Procédure et affaires de la Chambre

Elizabeth May : Monsieur le Président, c’est un réel plaisir de prendre part à la discussion sur le rapport déposé récemment par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

D’entrée de jeu, je tiens à remercier tous les partis politiques reconnus d’avoir pris une initiative sans précédent, du moins qui semble sans précédent à la lumière de mes recherches. À la fin de la session, fin juin, alors que nous discutions de la possibilité d’ajourner nos travaux plus tôt que prévu, le député de Regina—Lumsden—Lake Centre a négocié au nom des conservateurs avec le leader de l’opposition officielle, et ainsi de suite, et ils ont accepté la proposition que je leur ai soumise.

Le fait que les partis comptant moins de 12 députés, tels que le Bloc québécois et le Parti vert, ne sont pas représentés au Bureau de régie interne pose un réel problème pour ces députés. Les députés indépendants, qui ne sont associés à aucun parti politique, dont le député de Thunder Bay—Superior-Nord, le député d’Edmonton—St. Albert et la députée d’Ahuntsic, sont également concernés. Ainsi, nous ne savons pas plus que les journalistes et le public en général ce qui se passe au Bureau de régie interne.

Les membres des caucus des trois plus grands partis, soit les caucus conservateur, néo-démocrate et libéral respectivement, peuvent être mis au fait de ce qui se passe lors des réunions à huis clos. Par contre, les députés représentant de plus petits partis ou siégeant comme indépendants ignorent totalement ce qui s’y dit et la façon dont les décisions y sont prises.

Or, ensemble, nous avons pu faire quelque chose d’assez remarquable, et je tiens à en remercier les députés des partis reconnus. Nous avons eu l’autorisation de participer aux audiences et aux discussions du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre portant sur le Bureau de régie interne. Nous avons ensuite pu déposer notre propre rapport. Encore une fois, il s’agit là d’un exploit puisque le Bloc québécois et le Parti vert ainsi que les députés d’Ahuntsic, d’Edmonton—St. Albert et de Thunder Bay—Superior-Nord ne sont pas toujours d’accord, mais ont néanmoins pu s’entendre sur des aspects importants. Le député d’Edmonton—St. Albert a exprimé son désaccord sur un seul point.

Notre rapport est présenté en annexe. Voici, en somme, quelle est notre opinion.

Nous estimons que le statu quo est inacceptable. Nous pensons que le public canadien n’est plus disposé à accepter que certaines choses se fassent en catimini sans que le public puisse connaître les décisions prises. La population a le droit de s’attendre à une reddition de comptes complète, à une transparence totale et à une bonne gouvernance de notre part.

En ce qui me concerne, j’affiche toutes mes dépenses en ligne depuis que j’ai eu l’honneur d’être élue pour représenter la circonscription de Saanich—Gulf Islands. C’est ce qui doit se faire. Je sais que certains, ici, disent qu’il faut établir l’uniformité. Ce rapport présenté par les partis plus petits et les députés indépendants présente une solution dont j’aimerais parler.

Nous pensons qu’il faut « démocratiser » le processus, car c’est essentiellement ce qui ressort des propos de l’ancien Président de la Chambre, l’honorable John Fraser, et de la greffière actuelle, Audrey O’Brien. Nous divergeons cependant d’opinion sur la façon d’y parvenir.

Rob Walsh, ancien légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, suggérait qu’on démocratise le Bureau de régie interne en y nommant un membre du public. Pourquoi ne pas commencer par y avoir un représentant du groupe formé par les députés indépendants, et ceux du Bloc québécois et du Parti vert?

Nous avons été élus et, pourtant, nous n’avons aucunement accès au Bureau de régie interne. En fait, quand celui-ci prend une décision à huis clos, nous l’apprenons, mais nous ne connaissons rien du processus de réflexion qui a eu lieu, des autres solutions examinées ni de ce qui a motivé le choix du bureau.

Nous pensons également qu’il serait bien avisé de continuer à travailler avec le vérificateur général pour trouver des manières de divulguer davantage de renseignements. La façon la plus évidente de communiquer toute l’information en toute transparence est de s’adresser à l’Administration de la Chambre.

L’administration de la Chambre ne peut rembourser les dépenses des députés que si on lui a fourni des reçus originaux. Par conséquent, il n’est pas compliqué de dresser un bilan des dépenses des députés. L’administration de la Chambre doit disposer de cette information pour nous rembourser, et elle serait simplement tenue de l’afficher en ligne.

