Elizabeth May : Monsieur le Président, les gens qui nous regardent trouveront peut-être curieux que le ministre, sans doute mu par les sentiments que lui inspire la Saint-Valentin, m’ait cédé la moitié de son temps de parole. Les députés trouveront encore plus curieux que le Parti vert soit le seul à voter contre le projet de loi C-15 à l’étape de la troisième lecture, comme il l’a fait à l’étape de la deuxième lecture. Je remercie le ministre de me donner la possibilité d’expliquer notre position.
Je tiens à préciser que le leadership dont le député de Western Arctic a fait preuve à l’égard du projet de loi est exceptionnel. Je ne veux surtout pas laisser entendre que je critique son choix de voter en faveur du projet de loi. La décision de voter contre a été difficile à prendre, et je tiens à expliquer pourquoi mon collègue du Parti vert et moi allons le faire.
La première partie du projet de loi est d’une importance incontestable et nous voterions en sa faveur. Une telle mesure aurait dû être adopté il y a longtemps. Le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest est une bonne chose, comme le ministre l’a mentionné. Le transfert des pouvoirs aux autorités locales a été extrêmement bénéfique pour le Yukon. Il est grand temps que cela se fasse également pour les Territoires du Nord-Ouest.
Par ailleurs, comme la Chambre le sait fort bien, le projet de loi C-15 impose de façon inexplicable aux Premières Nations des changements fondamentaux aux conseils de gestion des eaux et des ressources de la région, et c’est là que le bât blesse.
Je vais faire un bref historique de la question pour montrer que cette mesure devrait littéralement révolter non pas uniquement les habitants des Territoires du Nord-Ouest, mais l’ensemble des Canadiens. Il ne s’agit pas de simples dispositions administratives ou du produit du travail d’une poignée de fonctionnaires qui déterminent ce qu’est un conseil de gestion, ce que sont deux conseils de gestion et quels sont les conseils qu’il faudrait fusionner. Ces conseils de gestion résultent de négociations entre gouvernements. Ils sont le fruit de la structure globale des négociations avec les nations gwich’in, tlicho, du Sahtu et du Wek’eezhii. Ils sont l’aboutissement de négociations de bonne foi entre gouvernements.
Il existe une impressionnante jurisprudence irréfutable et inattaquable de la Cour suprême du Canada disant que les droits des Premières Nations sont des droits inhérents et protégés par la Constitution et que le gouvernement fédéral a la responsabilité fiduciaire de veiller à ce que ces droits ne soient pas lésés. Par conséquent, si un gouvernement souhaite ne pas tenir compte des obligations fixées par traité et veut réécrire unilatéralement les accords en vigueur depuis un certain temps, on en arrive à penser qu’une crise quelconque le force à agir à l’encontre de la loi et à faire fi des décisions de la Cour suprême dans les affaires Haida, Delgamuukw et Marshall. Il est rare, dans n’importe quel domaine du droit, qu’on voie tant d’affaires dont les conclusions convergent, à savoir que les droits des Premières Nations ne sont pas facultatifs, mais fondamentaux, pour elles. Ils sont inscrits dans la Constitution. La Couronne est tenue de protéger les droits et les traités et de veiller à ce que les Premières Nations soient suffisamment consultées, surtout lorsqu’il s’agit de mise en valeur de ressources.
C’est en cela que je trouve ce projet de loi si décevant. Rien n’indique que quelque chose cloche dans le fonctionnement actuel des offices. En fait, c’est tout le contraire. Un grand nombre de personnes qui ont comparu devant le comité chargé d’étudier le projet de loi C-15 ont dit que le seul indice visible a trait à la rapidité et à la prévisibilité du processus d’approbation des permis par les offices, processus que cette mesure législative va défaire, et que ces offices ont toujours été plus prévisibles, plus rapides et plus efficients que les autres offices de ce type dans la région. En d’autres termes, si l’industrie veut de la prévisibilité et veut savoir que ses demandes seront traitées promptement, le mieux est de ne rien changer.
