Elizabeth May (Saanich—Gulf Islands)
2022-05-31 19:07
Madame la Présidente, je prends la parole ce soir pendant le débat d’ajournement pour revenir sur une question que j’ai posée le 28 mars dernier à 14 h, lors de la période des questions. C’était la veille du jour où le gouvernement fédéral devait présenter son plan de réduction des émissions.
J’avais demandé au ministre ce que nous devions faire de l’annonce prévue pour le 29 mars, sachant que le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat comptait présenter le 4 avril un nouveau rapport qui risquait de rendre le plan de réduction des émissions obsolète et exiger une révision immédiate de celui-ci. Sans surprise, le secrétaire parlementaire, qui a répondu, a dit qu’il estimait que nous étions vraiment sur la bonne voie, tout en disant que nous devions en faire plus.
Pendant les trois minutes restantes à ma déclaration d’ouverture du débat d’ajournement de ce soir, je serai brutalement honnête au sujet des données scientifiques et de notre situation. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Ce n’est pas facile. Je ne dis pas cela parce que je veux que les gens aient peur ou qu’ils soient désespérés. Je veux toutefois désespérément que les gens se réveillent, en particulier les personnes qui ont le pouvoir de décider si mes enfants et mes petits-enfants survivront sur une planète habitable ou s’ils subiront des privations impensables en raison d’une catastrophe climatique.
Ce que nous ne savions pas quand j’ai posé cette question le 28 mars dernier, c’est ce que le troisième groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat allait présenter dans son sixième rapport d’évaluation: il a devancé les projections. Il reste beaucoup moins de temps que prévu. J’ai été ébranlée, même si j’étudie la crise climatique depuis 1986, à l’époque où je travaillais à Environnement Canada.
Ce que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a dit, c’est qu’il faut tenter de maintenir notre cible de 1,5 degré Celsius, prévue dans l’Accord de Paris, et à tout le moins essayer de contenir la hausse de la température moyenne mondiale bien en deçà de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux d’avant l’ère industrielle. Ce sont des concepts complexes et difficiles à expliquer. Ce que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié le 4 avril rend complètement inutile le plan que le gouvernement a présenté le 29 mars. Faire mieux, en faire plus et faire tout notre possible ne mènera à rien si nous n’avons pas les bons objectifs.
L’essentiel, le voici: le GIEC affirme maintenant que, entre 2020 et au plus tard 2025, les émissions doivent cesser d’augmenter et commencer à baisser partout sur la planète. Il s’agit d’un simple calcul mathématique, d’un budget carbone. Les émissions ne peuvent plus augmenter. Elles doivent plafonner, puis diminuer rapidement, afin qu’en 2030, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne représentent environ que la moitié de ce qu’elles étaient en 2010, sinon… C’est là que les choses se corsent. Si nous n’y parvenons pas, nous risquons d’atteindre un point de bascule dans l’atmosphère aux conséquences imprévisibles qui pourraient mener à un réchauffement climatique mondial irréversible et en accélération constante.
Nous pouvons à tout le moins examiner ce qui nous arrive en ce moment, y compris ici, à Ottawa. Une tempête très dangereuse que personne n’avait vue venir vient de provoquer la mort de 11 personnes, et nous n’en sommes qu’à une hausse moyenne mondiale de 1,1 degré Celsius. Le dôme de chaleur qui a causé la mort de 600 personnes en quatre jours en Colombie-Britannique a aussi eu lieu dans le cadre de cette même hausse de 1,1 degré Celsius. Il y a aussi eu les feux de forêt et les inondations. On peut voir ce qui se produit lorsque la hausse moyenne mondiale est de 1,1 degré Celsius, et on prétend qu’on maîtrise la situation, alors que nous sommes sur le point de franchir le point de non-retour et qu’il n’est pas trop…