Les députés concernés sont toutefois d’accord avec Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée, pour exclure certains renseignements. À notre avis, les renseignements personnels des électeurs et des particuliers qui nous rencontrent ne devraient pas être rendus publics. Bien évidemment, le lobbying est déjà couvert par la Loi sur le lobbying. Nous voulons simplement protéger les renseignements personnels des gens qui rencontrent leur député et qui ne voudraient pas que leur nom figure dans ses déclarations de dépenses, qui doivent être faites en bonne et due forme. C’est une question qui commence à faire consensus.

Il y a également la contribution du Parti vert au rapport. C’est la seule chose à laquelle le député d’Edmonton—St. Albert, qui est vraiment honorable, s’est opposé, ce que j’accepte. Je suis très heureuse que le Bloc québécois, le député de Thunder Bay—Superior-Nord et la députée d’Ahuntsic m’aient appuyée.

Le Bureau de régie interne ne s’intéresse pas seulement à nos dépenses et aux questions de financement. Il gouverne également notre institution. C’est lui qui déploie des initiatives comme « La Colline verte » lancée par John Fraser, un ancien Président de la Chambre. Sous la direction de M. Fraser, on a interdit l’utilisation d’herbicides sur les pelouses et on a adopté une règle interdisant de laisser tourner le moteur de son véhicule sur la Colline et une autre règle exigeant que seul du papier recyclé post-consommation à 100 % soit utilisé à la Chambre. Ces règles commencent à être moins respectées, mais je ne sais pas trop pourquoi. Les gens laissent tourner le moteur de leur véhicule sur la Colline tout le temps et on n’utilise plus toujours du papier recyclé post-consommation à 100 %. Les députés devraient avoir des moyens de faire connaître leurs opinions et d’insister que l’on respecte une norme de rendement écologique plus élevée sur la Colline.

Ce qui me préoccupe aussi, c’est la question de la responsabilité sociale. Quel genre d’employeur sommes-nous? Je crois que la plupart des députés seront surpris d’apprendre qu’une bonne partie des personnes qui travaillent pour nous sont faiblement rémunérées et qu’en plus, leur emploi est très précaire. Prenons comme exemple le personnel qui assure le service dans les cafétérias et la salle à manger, ou encore les chauffeurs. Lorsque nous ne sommes pas ici, ils sont mis à pied. Ils n’ont aucune sécurité d’emploi et pourtant, on s’attend à ce qu’ils reviennent. On s’attend à ce qu’ils soient à leur poste lorsque la Chambre reprend ses travaux. Tout comme les travailleurs saisonniers à l’échelle du Canada, ils sont désavantagés par les changements apportés à la Loi sur l’assurance-emploi. Ils ont beaucoup de difficulté à recevoir des prestations d’assurance-emploi. On les met à pied à Noël, pour l’amour du Ciel. Cette situation m’attriste beaucoup, mais je n’ai aucune façon d’intervenir dans le processus décisionnel si je ne peux pas me présenter devant le Bureau de régie interne pour contester la façon actuelle de faire les choses. C’est le bureau qui prend les décisions.

Nous croyons que nous devrions maintenir le Bureau de régie interne, mais qu’il faudrait l’améliorer. Nous devrions envisager de prendre exemple sur le Parlement du Royaume-Uni et en faire un organisme indépendant. Mais, concentrons-nous pour l’instant sur les améliorations que nous pouvons apporter en accroissant la transparence et la responsabilité du bureau ainsi qu’en faisant en sorte qu’il soit accessible à l’ensemble des députés, afin que tous puissent comprendre le comment et le pourquoi de la façon dont les activités de la Chambre des communes sont régies. À cette fin, nous devons obliger le bureau à faire preuve d’une plus grande transparence en ce qui concerne nos dépenses, mais également à offrir la possibilité à tous les députés de savoir ce qui se passe, de faire des présentations devant le bureau et de participer le plus pleinement possible à ses activités, dans la mesure où cela ne nuit pas à la gestion efficace de la Chambre.

Encore une fois, je suis redevable au député de Regina—Lumsden—Lake Centre, je remercie tous les partis reconnus à la Chambre — les conservateurs, les libéraux et les néo-démocrates — et je suis particulièrement reconnaissante envers le président du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre d’avoir accepté ce processus novateur qui a permis aux députés dans ma situation de participer activement aux audiences sur la question et à l’élaboration du rapport.