Auparavant, les «de la vie» voulaient dire l’étude scientifique des organismes vivants et englobaient la biologie, la zoologie, l’écologie et même la bioéthique. Peut-être est-ce un coup de relations publiques, mais les «de la vie» sont de nos jours axées sur une approche presque entièrement commerciale et technologique des OGM et des produits pharmaceutiques.
En ce sens, les «de la vie» sont maintenant à la mode. Tant et si bien que M. Harper apprécie la «de vie» qui consiste à favoriser l’avantage commercial de l’industrie pharmaceutique mondiale alors que lui et ses conservateurs semblent allergiques à toute expérience scientifique qui permet de recueillir des données sur la vie sur terre et d’élargir nos connaissances à cet égard – que ce soit au sujet des écosystèmes d’eau douce (par l’annulation de subventions fédérales à la Région des lacs expérimentaux, de renommée mondiale), de la chimie de l’atmosphère polaire, surtout de l’ozone et des gaz à effet de serre (par la fermeture du Laboratoire de recherche atmosphérique en environnement polaire), ou encore de l’accumulation des produits toxiques chez les mammifères marins (par la suppression du programme de surveillance des contaminants de Pêches et Océans).
Devant l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (l’AECG), désormais négocié de manière accélérée, de nombreux Canadiens craignent que l’AECG ne prolonge la durée des brevets détenus par l’industrie pharmaceutique, ne restreigne le recours aux génériques et ne fasse grimper les prix des médicaments essentiels.
On tente encore de nous faire croire que les accords commerciaux ne portent que sur le commerce. Pas très étonnant. On ose encore accoler le mot «commerciaux» à ces accords. La combinaison de ces deux mots devrait être réservée aux ententes comme l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce conclu en 1947, parmi les derniers accords à vraiment porter sur les échanges commerciaux. Depuis le Cycle d’Uruguay, où l’OMC a été créée, les ententes ont délaissé les tarifs douaniers et les obstacles aux échanges de produits pour reposer essentiellement sur l’intégration améliorée des économies nationales au profit des grandes sociétés. Le désintérêt pour les politiques nationales visant à stimuler la santé de l’économie d’un pays et, au contraire, toute l’aide apportée aux transnationales aux bénéfices sans cesse croissants ressortent nettement dans les dispositions de l’AECG favorables aux grandes sociétés pharmaceutiques.
Les Canadiens déplorent la «crise des soins de santé», et la seule composante qui coûte de plus en plus cher, ce sont les médicaments. Selon l’industrie pharmaceutique, leur prix est «é» par l’énorme somme de ressources investies dans la recherche et par la nécessité d’un retour sur leur investissement. Or, le prix excède largement le coût réel de production d’un médicament, ce qui rend l’argument absurde. D’ailleurs, des études récentes de partout dans le monde réfutent cet argument (Light et coll., «lower drug prices jeopardize drug research: a policy fact sheet», American Journal of Bioethics, 2004.)
Pendant ce temps, la réglementation des produits pharmaceutiques ne sert pas l’intérêt des Canadiens. L’Université de la Colombie-Britannique (www.ti.ubc.ca) a obtenu d’excellents résultats grâce à son Initiative en matière de thérapeutique, qui vaut la peine d’être mise en place dans tout le pays. L’Initiative, à l’approche objective et scientifique, a permis de sauver des vies et de faire des économies. En effet, l’équipe a signalé au gouvernement provincial des médicaments, approuvés par Santé Canada, qui comportaient, selon elle, plus de risques que d’avantages. Grâce à une évaluation faite par l’Initiative, le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas approuvé le Vioxx ni les inhibiteurs de la cholinestérase destinés aux victimes d’Alzheimer. En fait, l’Initiative connaissait un tel succès que les grandes sociétés pharmaceutiques ont exercé des pressions sur le gouvernement pour mettre fin à son financement.
Il faut continuer à faire preuve de rigueur scientifique lors qu’il s’agit de sociétés pharmaceutiques. Celles-ci comptent parmi les plus grands centres de profit du monde, et leur éthique n’est certainement pas blanche comme neige. Enjuillet, GlaxoSmithKline a plaidé coupable à des accusations de fraude et a payé une amende record de 3dollars pour mettre fin à des poursuites du gouvernement américain liées à la promotion illégale du Paxil.
Accorder à l’industrie pharmaceutique le pouvoir de faire grimper les prix des médicaments dessert l’intérêt public, tant au Canada qu’en Europe. L’idée sous-jacente aux négociations actuelles qu’il s’agit là d’un objectif stratégique valable prouve en elle-même combien le bien public n’est plus au centre des politiques publiques.
Lorsqu’on aborde les sciences de la vie, il faut faire valoir une science fondée sur des données probantes pour la protection de la vie. Toute une approche novatrice!