Ce qui est proposé revient à défaire un système qui fonctionne, ce qui engendrera des délais plus longs et un climat imprévisible pour les demandes de toutes sortes liées aux ressources.C’est aussi fondamentalement une insulte et je ne trouve pas d’autre mot qu’« insulte » pour qualifier l’idée que la Couronne négocie de bonne foi.
Le budget a été déposé aux Communes cette semaine. À la page 163, il y est indiqué que le gouvernement a nommé récemment M. Douglas Eyford représentant spécial dans un dossier qui touche grandement ma circonscription: les pipelines que l’on propose de construire et les pétroliers qui navigueraient sur la côte Ouest. La plupart des Premières Nations susceptibles d’être touchées par ce projet s’y opposent. Le budget dit ceci:
Le gouvernement a diffusé le rapport final du représentant fédéral spécial et examine attentivement les recommandations que celui-ci a formulées dans les quatre domaines suivants: établir la confiance, favoriser l’inclusion, faire avancer la réconciliation et prendre des mesures. |
Jusqu’où le gouvernement est-il capable d’aller dans la duplicité? Le premier ministre n’avait pas besoin de donner un mandat à M. Doug Eyford pour savoir quels sont les droits des Premières Nations au pays. Ce sont des droits enchâssés dans la Constitution. Il existe une relation directe avec la Couronne qui, dans certains cas, remonte à des siècles et, dans tous les cas, à plusieurs décennies au moins. La loi ne manque pas de clarté.
Comme c’était à prévoir, M. Eyford a dit au gouvernement ce que les gens savent déjà, à savoir que nous ne pouvons pas ignorer les Premières Nations. Nous ne pouvons pas autoriser des projets en invoquant une prétendue consultation, alors que nous n’avons fait que tenir des réunions où les Premières Nations ont exprimé leur désaccord total.
Mais il est encore plus choquant de voir que la seule recommandation jamais formulée qui va dans le sens de l’élimination des offices régionaux provient d’un rapport publié il y a un certain temps que l’on appelle généralement le rapport McCrank. L’une des recommandations faites par M. McCrank consiste à restructurer le système des offices. Les Premières Nations se sont immédiatement opposées à cette recommandation, ce qui n’a pas empêché le gouvernement de l’appliquer en premier lieu, plutôt que d’autres recommandations. Le rapport McCrank précise en outre ceci:
[…] une restructuration en profondeur […] exigerait que toutes les parties acceptent d’apporter des modifications aux ententes sur les revendications territoriales globales […] |
Autrement dit, la recommandation sur laquelle reposent les parties controversées et inacceptables du projet de loi C-15 a été formulée par un homme qui comprenait, comme il l’a indiqué dans le corps de son rapport, que cette recommandation ne devait pas être appliquée sans l’assentiment des Premières Nations.
Les offices sont le fruit des négociations sur les revendications territoriales et ils représentent le bon travail accompli par la Couronne. Nous ne devrions pas adopter ultérieurement un projet de loi comme le projet de loi C-15 et procéder à un démantèlement en dépit de l’opposition claire des Tlichos, c’est-à-dire des membres des Premières Nations locales. En réalité, les offices ont bien fonctionné jusqu’ici.
Je voudrais citer un extrait d’une lettre envoyée l’automne dernier au ministère par le gouvernement tlicho. Elle précise très clairement ce qui se produira si le projet de loi C-15 est adopté. Les auteurs écrivent que le scénario ne serait plus le même une fois modifiée la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie:
Le lien établi entre les Premières Nations et les offices régionaux serait considérablement amoindri sous l’égide d’un office plus vaste. Des demandes supplémentaires de consultation et d’évaluation environnementale, et même des révisions judiciaires des décisions du nouvel office devant les tribunaux, deviendraient vraisemblablement la norme, ce qui compromettrait encore davantage la prévisibilité et la rapidité du système. |
C’est ici que cela devient incompréhensible. On nous a dit qu’un certain nombre de groupes de l’industrie ont eux-mêmes informé le gouvernement qu’ils n’avaient rien contre le fonctionnement de l’actuel système d’offices. En fait, ils en ont fait l’éloge. Les preuves concrètes — et rien de plus ne laisse entendre qu’il y a un quelconque différend à ce sujet — démontrent que le système actuel fonctionne. Il est rapide et efficace. Par ailleurs, il respecte les Premières Nations à qui appartiennent les territoires où les projets d’exploitations seraient entrepris.
