Les verts s’opposeront à l’adoption rapide du projet de loi sur les superprocès sans une étude plus approfondie

Faisant la preuve qu’une seule députée peut faire toute la différence au Parlement, la chef du Parti vert du Canada et députée de Saanich-Gulf Islands Elizabeth May privera les Communes du soutien unanime nécessaire pour l’adoption rapide de modifications au Code criminel sans étude préalable en comité.

La loi affecterait la tenue générale des « superprocès » – des dossiers complexes et volumineux qui regroupent plusieurs prévenus et plusieurs accusations. Les changements toucheraient surtout les dossiers liés aux actes de terrorisme ou au crime organisé. Le Parti vert a consulté un avocat réputé en matière de droits de la personne, Clayton Ruby, pour connaître son avis sur les changements proposés.

« Je crains que ce projet de loi n’ouvre inutilement la porte à une justice à l’américaine. Il n’y a qu’à regarder la disposition qui stipule que les jurés seront appelés par un numéro en cour plutôt que par leur nom; c’est une clause fondée sur la peur et je suis plutôt fier du fait qu’au Canada, nous avons des jurés qui ne craignent pas de paraître en cour et de rendre un verdict pour lequel ils assument toute la responsabilité. En 40 ans d’appartenance au Barreau, je n’ai jamais entendu parler d’un juré auquel on aurait proféré des menaces », a dit Ruby.

La chef du Parti vert est surtout préoccupée par les dispositions qui autoriseraient un procureur général à présenter un acte d’accusation, c’est-à-dire procéder avec une mise en accusation directe. Ce genre de procédure signifie que la Couronne a décidé de priver un accusé de son droit à une enquête préliminaire pour déterminer si les preuves sont suffisantes pour justifier la tenue d’un procès. À l’heure actuelle, un accusé peut faire une demande de remise en liberté sous caution à la fin de l’audience préliminaire ou, lorsqu’il y a mise en accusation, immédiatement après cette étape. L’adoption du nouveau projet de loi éliminerait la possibilité qu’un accusé soit libéré dans l’attente de son procès. « Une enquête préliminaire permet à l’accusé de tester et de contre-interroger les principaux éléments de preuve présentés par la Couronne avant la tenue d’un procès. À cette étape, les fondements de l’accusation peuvent être ébranlés », a dit May. « Ce sont précisément ces changements dont il est question, et qui risquent d’avoir des répercussions plus vastes, qui doivent faire l’objet d’une étude en comité. »

« Bien qu’il soit absolument nécessaire d’aborder ces questions afin d’accélérer la tenue de ces superprocès, certains changements proposés pourraient miner les principes fondamentaux de notre système juridique. Nous devons entendre le témoignage d’experts sur ces questions avant d’aller de l’avant », a ajouté May. « En règle générale, c’est une mauvaise idée de précipiter l’adoption de projets de loi sans d’abord tenir des audiences. »

Les pressions sont énormes pour que l’ensemble des députés adopte rapide ce projet de loi suite à l’avortement du procès de 31 membres ou sympathisants des Hells Angels, il y a deux semaines, lorsque le juge a décidé que le procès engendrerait des délais déraisonnables.

« Il y a un vieil adage qui dit que les situations pénibles engendrent une jurisprudence boiteuse. Le gouvernement veut faire vite parce que les 31 accusés dans l’affaire des Hells Angels ont été libérés. Ce projet de loi ne les renverra pas en prison », a prévenu May. « Les procès pourraient ne pas procéder aussi rapidement qu’on le souhaite, et nous refusons de compromettre d’autres procès criminels. Nous ne pouvons pas nous permettre de précipiter une question aussi importante. »