Elizabeth May (Saanich—Gulf Islands)
2020-10-29 19:11 [p.1465]
Madame la Présidente, c’est un honneur de prendre la parole à distance au cours du débat d’ajournement pour revenir sur une question que j’ai posée il n’y a pas si longtemps, soit le 19 octobre dernier, au sujet du conflit actuel entre les Micmacs de la Nouvelle-Écosse et les pêcheurs non autochtones, plus précisément dans le contexte du racisme systémique.
Comme je l’ai dit le 19 octobre, nous savons que le nom de Donald Marshall Jr restera gravé à jamais dans la mémoire collective du Canada comme un synonyme d’injustice et de racisme systémique. Cet homme a passé 11 ans derrière les barreaux pour un crime qu’il n’avait pas commis, puis, quand il a enfin été libéré, il a continué à jouer un rôle de premier plan pour défendre les droits des Micmacs. Deux affaires judiciaires portent son nom.
Bien sûr, dans l’affaire Marshall, le tribunal a statué que les Micmacs, les Malécites et les Passamaquoddy n’ont jamais renoncé aux droits sur les terres et les ressources que les traités de paix et d’amitié de 1760-1761 leur ont accordés. Donald Marshall a porté l’affaire jusqu’à la Cour suprême du Canada parce que le simple fait de pêcher l’anguille était considéré comme hors saison même si les Micmacs étaient tout à fait dans leur droit de pêcher.
Le racisme systémique qui me préoccupe ne se limite pas uniquement à l’inaction de la GRC alors qu’elle devait protéger les prises de homard des Micmacs et le vivier à homards de Pubnico-Ouest, où les prises des Micmacs étaient entreposées. Comme nous le savons, ce vivier a été détruit par un incendie alors que la GRC est restée les bras croisés. Le 19 octobre, j’avais demandé comment il se fait qu’au Canada, il ne manque jamais d’agents de la GRC bien armés pour arrêter des Autochtones qui manifestent pacifiquement pour protéger leurs terres et leurs ressources, surtout dans ma province, la Colombie-Britannique, mais que la GRC n’arrive pas à protéger les biens des Autochtones. Le problème est beaucoup plus profond que ces quelques incidents.
Examinons les statistiques sur les injonctions qui sont accordées. C’est le droit en matière d’injonction qui permet de convertir les agents de la GRC, qui sont au départ des agents de la sécurité publique, essentiellement en policiers privés à la solde des sociétés qui mènent leurs activités sur les terres autochtones. Dans une étude publiée en octobre 2019, l’Institut Yellowhead fait observer que lorsque des sociétés demandent une injonction à un tribunal afin d’empêcher les peuples autochtones d’interrompre leurs activités commerciales, elles ont gain de cause dans 76 % des cas. En revanche, lorsque des peuples autochtones demandent une injonction à un tribunal pour protéger leurs terres des activités commerciales qui s’y déroulent, ils voient leur demande rejetée dans 81 % des cas. Ainsi, le système dans lequel nous fonctionnons est, je le répète, raciste, au sens où il est beaucoup plus probable que la GRC se range du côté des sociétés.
Dans le cas de la nation Elsipogtog, les Autochtones ont manifesté leur opposition à la fracturation en 2013 au Nouveau-Brunswick. Les policiers et leurs chiens ont interrompu une manifestation non violente contre la fracturation, organisée de plein droit par les Micmacs de la région. Ces policiers étaient armés jusqu’aux dents et ils ont procédé à des arrestations en utilisant la force. C’est tout un affront quand on considère la façon habituelle d’intervenir de la GRC pour faire respecter les injonctions visant à protéger les sociétés du secteur de l’extraction des ressources. Leurs droits d’extraire des ressources vont à l’encontre des droits des Autochtones, reconnus par la Cour suprême du Canada. Pourtant, à maintes reprises, la GRC a protégé ces sociétés au détriment des Autochtones.
En examinant ce qui s’est produit en Colombie-Britannique, on constate la possibilité d’une injonction…
Joël Lightbound (Louis-Hébert)
2020-10-29 19:15 [p.1465]
Madame la Présidente, je suis content de vous voir, même par le truchement de la technologie. Je remercie également la députée de Saanich—Gulf Islands que je suis content de revoir.
Comme à son habitude, elle soulève des questions très pertinentes. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié l’information qu’elle a donnée sur les injonctions et la disproportion où l’on voit qu’une plus grande part est octroyée aux corporations. C’est un élément intéressant que je vais approfondir. Il est vrai que le racisme systémique ne se limite pas aux gestes posés par la GRC. C’est beaucoup plus large que cela. C’est institutionnel. Nous le reconnaissons, nous le condamnons et nous nous affairons à le résoudre.
Ensuite, je la remercie de me permettre de me prononcer sur la situation en Nouvelle-Écosse. Cette situation a été produite à la suite de l’implantation de la pêche de subsistance par la nation Sipekne’katik. Je vais donc d’abord me prononcer sur les actes criminels commis dans le cadre du conflit entre la nation et les pêcheurs commerciaux.