Le ministre a cité des sociétés du secteur de l’extraction de diamants, qui disent vouloir accélérer le processus. Je n’ai rien entendu de la part d’aucun groupe de l’industrie qui laisse entendre qu’il y a un manque de confiance envers le fonctionnement du régime actuel. Si de grands promoteurs ont exercé des pressions dans les coulisses parce qu’ils ne veulent pas prendre le temps de respecter les Premières Nations, le gouvernement n’a pas le choix, il est du devoir du premier ministre de les envoyer promener. Aux termes de la loi, le gouvernement a l’obligation — la responsabilité fiduciaire — de protéger les droits des Premières Nations, pas de les saboter comme le ferait le projet de loi C-15.
Bernard Valcourt : Monsieur le Président, j’ai écouté attentivement la députée, et je suis déçu de l’entendre dire qu’elle votera contre cette mesure législative historique qui vise à transférer des pouvoirs aux habitants du Nord qui vivent dans ce territoire.
J’aimerais demander à la députée comment elle peut se prononcer contre ce projet de loi. Certes, elle fait souvent des déclarations maladroites, mais comment peut-elle affirmer, en toute honnêteté intellectuelle, que cette mesure législative viole les traités que sont l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu ainsi que l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in et l’Accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho?
Ces traités permettent expressément la mise en place de la mesure législative à l’étude aujourd’hui. Le paragraphe 25.4.6 (a) de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu, l’article 24.4.6 de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in et l’article 22 de l’accord tlicho prévoient expressément que, lorsqu’un autre Office des terres et des eaux a compétence, par voie législative, sur une région plus vaste…
Puisque cette disposition est déjà prévue dans les traités, comment la députée peut-être prétendre à la Chambre, devant tous les Canadiens, que cette mesure législative viole nos obligations en vertu de ces traités ainsi que l’article 35? Je crois…
The Acting Speaker (Mr. Bruce Stanton) : À l’ordre, s’il vous plaît. La députée de Saanich—Gulf Islands a la parole.
Elizabeth May : Monsieur le Président, ai-je entendu du langage non parlementaire à la fin de la question?
The Acting Speaker (Mr. Bruce Stanton) : Je n’ai pas entendu de langage non parlementaire.
Elizabeth May : Monsieur le Président, je crois avoir entendu le mot « malhonnête », mais je peux me tromper.
Mon intervention ne sera pas fondée sur ma propre opinion, mais plutôt sur les propos des Premières Nations. Pour répondre à la question du ministre, je lui demanderai à mon tour comment il peut approuver le projet de loi C-15, alors que Bertha Rabesca Zoe, qui a pour titre gardienne de la loi du gouvernement tlicho, a dit ce qui suit à son sujet:
On ne tient compte ni de notre avis, ni de nos intérêts, et, s’ils sont mis en oeuvre, les changements proposés au régime de réglementation compromettront fondamentalement l’équilibre atteint dans l’accord tlicho concernant la façon dont nous pourrons nous prononcer sur la question la plus importante, c’est-à-dire l’utilisation qui sera faite de nos terres et les effets de celle-ci sur notre mode de vie. |
Je lis ses propos et je vois une cause devant les tribunaux à venir. La prise en compte des intérêts est une exigence de la loi. Le gouvernement conservateur ouvre la porte au chaos dans le domaine du développement des ressources. Alors qu’il dit vouloir paver la voie à l’avenir, il a confié le travail à une équipe de démolisseurs.
