Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance (loi C-45)

Elizabeth May : Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui sur un nouveau projet de loi omnibus d’exécution du budget. Enfin, « heureuse » n’est pas vraiment le mot.

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Je commencerai par quelques remarques au sujet des projets de loi omnibus et de ce que nous avons constaté cette année. En gros, le budget de 2012 a servi de prétexte pour déposer 900 pages de mesures législatives sans grand rapport avec le budget lui-même. Cette manoeuvre, qui a consisté à intégrer 70 projets de loi différents au projet de loi C-38, soi-disant en relation avec le budget de 2012, et maintenant 60 projets de loi différents au projet de loi C-45 est une pratique à la fois illégitime et non démocratique.

J’ai moins d’amendements à proposer aujourd’hui que sur projet de loi C-38, et cela intéresse peut-être les Canadiens de savoir pourquoi. Bien qu’ayant quelques pages de moins, le projet de loi C-38 était beaucoup plus nocif pour le cadre de législation environnementale du Canada. Il sabrait dans la Loi sur les pêches, il détruisait la protection des habitats, il abrogeait la Loi sur l’évaluation environnementale pour la remplacer par une mesure qui ferait honte à un pays en développement. C’était une véritable horreur.

Dans le projet de loi C-38, on disait aussi explicitement que les pipelines ne constituaient plus un obstacle au titre de la Loi sur la protection des eaux navigables. Je pensais qu’avec le projet de loi C-38, les conservateurs avaient atteint tous leurs objectifs en ce qui concernait les pipelines, mais ils remettent ça avec le projet de loi C-45, qui poursuit la démolition des lois environnementales en éviscérant la Loi sur la protection des eaux navigables.

Les députés se souviendront qu’à propos du projet de loi C-38, j’avais demandé au Président de déclarer le projet de loi irrecevable pour vice de forme. Je crois qu’il faudrait revoir le règlement et y inclure des articles visant les projets de loi omnibus parce que cette procédure est manifestement illicite.

Le projet de loi C-45 prouve à quel point la démarche du projet de loi C-38 était lamentable puisqu’un certain nombre de nos votes cette semaine visent à rectifier des erreurs commises dans la rédaction du projet de loi C-38. Ce sont des erreurs évidentes qu’on aurait pu relever si l’on avait suivi la procédure législative normale.

On nous demande maintenant avec le projet de loi C-45 de rectifier des erreurs de rédaction du projet de loi C-38, parce que l’anglais ne correspond pas au français ou parce que, dans le cas de la Loi sur les pêches, on a oublié de protéger certains aspects de la navigation dans les zones de pêche où il y a des bordigues et autres installations de pêche. Il y a aussi des modifications à la Loi sur l’évaluation environnementale parce que le texte a été mal rédigé la dernière fois. Pourquoi la rédaction laissait-t-elle à désirer? C’est parce qu’on a entassé 70 lois différentes dans un seul projet de loi qu’on a obligé la Chambre à adopter sans concéder un seul amendement sur 425 pages de texte.

Ce n’est pas conforme aux procédures parlementaires. Jamais dans toute notre histoire le Conseil privé n’a jugé que le fait d’apporter un amendement à un projet de loi entre la première lecture et la sanction royale constituait une espèce de défaite politique qu’il fallait éviter à tout prix. C’est un degré de parti pris politique qui confine à l’absurde. Que le gouvernement décrète qu’il ne peut pas accepter un amendement entre la première lecture et la sanction royale pour revenir ensuite avec ce texte qui rectifie finalement le précédent, cela relève de la démence parlementaire.

Je vais aborder assez rapidement mes propositions d’amendement. Je tiens à souligner que ni le projet de loi C-38, ni le projet de loi C-45 ne portent vraiment sur l’emploi, la croissance ou le budget. Je vais souligner les éléments du projet de loi C-45 que je souhaiterais modifier parce qu’ils sont nocifs pour l’emploi.

Le projet de loi C-45, ce projet de loi omnibus d’exécution du budget, sera nuisible pour l’emploi dans le domaine du tourisme en raison d’une proposition ahurissante qui deviendra loi si nous ne réussissons pas à faire comprendre aux députés conservateurs qu’ils doivent voter pour ce qui leur semble bon et non voter comme on leur dit et on leur ordonne de le faire.

Quand on sait l’importance du tourisme pour notre économie, il est aberrant d’adopter une loi exigeant que les touristes du monde entier, qui viennent de pays pour lesquels on n’exigeait pas de visa jusqu’à présent, soient tenus de remplir un formulaire pour savoir s’ils sont autorisés à venir en vacances ici. Cette exigence s’appliquera à tous les touristes qui viennent au Canada que leur réputation soit remise en question ou non et qu’ils soient considérés comme présentant un risque ou non. Seuls les touristes des États-Unis, pays avec lequel nous avons une entente réciproque de sécurité à la frontière, seront exemptés de cette formalité. C’est un changement épouvantable qui nuirait considérablement au tourisme.

Il y a un autre changement effroyable, c’est la réduction du crédit d’impôt RS&DE, le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, alors que c’est là que le Canada est à la traîne. Si l’on en croit les économistes, l’état de notre compétitivité et de notre productivité est extrêmement préoccupant. Or, ces paramètres économiques sont directement liés à la recherche et au développement. Par conséquent, les Canadiens ont besoin de ce crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. À notre avis, ce serait une grave erreur de le réduire.

