Modifications proposées au Règlement désignant les activités concrètes pris en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)

Monsieur John McCauley
Directeur, Affaires législatives et réglementaires
Agence canadienne d’évaluation environnementale
160, rue Elgin, 22e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Objet : Modifications proposées au Règlement désignant les activités concrètes pris en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)

Le 20 mai 2013

Monsieur le Directeur,

Les observations qui suivent se veulent une réponse à la demande du gouvernement de présenter des observations sur le Règlement modifiant le Règlement désignant les activités concrètes pris en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) (LCEE 2012) et publié le 20 avril 2013 dans la Partie I : Avis et règlements projetés de la Gazette du Canada, vol. 147, no 16.

Avant de présenter des observations sur la nature des changements proposés, j’aimerais reprendre les opinions exprimées par des groupes environnementalistes et d’autres parties intéressées sur la gestion des conservateurs, qui font totalement fi de la participation de la population et des parlementaires au nouveau cadre législatif régissant l’évaluation environnementale. La LCEE 2012 et son règlement actuel sont entrés en vigueur le 6 juillet 2012. Ce n’est qu’après la promulgation du règlement que le gouvernement a demandé la présentation d’observations, excluant ainsi toute participation significative de la population à sa conception. Cette méthode discutable n’a fait que traduire et amplifier la manière terriblement antidémocratique et autoritaire avec laquelle la nouvelle loi, enfouie dans le projet de loi omnibus de mise en œuvre du budget de 425 pages, a été adoptée à toute vapeur par le Parlement. À titre de députée et de chef du Parti vert, je me suis opposée à l’abrogation de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et à son remplacement par le tout nouveau régime fédéral d’évaluation de l’environnement que propose le projet de loi C-38. Cependant, dans les circonstances, je me suis efforcée de bonne foi d’en corriger les lacunes. Des 302 amendements substantiels et axés sur les politiques que j’ai rédigés, plus d’une centaine visait à améliorer la Loi de 2012. Malgré le fait que j’ai tenu compte des objectifs déclarés du pouvoir exécutif, conservant les nouveaux échéanciers des examens de projet, aucun de mes amendements n’a été examiné par le gouvernement.

Il est écrit, dans le résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagne le projet de modifications, que « le Règlement doit être élaboré en tenant compte de la structure de la LCEE 2012 ». Malheureusement, cette banale déclaration de statu quo évoque à peine la gravité de la situation. Dans le résumé, l’analyse de l’atteinte d’un « équilibre » entre les projets figurant au règlement qui sont peu susceptibles d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants et ceux qui sont plus susceptibles d’entraîner de tels effets ne tient pas compte de la portée fortement restreinte ni de la nature compromise de la nouvelle loi. Aux termes de celle-ci, les effets environnementaux sont limités aux effets sur les poissons, les espèces aquatiques définies à la Loi sur les espèces en péril et les oiseaux migrateurs. Comme M. Robert Gibson de l’Université de Waterloo le fait remarquer, « la définition étroite du terme “effets environnementaux” et l’accent mis sur des aspects particuliers du mandat fédéral signifient que, même dans le cas où il y a des effets environnementaux négatifs importants, ceux-ci ne représenteraient qu’une fraction des répercussions sur le milieu naturel du projet proposé. […] Sans un élargissement de la liste, la LCEE 2012 ne sera plus une loi sur l’évaluation environnementale, ce sera un peu plus qu’un exercice de collecte d’informations pour la délivrance de permis et la prise d’autres décisions à l’échelle fédérale dans des domaines restreints où le gouvernement souhaite intervenir[i] ». Toute étude sérieuse de la réalisation d’une évaluation environnementale efficace et efficiente doit aller au-delà de la question de l’équilibre de la liste des projets et des désignations par le ministère; elle doit comprendre une nouvelle rédaction du cadre de la loi.