Phillip Toone : Monsieur le Président, j’ai écouté attentivement le discours de ma collègue de Saanich—Gulf Islands, que j’ai trouvé très intéressant.
De toute évidence, certains points méritent notre attention. J’aimerais lui poser une question, pour donner suite à ce que le ministre a proposé. Je pense également qu’il aurait dû le dire de manière plus respectueuse.
Comme on le sait, la Cour suprême a dit à maintes reprises que le gouvernement fédéral a non seulement l’obligation de consulter les Premières Nations, mais aussi de les accommoder. À mon avis, c’est ce qui manque ici. Il y a eu des consultations, mais l’accommodement ne semble pas tout à fait à la hauteur de ce que la Cour suprême exige du gouvernement.
J’aimerais que ma collègue donne ses interprétations des jugements de la Cour suprême. L’obligation de consulter les Premières Nations est-elle vraiment respectée?
Elizabeth May : Monsieur le Président, j’ai écouté attentivement le discours de ma collègue de Saanich—Gulf Islands, que j’ai trouvé très intéressant.
De toute évidence, certains points méritent notre attention. J’aimerais lui poser une question, pour donner suite à ce que le ministre a proposé. Je pense également qu’il aurait dû le dire de manière plus respectueuse.
Comme on le sait, la Cour suprême a dit à maintes reprises que le gouvernement fédéral a non seulement l’obligation de consulter les Premières Nations, mais aussi de les accommoder. À mon avis, c’est ce qui manque ici. Il y a eu des consultations, mais l’accommodement ne semble pas tout à fait à la hauteur de ce que la Cour suprême exige du gouvernement.
J’aimerais que ma collègue donne ses interprétations des jugements de la Cour suprême. L’obligation de consulter les Premières Nations est-elle vraiment respectée?
Phillip Toone : Monsieur le Président, j’aimerais signaler que je partagerai mon temps de parole avec le député de Manicouagan.
Je me lève aujourd’hui pour débattre du projet de loi C-15 à l’étape de la troisième lecture. C’est certainement un honneur d’être capable d’exprimer les idées de mes concitoyens et de mon parti au sujet de ce projet de loi.
Nous y avons travaillé très fort à l’étape de la deuxième lecture en comité et à l’étape du rapport à la Chambre des communes. Nous sommes maintenant à l’étape de la troisième lecture, et nous avons souligné à maintes reprises qu’il y avait des lacunes dans ce projet de loi.
Par contre, il contient des éléments vraiment très intéressants. On aurait dû faire la dévolution du pouvoir depuis longtemps, par exemple. Je suis très content que ce projet de loi permettra finalement aux gens des Territoires du Nord-Ouest d’avoir les droits qu’on tient pour acquis dans les provinces. Le fait qu’ils pourront partager de la richesse beaucoup plus directement qu’avant le dépôt ce projet de loi est une raison de célébrer.
Je me servirai des mots d’un intervenant pour souligner un aspect du projet de loi. Il s’agit du président du Conseil tribal des Gwich’in, M. Robert Alexie Jr. Je vais le dire en anglais, car je pense que ça s’exprime mieux dans ses propres mots.
Il a dit: « Nous n’avons pas à craindre le transfert des responsabilités. C’est un nouveau départ. » Il a parfaitement raison. C’est une période excitante pour la population des Territoires du Nord-Ouest, car c’est un moment qu’elle attendait depuis longtemps.
Il n’y a pas eu de transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest depuis des décennies. La dernière fois, c’était dans les années 1980, dans le cadre d’un accord qui transférait des compétences en matière d’éducation, de soins de santé, de transport et de ressources renouvelables, soit le bois et la faune. Nous leur avions transféré certains pouvoirs. On se disait alors que les Territoires du Nord-Ouest n’étaient pas vraiment outillés pour assumer un transfert des responsabilités, bref, qu’ils n’étaient pas prêts. Bien franchement, à ma connaissance, déjà à l’époque, ils étaient fin prêts. Mais le gouvernement fédéral encaissait allègrement une grande partie des recettes provenant de l’exploitation des ressources naturelles.
Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui résoudrait en grande partie ce problème. Les Territoires du Nord-Ouest toucheraient maintenant 50 % des redevances liées à l’exploration minière et aux autres activités d’exploration au sol qui seront réalisées. Il y a de quoi se réjouir. Le ministre lui-même a dit que ce serait le prélude à une plus grande prospérité économique pour les Territoires du Nord-Ouest, et il a probablement raison.
Cependant, le ministre a fait certaines déclarations qui ne sont pas vraiment à la hauteur des attentes. Parce qu’il a discuté avec des sociétés, il a dit qu’elles veulent du changement le plus vite possible, qu’elles ont réclamé non seulement le transfert de responsabilités, mais aussi des modifications aux offices de gestion des eaux. C’est là que le bât blesse. Cet aspect du projet de loi pose de graves difficultés. Je trouve odieux que le gouvernement fédéral, sachant qu’il a l’obligation de consulter et d’accommoder, me dise que le projet de loi est d’autant plus important que la Dominion Diamond Corporation réclame son adoption. C’est certainement un aspect important, mais il faut également noter que bien des Premières Nations nous ont dit à maintes reprises que les offices de gestion des eaux fonctionnent parfaitement, et qu’elles aimeraient qu’ils restent tels qu’ils sont. Ce projet de loi les modifierait, et c’est un manque de respect envers ces Premières Nations.
Je crois que le gouvernement n’a pas respecté les instructions que nous donne la Cour suprême. Je ne crois pas que les conservateurs comprennent parfaitement ce que la Cour suprême a dit à plusieurs reprises: l’obligation de consulter ne consiste pas seulement à créer une page Web et à entendre des gens; encore faut-il les écouter et trouver la meilleure façon de les accommoder.
Même des sociétés ont dit que les offices de gestion des eaux actuels sont bénéfiques. Les modifications proposées par les conservateurs sont souvent des cadeaux empoisonnés. Ils proposent des changements en disant aux sociétés qu’ils faciliteraient l’exploration et favoriseraient la prospérité et la croissance économiques, ce qui n’est pas nécessairement vrai.
Le fait est que nous devons atteindre un consensus sur le terrain. Nous devons répondre aux besoins des habitants des Territoires du Nord-Ouest. Ce sont leurs terres et leurs ressources, et c’est à eux de décider comment les exploiter et de nous dire comment nous devrions contribuer à leur prospérité économique. Il est paternaliste au plus haut point de la part de la Chambre des communes de dire constamment aux habitants d’autres régions du pays comment faire leur travail, surtout dans des domaines qui relèvent de leur compétence.
L’exemple le plus récent est le budget. Le gouvernement fédéral ne veut tout simplement pas négocier avec les provinces un programme d’emplois, un programme de formation professionnelle qui leur convient. Le gouvernement leur dit plutôt que c’est à prendre ou à laisser parce qu’il sait mieux que quiconque ce qui est bon. Il y a une raison qui explique la séparation des pouvoirs dans ce pays, et c’est que les gens sur le terrain savent généralement ce qui leur convient le mieux. Nous devrions les aider à tirer parti de leur connaissance du terrain plutôt que de leur imposer nos points de vue idéologiques. Malheureusement, le gouvernement semble toujours penser que l’idéologie l’emporte sur tout le reste. Ce n’est pas la voie à emprunter.
Cela dit, les avantages du transfert des responsabilités sont clairs. Les gens sur place tireront de nombreux avantages de la mesure législative, qui répondra aux besoins de la population ainsi qu’aux demandes qui nous ont été présentées année après année. Nous sommes maintenant en mesure d’aller de l’avant en ce qui concerne certains éléments. D’ailleurs, ce sont ceux que nous devons appuyer dans le projet de loi.