Notre gouvernement condamne clairement le racisme, les actes de violence et les crimes perpétrés lors de ce conflit. On implore tous ceux qui y sont impliqués de soutenir les efforts constructifs de désescalade pacifique et de dialogue. De plus, tout cela se déroule alors que l’on continue de faire face à la pandémie de la COVID-19. Notre gouvernement reste engagé dans la voie de la réconciliation et du développement d’une relation nouvelle améliorée avec les peuples autochtones, c’est-à-dire une relation sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et la collaboration.
On sait que, cette année, la GRC a été confrontée à des problèmes complexes, mais elle continue tout de même de travailler à établir des relations significatives et durables avec les peuples autochtones. Il serait dommage de laisser les actes criminels perpétrés dans le cadre de ce conflit nuire à ces efforts. Toute résolution durable de ce différend doit être fondée sur la reconnaissance des droits légitimes des Micmacs issus des traités.
Pour ce faire, les menaces, le racisme, la violence et l’intimidation doivent impérativement cesser. Le rôle principal de tout corps policier est de protéger le public et d’appliquer les lois, y compris le Code criminel du Canada. Tous les Canadiens jouissent des libertés fondamentales d’expression, de réunion pacifique et de manifestation. Ils devraient pouvoir le faire en toute sécurité.
Cependant, recourir à la violence et mettre des vies en danger pour protester contre une situation est totalement inacceptable. Les personnes responsables de ces crimes devront rendre des comptes. La GRC prend son rôle de maintien de la sécurité publique très au sérieux et est sur place depuis le début du conflit. Simultanément, les gouvernements, c’est-à-dire le gouvernement fédéral et celui de la Nouvelle-Écosse, s’efforcent d’amener les parties à un règlement durable, fondé sur la reconnaissance des droits légitimes des Micmacs et sur les traités.
Des accusations ont été déposées et de multiples enquêtes sont en cours sur les crimes commis contre des personnes, notamment en ce qui concerne la violente agression du chef Michael Sack. La police enquête aussi sur les crimes contre la propriété, comme l’incendie de l’entrepôt de homards qui a eu lieu le 19 octobre dernier. C’est un triste épisode dans notre histoire collective.
Pour augmenter encore plus les capacités de la GRC, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a approuvé une demande du procureur général de la Nouvelle-Écosse visant à augmenter, au besoin, le nombre de membres de la GRC sous contrat présents en Nouvelle-Écosse pour qu’ils puissent y maintenir la paix, comme c’est leur devoir. C’est donc peu dire que la présence policière de la GRC dans la région est inhabituellement élevée. Elle va continuer de l’être tant que ce sera nécessaire. La présence augmentée et améliorée de la GRC inclut des agents en uniforme assurant une forte visibilité des forces de l’ordre et effectuant des patrouilles aléatoires dans les communautés.
Aux agents en uniforme s’ajoutent des agents d’opérations tactiques stratégiques supplémentaires provenant de plusieurs autorités. De plus, les agents de la GRC patrouillent sur l’eau dans la région selon les besoins et l’équipe d’intervention d’urgence de la GRC est équipée d’un navire pour un déploiement immédiat si c’est nécessaire.
Elizabeth May (Saanich—Gulf Islands)
2020-10-29 19:20 [p.1466]
Madame la Présidente, je veux mettre en relief, au bénéfice des parlementaires, la notion du droit des Autochtones à une subsistance convenable pour la pêche au homard en Nouvelle-Écosse, par rapport à Clearwater Seafoods. Son fondateur, John Risley, a une valeur nette de 1,2 milliard de dollars, accumulée grâce à la pêche dans les eaux micmaques. Clearwater Seafoods a été reconnue coupable par le ministère des Pêches et des Océans de graves violations des règles de conservation. Elle a par exemple laissé des casiers à homard au fond de l’océan pendant plusieurs années, pratiquant ainsi une pêche illégale. La GRC n’interrompt pas les activités de Clearwater Seafoods, qui bénéficie d’une immense ressource.
Je ne suis pas contre l’exploitation de la ressource. Je considère seulement que le contraste entre les droits de la société et son exploitation de la ressource, et la façon dont les Autochtones ont été traités dans cette affaire, en cherchant simplement à s’assurer d’une subsistance convenable, est un pur scandale. Je demanderais à tous…
Joël Lightbound (Louis-Hébert)
2020-10-29 19:20 [p.1466]
Madame la Présidente, une minute c’est peu de temps pour parler des enjeux profonds soulevés par la députée de Saanich—Gulf Islands.
D’une part, la GRC a été envoyée en renfort, notamment à la demande du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, pour protéger les populations et maintenir l’ordre public. C’est ce à quoi tout le monde doit s’attendre dans ce dossier. Il faut une désescalade; c’est impératif. La GRC jouera son rôle à ce chapitre-là.