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Nathan Cullen : Monsieur le Président, dans la foulée d’une question de privilège que nous avons soulevée récemment, il est de notre devoir de réagir à l’intervention du gouvernement à ce sujet.
Vous vous en rappellerez, monsieur le Président, la question de privilège portait directement sur l’accès à l’information dont tous les députés du Parlement ont besoin en prévision du vote qui aura lieu sous peu au sujet du projet de loi C-38.
La question de privilège qui a été soulevée revêt beaucoup d’importance car elle concerne le rôle central des députés de tous les partis et, en particulier, le rôle de l’opposition d’exiger des comptes du gouvernement. Nous avons écouté très attentivement la réponse du leader du gouvernement à la Chambre. Peut-être était-il mal préparé ou mal informé, mais ses commentaires n’avaient rien à voir avec nos arguments. Nous voulions nous assurer, monsieur le Président, que vous compreniez le plaidoyer présenté par l’opposition officielle du Canada. En particulier, le leader du gouvernement à la Chambre a soulevé la question du moment opportun.
Comme vous le savez, monsieur le Président, la question de privilège doit être soulevée le plus tôt possible. Or, depuis la présentation du budget, nous avons tenté par tous les moyens à notre disposition, comme des questions au Feuilleton, à la période des questions, en comité et par l’entremise du directeur parlementaire du budget, de savoir quelles sont les répercussions de cette mesure législative, en particulier les coupures dans les services et les réductions d’effectifs auxquelles seront confrontés les Canadiens.
Comme nous l’avons fait valoir dans notre déposition d’hier, monsieur le Président, cette information existe. Le gouvernement refuse de fournir ces renseignements en se fondant sur des arguments bidon, à notre avis, provenant directement du Bureau du Conseil privé, lequel travaille, évidemment, main dans la main avec le premier ministre.
Le Bureau du Conseil privé n’a pas le droit de priver les parlementaires et le Bureau du directeur parlementaire du budget de cette information. Nous avons respecté l’obligation de se manifester sans délai car nous attendions que le gouvernement fournisse l’information qu’il était légalement obligé de fournir. Ce n’est qu’après son dernier refus, exprimé dans des lettres datées du 12 avril et confirmé le 9 mai, que nous avons su que nous pouvions invoquer la question de privilège.
Nous avons exigé et continuons d’exiger que le gouvernement nous communique cette information, de manière que les députés n’aient pas à voter à l’aveuglette sur un projet de loi qui leur est présenté. Je répète qu’il incombe à tous les députés de s’informer avant de se prononcer. Le fait que les conservateurs ne semblent avoir aucune objection à voter à l’aveuglette me préoccupe, mais ce n’est pas notre problème. Nous, députés de l’opposition, tenons à avoir tous les documents à notre disposition avant de voter.
Le troisième point, qui est important, est que dans l’intervention du Bureau du Conseil privé, du premier fonctionnaire du premier ministre, il est illégal d’enfreindre le paragraphe 79.3(1) de la Loi sur le Parlement du Canada, en dissimulant aux parlementaires des renseignements qui sont connus, en l’occurrence, en dissimulant ces renseignements à des députés et aussi à un mandataire du Parlement, nommément le directeur parlementaire du budget. Cela fait maintenant longtemps que nous exigeons que l’on produise ces renseignements.
Le dernier point est que le leader du gouvernement à la Chambre a dit dans son intervention que nous devions citer un article ou une disposition précise du projet de loi, mais il sait que ce n’est pas le cas. Comme on le sait, une question de privilège est une intervention qui met en cause le droit de tous les députés de s’acquitter de leurs fonctions au Parlement. Le cas qui nous occupe, le projet de loi C-38, que nous appelons le cheval de Troie, est un autre exemple montrant que le privilège est mis en cause individuellement ou collectivement quand des députés sont incapables de s’acquitter de leurs fonctions au nom des Canadiens, alors que le gouvernement refuse délibérément de leur communiquer des renseignements qui sont pertinents au vote auquel nous nous apprêtons à prendre part.
Comme vous le savez, monsieur le Président, et comme le Président Milliken l’a fait remarquer dans l’une de ses dernières décisions avant de quitter son poste, c’est un élément important. La décision rendue par le Président Milliken avait à voir avec les détenus afghans. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit du budget. Mais dans les deux cas, on refusait de communiquer des renseignements. C’est problématique, non seulement pour le gouvernement en place aujourd’hui, mais pour le fonctionnement du Parlement et la préservation du caractère sacré de notre institution.
Pour bien faire notre travail au nom de ceux que nous représentons quotidiennement, nous devons posséder toutes l’information qui existe. Or l’information existe, et elle existe depuis des semaines. Le gouvernement a refusé, à toutes les étapes et à toutes les occasions que nous lui avons données, de faire preuve de franchise et de mettre carte sur table.
