Il est peut-être trop tôt pour mettre fin à la PCRE et à la subvention salariale

Elizabeth May (Saanich—Gulf Islands)
2021-05-11 10:20 [p.7021]

Monsieur le Président, c’est avec plaisir que je participe au débat d’aujourd’hui, en cette deuxième journée d’examen de la loi d’exécution du budget, le projet de loi C-30. Comme le budget compte plus de 700 pages et que la loi d’exécution du budget dépasse les 300 pages, je me concentrerai tout d’abord sur une vue d’ensemble, sur la nature du projet de loi et sur certaines des controverses qui entourent les projets de loi omnibus.

Il s’agit de toute évidence d’une mesure omnibus, mais elle n’est pas choquante pour autant et je souhaite expliquer pourquoi. Dépassant les 300 pages, la loi d’exécution du budget touche plus de 20 lois, dont le Code canadien du travail, la Loi sur les Cours fédérales, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, deux catégories de prêts étudiants et l’aide financière aux étudiants. Je n’en dresserai pas la liste complète, mais beaucoup de mesures législatives sont touchées.

La question des projets de loi omnibus d’exécution du budget qui sont illégitimes nous ramène à l’époque où l’administration Harper était minoritaire. Ils constituaient le meilleur moyen de faire passer des lois offensantes quand les partis qui formaient la majorité des députés, mais qui ne faisaient pas partie de l’administration, s’y seraient opposés. Grâce à l’utilisation de projets de loi omnibus offensants, le gouvernement conservateur a découvert qu’il pouvait faire adopter des mesures qui, autrement, n’auraient pas obtenu l’appui du public ou des députés, étant donné qu’il s’agissait de votes de confiance. Il a fait adopter, par exemple, la Loi d’exécution du budget 2008 et la Loi d’exécution du budget 2009 qui ont affaibli l’évaluation environnementale menant aux actions majoritaires de ce gouvernement. Il a continué à intégrer dans les lois d’exécution du budget de nombreux éléments qui auraient constitué des projets de loi omnibus.

Un projet de loi omnibus regroupe simplement de nombreux textes législatifs qui sont adoptés en même temps. Ce n’est pas choquant s’ils ont tous un but commun. Tout ce qui figure dans le projet de loi C-30 est mentionné dans le budget. D’après ce que je peux voir, il n’y a pas de surprises sournoises, comme nous l’avons découvert dans un récent budget où il y avait des ententes de poursuites différées pour des sociétés. En parcourant ce projet de loi, je constate qu’il n’est pas comme le projet de loi omnibus d’exécution du budget du printemps 2012 qui a détruit notre processus d’évaluation environnementale, lequel n’a toujours pas été réparé. Entre autres, il a vidé la Loi sur les pêches de sa substance et éliminé la table ronde nationale. Le projet de loi C-30 est un projet de loi omnibus, mais il est approprié dans la mesure où tout ce que je peux y voir concorde avec le budget lui-même et concerne des modifications législatives visant à permettre l’adoption du budget, que le Parlement a maintenant adopté.

Il y a quelques points préoccupants. Lorsque le projet de loi sera renvoyé en comité, des améliorations pourront peut-être être apportées à certains d’entre eux, mais il est certainement préoccupant de constater le retrait du soutien à des éléments importants de notre économie pendant la COVID. Il est clair que nous ne sommes pas en présence d’un budget post-pandémie. Après l’absence d’un budget pendant deux ans, ce budget correspond à des périodes de profonde incertitude. J’ai reçu ma première injection de vaccin. Je vais attendre quatre mois avant de recevoir une deuxième injection. Les vaccins nous permettent de voir la lumière au bout du tunnel, mais avec les variants, les crêtes et l’économie de diverses provinces qui s’ouvre un peu puis se referme aussitôt, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles les entreprises et les particuliers continueront à avoir besoin de soutien.

L’idée de faire passer la prestation canadienne de la relance économique de 500 $ à 300 $ par semaine d’ici juillet devrait être examinée. C’est bientôt, et nous ne sommes peut-être pas prêts à cela. La subvention salariale prend fin en septembre. Beaucoup d’entreprises de ma circonscription savent pertinemment qu’elles auront besoin de cette subvention bien après septembre. Il y a de profondes inquiétudes, notamment dans le secteur du tourisme, alors je vais me concentrer sur le tourisme pendant quelques instants.

Le secteur du tourisme a reçu 500 millions de dollars dans le budget, ce qui est loin d’être suffisant. En tant que Canadiens et même en tant que parlementaires, nous sous-estimons ce secteur. Nous avons tous du tourisme dans nos circonscriptions et, collectivement, dans tout le pays, la contribution du tourisme au PIB est à peu près la même que celle des sables bitumineux. Il emploie beaucoup plus de personnes, des milliers et des milliers, partout au Canada, dans toutes les régions, et 500 millions de dollars ne suffisent pas à répondre aux besoins du secteur touristique.

