Elizabeth May, appuyée par Jean-François Fortin, propose:
Motion no 1
Que le projet de loi C-316 soit modifié par suppression de l’article 1.
Motion no 2
Que le projet de loi C-316 soit modifié par suppression de l’article 2.
Motion no 3
Que le projet de loi C-316 soit modifié par suppression de l’article 3.
Motion no 4
Que le projet de loi C-316 soit modifié par suppression de l’article 4.
Motion no 5
Que le projet de loi C-316 soit modifié par suppression de l’article 5.
— Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Haute-Gaspésie—La Mitis—Matane—Matapédia d’appuyer ces amendements.
Je crois que le projet de loi C-316, présenté par le député de Cariboo—Prince George, entraîne beaucoup de confusion au sein de la population concernant la nature des prestations d’assurance-emploi qui sont versées aux personnes ayant purgé une peine de prison. Les médias en ont beaucoup parlé, et je vais résumer ce qu’ils en ont dit avant d’expliquer pourquoi je présente ces amendements.
La couverture que les médias ont faite du dossier et les commentaires des députés conservateurs ont contribué à faire en sorte que les Canadiens moyens soient outrés de voir que les personnes qui ont séjourné en prison ont droit à des prestations d’assurance-emploi plus généreuses que celles qui sont versées aux Canadiens respectueux de la loi. Si c’était vrai, je serais aussi outrée qu’eux et j’aurais appuyé toute mesure visant à retirer ce traitement préférentiel aux anciens prisonniers.
Cependant, à la lecture du projet de loi, on constate que ce n’est pas le cas. J’ai entre les mains le texte des paragraphes 8(2) et 8(6) de la Loi sur l’assurance-emploi. Ces paragraphes définissent les circonstances où une personne a droit à des prestations d’assurance-emploi. Si le prestataire a, bien sûr, travaillé un certain nombre de semaines et peut fournir la preuve qu’il est sans emploi, il pourra toucher des prestations, puisque son employeur ainsi que lui-même ont cotisé au système. Il n’a pas le droit cependant d’attendre avant de faire sa demande, c’est-à-dire ne pas travailler pour une période et ensuite décider de toucher ses prestations. Il doit faire sa demande immédiatement.
Toutefois, il existe une exception à la période de référence, et celle-ci peut être prolongée. Selon le paragraphe 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi:
Lorsqu’une personne prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu’au cours d’une période de référence visée à l’alinéa (1)a) elle n’a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable pour l’une ou l’autre des raisons ci-après, cette période de référence est prolongée d’un nombre équivalent de semaines:
a) elle était incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine
b) elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature;
c) elle recevait de l’aide dans le cadre d’une prestation d’emploi;
d) elle touchait des indemnités en vertu d’une loi provinciale […]
[…] ou mettait en danger son enfant à naître, et cetera.
Maintenant, clarifions ce que stipule la loi dans sa version actuelle.
Les prisonniers ne peuvent pas toucher de prestations d’assurance-emploi, puisqu’ils ne sont pas à la recherche d’un emploi et ne sont pas en mesure de travailler. Ils sont en prison. À leur sortie de prison, ont-ils droit à de meilleurs avantages que les autres personnes? La réponse est non. Tout ce que la loi dit, c’est que la période de référence sera prolongée si une personne est admissible à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a travaillé et qu’elle est sans emploi, et si la période pour laquelle elle aurait normalement pu demander des prestations d’assurance-emploi a été interrompue en raison d’une maladie, d’une grossesse ou d’autres situations, comme un séjour en prison.
La plupart d’entre nous espèrent ne jamais aller en prison; nous sommes tous des citoyens respectueux des lois. Cependant, imaginons ce qui arriverait si nous privions les gens des prestations d’assurance-emploi auxquelles ils ont droit.
Croyez-moi, en m’opposant au projet de loi C-316, et en réclamant que les amendements que nous avons proposés soit adoptés, et qui, franchement, viseraient à éliminer complètement le projet de loi, je suis consciente que ma position pourrait être mal interprétée, et qu’on pourrait croire que je veux que les gens qui sont allés en prison reçoivent un traitement de faveur, et que je ne me range pas du côté des Canadiens qui sont contre les prisonniers.
Cependant, penchons-nous sur la politique publique dont il est question. Si une personne était emprisonnée pendant plus de deux ans, la loi ne l’aiderait pas. La réglementation sur l’assurance-emploi ou le maintien des dispositions actuelles ne prolongerait pas la période de référence au point où une personne ayant été emprisonnée pour un délit grave pourrait présenter une demande d’assurance-emploi à sa sortie de prison. Ça ne fonctionnerait pas.
La prolongation de la période de référence — il ne s’agit pas de remettre des chèques ou tout montant supplémentaire — ne serait possible que pour une personne ayant purgé une peine maximale d’un an. Cette condition s’applique à certains types de délits.