Je vais maintenant vous parler de ce qui me plaît dans le projet de loi C-45. On prétend que tous les députés de l’opposition rejettent le projet de loi C-45 en entier. C’est une des raisons pour lesquelles je suis contre tous les projets de loi omnibus. Il y a dans ce projet de loi des mesures pour lesquelles je voterais si elles n’étaient pas amalgamées à autant de mesures nuisibles. Je voterais pour les mesures budgétaires qui figurent au début du projet de loi C-45, en l’occurrence les crédits d’impôt visant à encourager les investissements dans l’énergie propre et l’efficacité énergétique. Ils sont insuffisants, mais je n’ai absolument rien contre. Au contraire, j’y suis favorable.

Je voterais pour la suppression de certains crédits d’impôt destinés à stimuler la prospection pétrolière et gazière, par exemple le crédit d’impôt à l’investissement dans la région de l’Atlantique dans le domaine du pétrole, du gaz et de l’exploitation minière. Je voterais aussi en faveur de la suppression du crédit d’impôt pour la prospection et le développement minier à l’intention des grandes sociétés. Je voterais aussi pour qu’on élimine les échappatoires qui permettent aux grandes sociétés d’éviter de payer leur juste part d’impôt en utilisant le prix de transfert et d’autres opérations de transfert liées à des filiales étrangères. Voilà des mesures que j’appuierais.

Ce qui me dérange profondément dans ce projet de loi, en plus de la mesure dont je viens de parler, qui obligerait désormais les gens qui veulent venir au Canada à remplir un formulaire destiné aux services d’immigration, c’est la suppression du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses. Je propose de conserver cette entité.

Nous pourrions aussi en faire plus au niveau du crédit à l’embauche pour les petites entreprises.

Les conservateurs apportent des modifications à la Loi sur les pêches essentiellement pour rectifier certaines de leurs erreurs qui l’avaient affaiblie. Ils veulent remédier à des faiblesses qu’ils ont farouchement tenu à créer. Nous avons toutefois proposé un amendement demandant, sur le conseil des Premières Nations, que la notion de « pêches autochtones » soit clairement définie, entièrement respectée et tienne pleinement compte des droits constitutionnels et issus de traités des Premières Nations.

Avant d’en arriver à la Loi sur la protection des eaux navigables, je voudrais dire quelques mots au sujet de la Loi sur les grains du Canada. Mes propositions d’amendements s’opposent à la suppression du recours à des intervenants indépendants pour examiner les grains canadiens. Le régime d’inspection par un tiers qu’on propose maintenant créerait un conflit d’intérêts entre le secteur privé et les compagnies céréalières. Nous pensons que ce serait une erreur. Le scandale du boeuf chez XL Foods nous a clairement appris qu’il faut absolument que les inspections soient totalement indépendantes.

La plupart de mes propositions d’amendements concernent la Loi sur la protection des eaux navigables. Les conservateurs s’en sont pris à cette loi à trois reprises avec des projets de loi omnibus différents, le premier en 2009. On a remplacé la définition objective de « navigable » par une définition discrétionnaire qui permet au ministre des Transports d’interpréter ce terme comme bon lui semble.

Pas plus tard qu’au printemps dernier, dans le projet de loi C-38, les conservateurs sont une fois de plus revenus à la charge en ce qui concerne la Loi sur la protection des eaux navigables, en excluant précisément les pipelines en tant qu’ouvrages ou entreprises. Ainsi, il n’est plus question des pipelines dans la Loi sur la protection des eaux navigables. Ces nouveaux amendements ne portent certainement pas sur les pipelines, car les conservateurs ont réglé cette question dans le projet de loi C-38.

Ce faisant, le gouvernement s’est attaqué à une loi qui existe depuis 1882, vient directement de la Constitution de notre pays et porte sur la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de navigation. La Loi sur la protection des eaux navigables, qui a été présentée par sir John A. Macdonald, a protégé les droits des Canadiens qui voulaient mettre leur canot ou leur kayak à l’eau, où que ce soit, en leur permettant de se rendre où bon leur semblait. Le droit à la navigation est un droit que tous les Canadiens ont. Or, ce droit est maintenant supplanté en raison d’une histoire fausse qui est véhiculée et selon laquelle la réglementation actuelle imposerait un fardeau administratif beaucoup trop lourd aux gens des municipalités et que cette situation les dérange. Cela signifie donc que nous devons faire sauter la Loi sur la protection des eaux navigables pour pouvoir dire qu’un plan d’eau n’est navigable que lorsqu’il figure à l’annexe de la loi. Ironiquement, 99,5 % des eaux canadiennes qui ne font pas partie de la liste ne sont pas celles situées à proximité des municipalités, des chalets et des endroits où les gens veulent construire des quais, mais bien dans nos réserves naturelles où, sans la Loi sur la protection des eaux navigables, on peut très bien empêcher la navigation pour les Canadiens.

Le gouvernement nous dira qu’il n’y a pas de problème, car il s’agit d’un droit reconnu en common law. Si les gens ont des centaines de milliers de dollars à consacrer à une poursuite et sont prêts à se rendre jusqu’à la Cour suprême pour défendre leur droit d’utiliser un plan d’eau qui ne figure pas dans la liste, ils peuvent le faire. Cependant, en procédant de cette façon, le gouvernement fédéral abdique ses responsabilités en la matière, ce qui est scandaleux, et aucun autre ordre de gouvernement n’a le droit d’intervenir et de prendre la relève.

J’exhorte mes collègues des deux côtés de la Chambre à examiner comme il se doit ces amendements importants.