Elizabeth May est solidaire du peuple Wet’suwet’en en réponse à la déclaration de Justin Trudeau

2020-02-18 11:36 [p.1130]
Madame la Présidente, je remercie tous mes collègues de me donner cette occasion de prendre la parole sur cette situation d’urgence qui nous met toutes et tous face à la réalité de l’injustice et au défi de la réconciliation.
C’est un débat essentiel et c’est un moment très important. Pendant la semaine de relâche, lorsque j’étais dans ma circonscription, nous avons discuté des barrages et des inconvénients pour les Canadiens appartenant à la culture colonisatrice, alors que les Autochtones se sont fait voler leurs terres, leurs enfants et leur culture, et qu’on a tenté d’effacer leur identité. Nous devons évaluer nos inconvénients par rapport aux difficultés actuelles. Priscilla, une habitante de ma circonscription, a dit que nous devrions profiter de cette occasion pour ouvrir un dialogue enrichissant.
Lorsque j’écoutais le discours du chef de l’Opposition officielle, je me suis souvenu de quelque chose. Le 4 mai 1877, le général Olivier Otis Howard a exprimé le sentiment de frustration qu’il ressentait lorsqu’il discutait avec les Nez Percé et leurs chefs au sujet de ce qui comptait pour eux. Il a dit: « J’ai entendu 20 fois que la terre est votre mère. Je ne veux plus l’entendre; je veux parler de choses concrètes tout de suite. » Ce n’est pas une question simple, et on ne la réglera pas du jour au lendemain parce qu’elle repose sur un siècle et demi d’injustice, d’oppression et de colonialisme.
Cette situation s’explique aussi par le fait que, depuis 1997, les Wet suwet en avaient toutes les raisons de croire, en se fondant sur une décision de la Cour suprême du Canada, que le gouvernement fédéral discuterait du titre de cette nation, qui pourrait couvrir 22 000 kilomètres carrés. La Cour suprême du Canada a déclaré que leur titre et leur forme de gouvernement autochtone, qui existait des milliers d’années avant le Canada, ont un statut dans le droit canadien. Tout portait à croire que le gouvernement fédéral allait se pencher sur les répercussions d’une telle déclaration.
Il faut absolument éviter d’opposer la primauté du droit, d’un côté, aux peuples autochtones, de l’autre. Les peuples autochtones sont du côté du droit. Lorsque le chef de l’opposition officielle a parlé d’un « petit groupe d’activistes radicaux », il pensait peut-être aux neuf juges de la Cour suprême du Canada. Ce sont eux qui ont déclaré qu’un titre est un titre et qu’un titre autochtone est collectif et intergénérationnel. C’est parce que nous reconnaissons ce fait que nous sommes solidaires des chefs héréditaires des Wet suwet en.
Le 19 janvier, le député de Nanaimo—Ladysmith est allé rencontrer les chefs héréditaires des Wet suwet en. Depuis le début, le Parti vert tente de convaincre le gouvernement d’empêcher la GRC de procéder à des arrestations. L’énorme camp entraîne pour le Canada des coûts correspondant au budget annuel d’un détachement situé en un lieu isolé, à la limite du territoire des Wet suwet en. L’endroit est très éloigné. Le député de Nanaimo—Ladysmith s’y est rendu et a appris qu’on avait suggéré une autre route, dont il est question dans la décision imposant une injonction contre les opposants au projet Coastal GasLink. Les chefs héréditaires des Wet suwet en ont suggéré une autre option qui éviterait le sentier Kweese, mais, selon le tribunal, Coastal GasLink l’aurait rejetée unilatéralement.
Le gouvernement fédéral doit intervenir. Je me réjouis qu’il le fasse. Il est vrai que, le 5 février, à la Chambre, le premier ministre a déclaré: « L’affaire […] relève entièrement de la compétence provinciale. » C’est exact, du moins en ce qui concerne le pipeline, car celui-ci ne traverse pas la frontière provinciale, mais l’affirmation est fondamentalement erronée. Il est question de droits autochtones, de la décision Delgamuukw de 1997 et de la décision Tsilhqot’in de 2014. Lorsque les Premières Nations obtiennent gain de cause devant les tribunaux, il faut se demander: quel est le délai de prescription? Combien de temps a-t-on pour passer à l’action?
Les Wet suwet en se sont montrés énormément patients. Le camp Unist’ot’ en existe depuis 10 ans.
Ce n’est pas une grande surprise que les peuples autochtones opposent une résistance partout au Canada. C’est clair dans toutes les ententes.
Cela fait longtemps que les leaders autochtones de partout au pays disent que si quelqu’un empiète sur ce territoire, ils réagiront comme s’il s’agissait de leur propre territoire. C’est ce qu’on s’appelle de la solidarité. C’est de cette solidarité que font preuve les peuples autochtones du Canada et leurs alliés, des gens comme moi qui estiment que nous en sommes à un moment décisif de l’histoire de ce pays, où nous pensons vraiment ce que nous disons.
Le brillant sénateur et ancien juge Murray Sinclair a dit, tout comme Paul Simon dans sa chanson The Boxer: « Voilà des promesses marmonnées ». Il faut mettre un terme à ces marmonnements. Nous devons affirmer clairement nos intentions. Il est question ici de terres, de droits territoriaux, de justice. Ce n’est qu’accessoirement une question de pipeline.
C’est maintenant clair: nous devons faire face à la réalité de l’injustice et à la grande promesse de réconciliation. C’est le moment de dire oui aux peuples autochtones et de rejeter l’idée qu’il s’agit d’un groupe radical puisque ce n’est pas vrai. Ce groupe est engagé dans le grand projet de la justice.
Voici venu le moment de vérité, de justice et de réconciliation pour le Canada.