution, ce qui donnerait une certaine légitimité à l’idée de tuer Kyoto. Le gouvernement Harper compte ensuite rentrer au pays et annoncer l’abandon légal du Protocole de Kyoto par le Canada le 23 décembre, soit lorsque la Chambre aura ajourné ses travaux pour la période des Fêtes.
Pour mieux comprendre la stratégie de Stephen Harper, imaginez un instant que notre premier ministre soit George W. Bush. Notre premier ministre a repris le flambeau de Bush en s’opposant à toute action mondiale, mais il est beaucoup plus doué pour cacher ses intentions réelles et masquer ses actions.
Je présume que l’abandon de Kyoto serait louable si le gouvernement Harper faisait réellement ce qu’il affirme être en train de faire, soit essayer de convaincre les autres nations de s’engager aux termes d’un accord international juridiquement contraignant et inclusif pour remplacer Kyoto. Mais ce n’est pas le cas. Ce genre d’accord n’existe pas. Et avec le compte à rebours qui nous rappelle l’urgence d’agir pour éviter une catastrophe planétaire, nous n’avons plus le temps d’élaborer un nouveau cadre d’action. La seule autre option sur la table est l’Accord de Copenhague – ce bout de papier ridicule et non contraignant.
Si Harper tenait vraiment à signer un accord juridiquement contraignant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui inclut la Chine, l’Inde et le Brésil, il demeurerait au sein de Kyoto, puisque ce processus reçoit déjà l’appui de la Chine, de l’Inde et du Brésil, qui figurent parmi les 191 nations ayant déjà ratifié Kyoto.
Alors que puise encore espérer? J’espère de tout cœur que l’Union européenne, malgré les distractions bien réelles de la crise financière, fasse preuve de leadership et travaille de concert avec les autres nations disposées à négocier de bonne foi comme la Suède, la Norvège, la Nouvelle Zélande, l’Australie (je pense), les pays en développement et les États côtiers à faible altitude pour que nous puissions mettre un terme à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2015 au plus tard. J’espère que le Japon, toujours déterminé à atteindre ses cibles en regard de la première phase de Kyoto, reviendra parmi nous. J’espère que le gouvernement dysfonctionnel des États Unis parviendra à faire bouger les choses à Durban. Et, enfin, j’espère que la délégation canadienne cédera devant la pression publique sans précédent et fera un virage à 180 degrés pour finalement accepter de s’engager aux termes d’une seconde phase de Kyoto.
En d’autres mots, j’espère un miracle.