Mis à part la refonte complète de la LCEE 2012, mes préoccupations immédiates à l’égard du règlement modifiant le règlement pourraient se résumer ainsi :

  1. Il devrait être impossible de supprimer un élément de la liste des projets une fois qu’il y est inscrit. Pour commencer, la liste actuelle des projets ne fait que reprendre la liste d’étude approfondie de l’ancienne loi. Cette liste n’a jamais tenu compte de tous les effets environnementaux négatifs, mais constituait le niveau d’étude le plus élevé pour les projets devant faire l’objet d’une évaluation environnementale plus complète. Dans le résumé de l’étude d’impact, le gouvernement prétend proposer des modifications pour « faire en sorte que le Règlement renvoie de manière adéquate aux grands projets qui sont les plus susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importants dans des domaines de compétence fédérale ». Étant donné que l’ancienne liste d’étude approfondie devait tenir compte de ces grands projets, et que le gouvernement n’a présenté aucune preuve expliquant pourquoi certains éléments devaient être supprimés de la liste, on ne peut que conclure que les suppressions de la liste sont arbitraires et partisanes. La liste devrait être vue comme un document de travail auquel on peut ajouter des éléments en fonction des faits, et non pas comme une liste de souhaits sujette aux caprices du gouvernement et de l’industrie.
  2. Rien ne prouve qu’il existe un fardeau réglementaire pour le promoteur qui rédige la description du projet prévue à la LCEE 2012 ou que les ressources de l’Agence peuvent être limitées par un « trop grand nombre de projets ». Vu la portée grandement restreinte des « effets environnementaux », sans oublier le manque d’informations requises pour la description du projet, ces affirmations sont ridicules. Toute activité environnementale importante faisant intervenir des pouvoirs fédéraux devrait être inscrite à la liste des projets pour faire l’objet d’un examen. (Ce n’est cependant pas un choix aussi acceptable que l’obligation de réaliser l’évaluation environnementale des projets figurant à la liste.) Selon la LCEE 2012, lorsque l’Agence canadienne d’évaluation environnementale est l’autorité responsable, on ne peut avancer que l’ajout d’une seule activité à la liste des projets entraîne un fardeau pour le promoteur ou l’Agence, puisque cette dernière peut décider, à sa discrétion, de mener une évaluation environnementale (art. 10, LCEE 2012).
  3. Le gouvernement a déclaré proposer ces modifications pour que le Règlement « renvoie de manière adéquate » aux « grands projets » qui sont le « plus susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importants dans des domaines de compétence fédérale » et également pour « rendre le Règlement plus clair et son contenu plus cohérent ». Les modifications proposées n’atteignent aucun des objectifs déclarés et n’offrent aucune justification, ni aucune preuve, de la pertinence d’ajouter des éléments précis à la liste ou d’en supprimer. À titre d’exemple, comment a-t-on établi que les installations de traitement du pétrole lourd et des sables bitumineux n’étaient pas susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importants? Pourquoi y inscrit-on le premier puits d’exploration au large des côtes dans une zone d’un permis de prospection, mais pas les suivants? Pourquoi y inscrit-on l’agrandissement de mines de sables bitumineux, mais pas les projets in situ comme les projets d’exploitation des sables bitumineux par drainage par gravité au moyen de vapeur? Sur le plan de la fragmentation de l’habitat, ces derniers sont beaucoup plus dommageables. Ces ajouts et omissions illogiques et incompréhensibles donnent à penser que la prise de décision n’était pas fondée sur des faits.

À mon avis, tout projet mettant en cause des fonds fédéraux ou des terres fédérales ou nécessitant un permis d’une autorité fédérale devrait être inscrit à la liste des projets.

Respectueusement soumis,

 

Elizabeth May, O.C., députée
Députée de Saanich—Gulf Islands
Chef du Parti vert du Canada


[i] Robert G. Gibson, What would remain? Notes on the key substantive changes to federal environmental assessment in the proposed Canadian Environmental Assessment Act 2012 included in the omnibus legislation budget implementation C-38 (document de travail, 16 mai 2012), document consulté le 20 mai 2013.