La deuxième loi que les conservateurs ont proposée une fois au pouvoir était la loi sur la responsabilité. Le geste qu’ils posent maintenant enfreint leur propre loi, mais surtout, il viole le droit, bafoue le respect que nous avons pour notre institution et enfreint le privilège des députés de chercher à aller au fond des choses et de comprendre toute l’information qui est à leur disposition afin de pouvoir voter la conscience en paix. C’est un principe du Parlement que nous respectons de manière indéfectible.
Monsieur le Président, quand vous rendrez votre décision dans quelques heures, je vous demande de conclure qu’il s’agit d’une atteinte au privilège individuel et collectif des députés.
Le Président : Je remercie le député d’être intervenu à nouveau sur cette question.
La députée de Saanich—Gulf Islands a la parole.
Elizabeth May : Monsieur le Président, sans vouloir trop insister, j’appuie la question de privilège soulevée par le leader parlementaire de l’opposition officielle.
Tout le monde devrait être scandalisé, comme moi, par le fait que le directeur parlementaire du budget, dont la tâche consiste à conseiller les parlementaires afin qu’ils puissent examiner la façon dont les deniers publics sont dépensés et l’incidence des décisions que nous prenons en cette enceinte sur le bon fonctionnement de l’appareil et de l’architecture gouvernementaux, n’a pu obtenir des renseignements auxquels son bureau devrait avoir accès, comme nous. J’estime que cela représente une atteinte au privilège et un nouvel outrage.
L’hon. Peter Van Loan : Monsieur le Président, toujours sur la même question de privilège qui, comme je l’ai dit, semble un peu déplacée, je précise que la raison pour laquelle j’ai mis le leader parlementaire de l’opposition au défi de citer les dispositions législatives, les articles de loi, qui ont été violés lorsqu’il n’a pas obtenu l’information qu’il cherchait — et qui est normalement fournie dans le cadre de l’examen des crédits budgétaires —, c’est qu’il a dit qu’on ne pouvait continuer l’examen du projet de loi parce qu’il n’avait pas les renseignements s’y rapportant.
Aucun des renseignements qu’il demande n’est directement lié à une disposition du projet de loi. Je répète que la divulgation des dépenses gouvernementales liées aux programmes se fait normalement dans le cadre de l’étude des projets de loi de crédits, qui sont présentés au Parlement, et non dans le cadre du processus législatif s’appliquant à un projet de loi d’exécution du budget. Je n’ai aucun doute que le leader parlementaire du NPD en viendra à saisir cette nuance à mesure qu’il se familiarisera avec le processus.
De plus, je tiens à contraster très brièvement cette question avec les autres situations que le député a décrites. Il a mentionné qu’un comité parlementaire ou le Parlement avait adopté une résolution demandant des documents. Ce projet de loi d’exécution du budget a été renvoyé au comité, et celui-ci l’a examiné. Le comité n’a pas demandé au gouvernement des documents, des renseignements, ni aucune des choses que le député réclame aujourd’hui. Je ne considère pas que ces situations sont analogues.
Le problème tient essentiellement au fait que ce qu’il demande ne fait pas partie d’un projet de loi d’exécution du budget. Cela fait partie d’un projet de loi de crédits. Ce sont les renseignements qui sont communiqués au Parlement dans le cadre du processus d’affectation des crédits. Par conséquent, la question de privilège qu’il soulève en ce moment est sans fondement.
L’hon. Wayne Easter : Monsieur le Président, au cours de la dernière législature, le gouvernement a fini par être accusé d’outrage au Parlement, parce qu’il ne fournissait pas les renseignements appropriés. Voilà essentiellement ce qu’il faut retenir. La situation actuelle est très semblable à ce qui s’est produit à cette époque. Le gouvernement a l’habitude de ne pas fournir l’information requise aux comités, au directeur parlementaire du budget et à la Chambre. Je pense que ce problème est très grave.
Lorsqu’on nous demande de voter sur un projet de loi omnibus qui modifie environ 70 lois et qu’on ne fournit pas les renseignements appropriés au Parlement, qui représente les Canadiens, le problème est effectivement très grave.
Elizabeth May : Monsieur le Président, je n’ai pas eu le temps de réfuter entièrement l’argument du leader du gouvernement à la Chambre, mais je le renvoie à l’article 578 du projet de loi C-38 dont on n’a pas pris le temps d’évaluer les répercussions, mais qui aura de graves conséquences pour l’économie et l’environnement du Canada.
Monsieur le Président, je vous renvoie de nouveau à l’article 578 du projet de loi C-38.
Le Président : Je remercie les députés de leurs observations supplémentaires. Je ferai part de ma décision à la Chambre en temps opportun.