Les grandes entreprises de ma circonscription, des attractions touristiques comme les Jardins Butchart, comptent normalement plus de 700 à 800 employés en saison. C’était loin d’être l’effectif l’été dernier parce que les jardins n’étaient pas ouverts, mais la subvention salariale leur a permis de garder les spécialistes employés: les centaines d’horticulteurs qui ont été recrutés dans le monde entier. L’entreprise ne sera tout simplement pas en mesure de conserver cette main-d’œuvre si nous n’avons pas de subvention salariale. Si elle perd cette main-d’œuvre et que ces spécialistes, horticulteurs et experts ne sont pas en mesure d’être employés ici, ils iront dans d’autres pays. Leur savoir-faire est fort recherché.

Les 500 millions de dollars prévus pour le tourisme et le milliard de dollars pour la promotion nous préoccupent beaucoup. Certaines entreprises de ma circonscription sont plutôt perplexes à l’idée qu’un milliard de dollars sera consacré à la publicité d’attractions canadiennes qui ne pourront pas rester ouvertes.

Il est également curieux que le ministère des Transports ait décidé que les paquebots de croisière sur nos côtes ne seront pas ouverts avant le 28 février 2022. Je n’ai encore vu aucune justification de cette date arbitraire. C’est très inquiétant, car si nous laissons les gens prendre l’avion, si nous disons qu’il y a des passeports de vaccination et que les gens peuvent voyager, nous devrions certainement être informés de la raison d’une telle date arbitraire. Cela continuerait à nuire au tourisme.
Ce budget est également avare de soutien en faveur du transport terrestre. Les lignes d’autocar de ce pays, que ce soit Wilson Bus Lines ou Maritime Bus, ont besoin d’établir une plus grande connectivité entre les villes et les villages. Le soutien accordé à Via Rail est bienvenu, avec 491 millions de dollars, mais il concerne uniquement le corridor Windsor-Québec. Qu’en est-il de Vancouver à Toronto et de Montréal à Halifax? En l’absence de Greyhound, de la ligne d’autobus Irving et d’autres lignes qui relient les collectivités, ces itinéraires ont besoin de trains quotidiens et d’un service économique élargi.
Là encore, ce qui manque, ce sont des mesures qui nous permettraient d’améliorer nos perspectives financières. Si nous n’envisageons pas de réductions, nous avons besoin de plus de recettes. Il y a quelques nouvelles taxes dans ce budget et quelques moyens d’économiser de l’argent. J’applaudis particulièrement l’idée que le gouvernement du Canada va cesser de dépenser autant pour les voyages des fonctionnaires: cela représente une économie d’un milliard de dollars sur cinq ans. La plupart de ces voyages, comme nous le savons, se faisaient par avion. Nous avons appris au cours de la COVID que nous pouvons trouver d’autres moyens d’éviter les gaz à effet de serre et d’éviter autant de voyages.

À long terme, nous devons envisager d’augmenter les recettes. Le directeur parlementaire du budget a souligné que le ratio de la dette par rapport au PIB va se stabiliser à environ 51 %. Il était de 30,6 % avant la pandémie, et il faudra attendre 2055 pour retrouver les ratios d’avant la pandémie. En 1995-1996, nous étions à 66 %, mais nous ne voulons plus jamais revivre une austérité aussi intense. Nous devons protéger notre système de santé. Nous devons l’élargir grâce à l’assurance-médicaments, qui aurait dû figurer dans ce budget et qui n’y est pas.

Nous devons voir où nous pouvons obtenir davantage de revenus et être cohérents. Pour l’amour du ciel, il est temps de cesser de subventionner les combustibles fossiles. Il est temps d’annuler le pipeline Trans Mountain, qui va coûter 10 à 12 milliards de dollars de plus. Qu’en est-il des profits excessifs des banques? Nous devrions nous en prendre à elles. Nous devrions envisager un impôt sur la fortune. Nous n’en faisons certainement pas assez dans ce budget. Il propose des consultations sur ce qu’il faut faire au sujet du taux d’intérêt des cartes de crédit et des horribles prêts sur salaire. Ces questions méritent plus d’attention.

Nous devons chercher à améliorer les recettes afin de pouvoir nous permettre d’offrir un régime universel d’assurance-médicaments, ce que nous devons faire, et afin de nous assurer que le programme des garderies est mis en place dans tout le pays pour tous les Canadiens. De même, nous devons apporter un soutien initial aux personnes à faible revenu pour les soins dentaires et éliminer l’intérêt sur les prêts étudiants canadiens. Tous ces éléments ont besoin de revenus. Sur ce, je vous remercie de m’avoir accordé le temps de parler du projet de loi C-30.