La Loi d’exécution du budget : un démantèlement des lois environnementales déguisé

 Elizabeth May, la chef du Parti vert et députée de Saanich-Gulf Islands, a passé une grande partie de l’après-midi à lire les 420 pages du projet de loi C-38, une loi visant l’exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et d’autres mesures.

« La majeure partie du projet de loi C-38 n’a rien à voir avec des questions fiscales ou avec le rôle que devrait jouer un budget. Il s’attaque plutôt aux lois environnementales en modifiant la Loi sur les évaluations environnementales, la Loi sur les pêches et la Loi sur les espèces en péril, en plus d’abroger la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto et d’annuler la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie », explique Mme May.

Inclure tout cela dans la Loi d’exécution du budget (projet de loi C-38) signifie que les lois environnementales qui seront modifiées n’auront jamais à être soumises au Comité de l’environnement ou examinées par des experts environnementaux.

« Ce projet de loi devrait s’appeler la loi “Aucune préoccupation pour l’environnement” », affirme Mme May.

C’est la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) qui essuie le plus important revers.

La LCEE est essentiellement abrogée. La Loi originale de 79 pages sera réduite à une loi de 40 pages, créant un tout autre mécanisme d’examen. Sa portée est incroyablement étroite – seuls les éléments environnementaux soumis à « l’autorité législative du Parlement » seront évalués, c’est-à-dire les poissons, les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs. Aucune autre espèce ou aucun autre écosystème n’est inclus, pas plus que les effets sur la santé, les effets socio-économiques, ceux sur le patrimoine physique ou culturel ou tout autre élément qui faisait traditionnellement partie d’une évaluation environnementale.

L’Agence canadienne d’évaluation environnementale devra, à la réception d’une demande complète et dans un délai de 45 jours, décider si TOUTE évaluation environnementale est requise, et ce, à l’aide d’un vaste pouvoir discrétionnaire. Des examens environnementaux ne seront plus requis pour les projets engageants des fonds fédéraux. Le ministre se voit accorder un très haut niveau de pouvoir discrétionnaire quant à décider si une commission d’examen devrait être tenue. Le ministère sera capable d’outrepasser tant la LCEE que l’Office national de l’énergie (ONE).

Les nouvelles règles d’équivalence qui relèguent la responsabilité des évaluations environnementales aux provinces pourraient se révéler être le problème le plus grave. Ces règles comprennent également des articles rétroactifs qui remontent jusqu’à juillet 2010 pour des projets en cours.

« Au lieu d’un processus rigoureux et approfondi veillant à assurer la sûreté environnementale des projets, nous nous retrouvons avec des politiciens qui décident quels projets devraient aller de l’avant, explique Mme May. Les freins et contrepoids qui constituaient la force de la LCEE n’existent maintenant plus. C’est un pari bien peu subtil afin de veiller à ce que les projets de prédilection du gouvernement, c’est-à-dire les projets pétroliers et de pipelines, soient assurés d’être mis en œuvre malgré leurs impacts potentiellement dévastateurs. »

Le projet de loi C-38 démantèle également les dispositions liées à l’habitat de la Loi sur les pêches. « Apparemment, les seuls poissons qui importent sont ceux considérés comme étant “commerciaux, autochtones ou récréatifs” et encore une fois, le problème le plus grave est la création d’équivalence faisant en sorte que la Loi sur les pêches et les règlements qui y sont liés ne s’appliquent pas aux provinces », affirme Mme May.

De plus, il est prévu dans le projet de loi C-38 que l’ONE absorbe la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN) dès qu’un pipeline traverse des eaux navigables. La LPEN a été amendée de manière à ce qu’elle affirme qu’un pipeline n’est pas considéré comme des « travaux » en vertu de cette loi. La charte de l’ONE est également amendée afin de mettre le ministère dans une position de supériorité qui lui permettra d’annuler ses décisions.

La Loi sur les espèces en péril (LEP) est elle aussi modifiée afin de permettre à l’ONE d’autoriser des activités qui provoquent la mort ou blessent des espèces en péril.

« Le gouvernement Harper s’est systématiquement attaqué à chacune de nos lois environnementales et il a ébranlé les piliers de la protection environnementale de ce pays », explique Mme May.

Les organismes de bienfaisance à vocation environnementale sont eux aussi attaqués. Les dispositions concernant les organismes de bienfaisance du projet de loi C-38 interdisent maintenant tout don qui pourrait entraîner une activité politique. Les organismes de bienfaisance étrangers ne peuvent fournir des fonds aux organismes canadiens que si le ministre est convaincu que l’organisme étranger « mène des activités de secours en réponse à une catastrophe, qu’il fournit une aide humanitaire d’urgence ou qu’il poursuit des activités qui sont dans l’intérêt national du Canada. »

« J’ai toujours cru que le fait de protéger notre patrimoine naturel était dans l’intérêt national du Canada. J’imagine que les conservateurs de Harper pensent le contraire », a ajouté Mme May.