Nous savons que les Territoires du Nord-Ouest sont les mieux placés pour savoir comment gérer leurs ressources. Ce projet de loi les aidera dans une grande mesure à gérer ces ressources, à profiter des avantages connexes et à attirer les projets d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles qu’ils réclament, sans qu’il soit nécessaire de s’adresser à Ottawa pour que des modifications soient apportées en leur nom. La plupart des Canadiens tiennent pour acquis que les territoires seraient en mesure de prendre ces décisions eux-mêmes. À l’échelle locale et provinciale, c’est de cette façon que nous fonctionnons au quotidien. Par contre, les territoires, comme les Territoires du Nord-Ouest, n’ont pas encore ce privilège, ce qui est déplorable. Le projet de loi remédierait à la situation, ce dont je me réjouis.
La Chambre doit être en faveur du transfert des responsabilités. Il est important d’appuyer la mesure législative à cette étape, même si nous savons très bien qu’elle comporte certaines lacunes, et de poursuivre le dialogue avec les Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest.
Il y a encore beaucoup à faire. Les propositions que les néo-démocrates ont faites lors de l’étude en comité ont été rejetées. Les idées que nous avons présentées à la Chambre des communes, donc à l’ensemble des députés, ont aussi été rejetées. Il faut établir un réel dialogue. Le gouvernement fédéral ne peut pas continuer d’imposer son point de vue aux territoires, car cette façon de faire n’assurera pas leur réussite à long terme. Les territoires connaissent la voie à suivre bien mieux que nous.
En ce qui concerne les offices de gestion des eaux, j’aimerais citer Jake Heron, un représentant de la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, qui a dit ceci:
C’est très frustrant: vous êtes à la table des négociations et vous pensez participer au processus, mais vous découvrez que personne ne prend vos intérêts au sérieux. |
On ne devrait pas entendre de commentaires de ce genre. Les commentaires devraient plutôt confirmer que le travail se fait en partenariat et que le gouvernement mène des consultations approfondies et respectueuses auprès des Premières Nations. La réalité semble très éloignée de cet idéal, dans bien des cas.
La députée de Saanich—Gulf Islands, qui a pris la parole avant moi, a très bien illustré ce problème quand elle a parlé des remarques de Mme Zoe. J’aimerais aussi citer un député provincial de cette région, Bob Bromley, qui a dit ceci:
La proposition du gouvernement fédéral de fusionner les offices des terres et des eaux pour former un seul grand office est inquiétante, inutile et probablement inconstitutionnelle. [La formation d’un] seul office n’apporte pas de solution au problème réel: l’échec de la mise en oeuvre. |
Ces paroles m’inquiètent grandement. Nous ne devrions pas donner suite à cette disposition du projet de loi, car nous savons très bien qu’elle suscite une vive opposition dans les Territoires du Nord-Ouest.
Le transfert des responsabilités marque une étape importante, qui a déjà trop tardé. Nous devons agir. Nous devons aller de l’avant. Je me réjouis que le projet de loi fasse progresser cet enjeu important, mais je préférerais qu’il ne renferme pas de cadeaux empoisonnés.
Elizabeth May : Monsieur le Président, je remercie le député de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine encore une fois de voir clair dans ce dossier. Je crois que quiconque examine le projet de loi conviendra que les dispositions qui éliminent les offices régionaux sont en violation des décisions de la Cour suprême et des principes de négociation de traités. Je trouve cela extrêmement choquant.
Je ne saurais expliquer cette décision autrement que par l’existence d’un genre de lobbying exercé en coulisses par de grandes entreprises qui, n’étant pas présentes dans le secteur jusqu’à maintenant et n’ayant donc jamais travaillé avec les offices, trouvent que ces derniers semblent compliquer les choses. Je ne vois pas de raison valide reposant sur des faits pour expliquer la volonté du gouvernement de faire adopter ces changements de force en même temps que les parties de la mesure législative qui concernent le transfert des responsabilités, que nous appuierions tous.
Le député est-il en mesure d’expliquer pourquoi nous nous trouvons en présence d’un projet de loi si affreux et plein de « cadeaux empoisonnés », comme il le dit si bien.