Elizabeth May (Saanich—Gulf Islands)
2021-06-08 10:36 [p.8068]
Monsieur le Président, je vous remercie d’avoir présenté ma demande et je remercie tous mes collègues de me donner l’occasion de parler de cette horrible tragédie.
Assalam alaikum.
Je commencerai par ces paroles: « Nous avons le coeur brisé, et nous sommes abasourdis. » Ces paroles pourraient avoir été dites par tous les Canadiens, mais elles ont été prononcées par Omar Khamissa, responsable de l’engagement communautaire pour le Conseil national des musulmans canadiens.
Je veux dire à tous les membres du Conseil et à toutes les personnes qui se rendent régulièrement au Centre islamique du Sud-Ouest de l’Ontario que j’ai eu le grand honneur de rencontrer des imams, de discuter du véritable esprit islamique et de parler de l’énorme contribution qu’apporte la communauté musulmane au Canada.
La communauté et les familles musulmanes font partie intégrante de notre pays. Nous formons une famille partout au Canada. C’est un moment de grande tristesse sans pareil.
C’est ce que nous disons chaque fois qu’une situation comme celle-là se produit. J’ai entendu des propos de la sorte venant des députés, du premier ministre, du chef de l’opposition officielle, du chef du Bloc québécois et du chef du Nouveau Parti démocratique, qui ont livré un discours poignant pour nous rappeler à quel point notre société n’est pas celle que nous croyons.
Nous nous regardons dans le miroir depuis un certain temps déjà, et il est difficile d’aimer ce que nous voyons, particulièrement lorsque Kukpi7 Rosanne Casimir a annoncé la découverte de 215 enfants qui sont morts depuis longtemps, mais pas si longtemps que cela. Il s’agit des corps de petits enfants enterrés au pensionnat autochtone de Kamloops.
Cette tragédie nous rappelle notre solidarité. Beaucoup d’entre nous ici à la Chambre se souviendront d’avoir affronté le froid glacial de Québec, en 2017, pour se tenir aux côtés de la communauté islamique de cette ville, après la fusillade de la mosquée de Québec, et pour dire « plus jamais ».
Alors que nous unissons de nouveau nos voix pour appeler la société à faire mieux, je ne peux m’empêcher de penser à la députée de Mississauga—Erin Mills et à sa motion M-103. Je pense au courage dont elle a fait preuve, car je sais qu’elle a été prise pour cible. Elle a reçu d’horribles messages après avoir dit qu’il fallait faire quelque chose contre l’islamophobie, l’antisémitisme et toutes les formes de haine. Nous devons faire un examen de conscience et réfléchir à ce que nous allons faire.
Lorsqu’ils ont été saisis de la motion M-103, nombre de députés ont été exposés à l’islamophobie. Même si je sais que ce sont des gens aimables, j’ai dû répondre par écrit à bon nombre de résidants de ma circonscription pour leur dire qu’il y avait un malentendu et que la motion M-103 ne visait pas à élever l’islam au-dessus du christianisme.
C’est ce qu’ils craignaient. J’ai dû expliquer que l’adoption de la motion M-103 ne voulait pas dire que le Canada allait adopter la charia. Il y avait autre chose qui se cachait sous la surface. En effet, des gens de ma circonscription m’ont envoyé des liens vers des sites Web où on trouvait des nouvelles qu’ils m’ont demandé de lire et qui disaient que la motion M-103 ferait tout ce que je viens de mentionner.
J’aurais dû prendre des notes, hier, lorsque le ministre du Patrimoine, dans son témoignage devant le comité de l’éthique, a énuméré une série de statistiques sur le nombre de crimes haineux alimentés par une montée de la haine en ligne, ainsi que sur le nombre de chefs de police qui signalent une augmentation de la radicalisation et de l’incitation à la haine envers des personnes en raison de leur foi ou de la couleur de leur peau.
Je n’arrive pas à comprendre. Bien sûr, je suis l’ancienne cheffe du Parti vert, et notre cheffe actuelle a exprimé une profonde tristesse en notre nom à tous. Cela dit, je crois que nous devrions tous, à titre d’élus, prendre un instant pour écouter et peut-être inviter tout simplement des membres de la communauté islamique à venir nous parler. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la magnifique collectivité de London. J’ai eu l’honneur d’y passer beaucoup de temps.
Je tiens à offrir mes condoléances à notre ancien collègue, qui a été député de London-Ouest avant d’être le maire de London. J’offre aussi mes condoléances à la députée actuelle de London-Ouest, à la députée de London—Fanshawe, au député de London-Centre-Nord et à tous les députés qui sont touchés personnellement par cette tragédie. Je sais qu’ils ont le cœur brisé et qu’ils n’arrivent pas à comprendre comment cela a pu se produire dans leur collectivité. Je n’y arrive pas non plus.
Tout ce que je sais, c’est qu’en tant que Canadiens, nous pouvons faire beaucoup, beaucoup mieux que cela. Il faut commencer par reconnaître que quelque chose cloche si nous laissons la possibilité à des gens d’être rongés par une haine féroce qui les amène, avec préméditation selon la police, à vouloir décimer une belle famille qu’ils voient se promener un dimanche.
Notre pays ne pourra jamais exprimer au jeune Fayez combien nous sommes désolés, combien nous espérons qu’il se remettra et combien nous pleurons la perte des membres de sa famille, la famille Afzaal.
Cela dit, je ne crois pas que nous, politiciens, puissions prétendre que nous avons des réponses, mais je suis d’accord avec le chef du Nouveau Parti démocratique pour dire que si un parti politique essaie une fois de plus de nous diviser sur le port du hijab, nous devons les dénoncer.
Nous devons veiller à dire à toutes les communautés islamiques de notre pays que nous leur demandons pardon du fond de notre cœur pour avoir laissé croître cette haine parmi nous; que nous les aimons; que nous nous préoccupons de leur sort, autant que de celui des autres membres de la famille humaine qui est si profondément anéantie. Nous avons le cœur brisé, et nous sommes abasourdis.