Aux termes du nouveau projet de loi omnibus sur la criminalité, cette condition pourrait s’appliquer à toute personne ayant cultivé six plants de marijuana, ou pour donner à la Chambre un exemple réel, à toute personne ayant refusé de se soumettre à un alcootest, et qui pourrait se voir imposer une peine d’emprisonnement maximale d’un an.
Imaginons maintenant ce que seraient les conséquences d’une politique gouvernementale qui essentiellement punit cette personne à nouveau. À ce sujet, j’aimerais rapporter les propos de la représentante de la Société John Howard, qui était venue expliquer au comité pourquoi son organisme s’opposait à ces mesures.
Je tiens à féliciter le comité pour l’amendement qui relevait, à juste titre, que la première version du projet de loi pouvait s’appliquer à une personne déclarée innocente à la suite d’un procès. L’amendement améliore certainement les choses, car seules les personnes incarcérées après avoir été déclarées coupables seront privées des prestations d’assurance-emploi auxquelles elles auraient eu droit.
Permettez-moi de lire ce que la directrice exécutive de la Société John Howard du Canada, Catherine Latimer, a déclaré au comité:
En conclusion, le projet de loi C-316 aurait pour effet de dépouiller les gens des prestations d’assurance-emploi, alors qu’ils ont cotisé au régime avec leurs employeurs. Ce serait injuste envers les demandeurs […] Quant à ceux qui sont reconnus coupables et condamnés, cette mesure équivaudrait à ajouter à la peine criminelle une peine ex post facto supplémentaire, dont la légitimité serait douteuse et qui pourrait mener à une peine disproportionnée.
Elle poursuit en disant:
Cette mesure ébranlerait également la sécurité publique en menaçant les perspectives d’emploi et en privant de prestations d’assurance-emploi un groupe vulnérable qui cherche à réintégrer la société. Voilà pourquoi la Société John Howard du Canada vous demande instamment de vous opposer au projet de loi C-316.
La Société Elizabeth Fry s’est également opposée au projet de loi en affirmant qu’il y avait un nombre démesurément élevé de personnes marginalisées dans les prisons, plus particulièrement des femmes à faible revenu et des membres des Premières nations.
J’aimerais que nous prenions du recul et que nous songions de nouveau à la situation. Il pourrait être amusant de prétendre que notre régime d’assurance-emploi actuel avantage trop les criminels, même si ce n’est pas le cas. Il pourrait aussi être amusant de laisser croire aux gens que les personnes incarcérées reçoivent des chèques d’assurance-emploi, même si ce n’est pas le cas. À mon avis, les personnes qui sont incarcérées ont payé leur dette à la société, pour reprendre une expression couramment utilisée. Cependant, nous affirmons maintenant qu’elles n’ont pas fini de payer leur dette à la société et que nous allons leur couper l’herbe sous le pied. Nous allons nous en prendre à elles alors qu’elles sont sans ressources et les priver des prestations d’assurance-emploi auxquelles elles ont droit et qui les aideraient à se remettre sur pied, à trouver du travail et à devenir des membres productifs de la société. Elles ne seront pas admissibles à ces prestations, même si leurs employeurs ou elles ont cotisé à l’assurance-emploi.
Il y a des crimes qui pourraient être définis comme des crimes sans victime. Je pense notamment aux crimes donnant lieu à des peines d’emprisonnement d’un an ou moins et qui seraient visés par cette mesure législative. Je suis préoccupée par la tendance actuelle à présenter des projets de loi qui visent à punir des personnes ayant commis des erreurs et qui sont fondés sur la croyance que ces personnes ne pourront jamais repayer leur dette à la société, se remettre sur pied ou obtenir une deuxième chance. Ces dispositions de l’assurance-emploi s’appliquent aux personnes qui sont incarcérées pendant un an ou moins. Ces personnes ont peut-être commis un vol à l’étalage, ou elles ont peut-être conduit en état d’ébriété et refusé de subir un alcootest. Ce ne sont évidemment pas des gestes très louables, mais nous devons donner une chance à ces personnes.
Une fois qu’ils ont payé leur dette à la société et qu’ils sont sortis de prison, les gens ont alors le droit, suivant la loi actuelle, de présenter une demande. Ils ne recevront pas plus d’argent qu’une personne qui perd son emploi. Ils ont simplement la possibilité de voir leur période de référence prolongée. Si les gens avaient droit à de l’assurance-emploi lorsqu’ils sont entrés en prison, ils y ont encore droit lorsqu’ils en sont libérés. Ils peuvent retomber sur leurs pieds, trouver, espérons-le, un emploi et faire amende honorable. Dieu sait qu’un grand nombre de braves gens font des erreurs et sont jetés en prison. Nous devons leur donner un coup de pouce et non adopter des sanctions supplémentaires qui leur retireront leur droit à l’assurance-emploi.
Sur ce, je demande à tous les députés d’examiner attentivement les amendements dont la Chambre est aujourd’hui saisie.