Elizabeth May : Monsieur le Président, je prends la parole ce soir pour revenir sur un sujet qui a été abordé quand j’ai posé une question au premier ministre le 24 avril dernier. Ce fut l’une des rares occasions où j’ai posé une question au premier ministre et où il m’a répondu lui-même.
La question portait sur la contradiction entre, d’une part, la volonté de son gouvernement, qui rejoint en cela la position des États-Unis, d’exclure Cuba du Sommet des Amériques, lequel porte sur l’Amérique latine, le Canada et les États-Unis, et d’autre part, l’expansion de nos accords commerciaux avec la Chine. Nous élargissons l’accès aux ressources canadiennes à des entreprises chinoises qui achètent de plus en plus massivement nos ressources énergétiques et autres. En réponse à ma question, le premier ministre a tant bien que mal essayé de faire de l’humour en disant que la Chine ne pouvait pas prendre part au Sommet des Amériques parce qu’elle ne fait pas partie des Amériques et a précisé que la participation au Sommet des Amériques était réservée aux pays reconnus comme des démocraties.
Le Sommet des Amériques se trouve affaibli par l’exclusion d’un pays aussi important que Cuba pour la région, et on s’aventure en terrain glissant quand on essaie d’expliquer pourquoi, au regard des droits de la personne, il est justifié d’exclure Cuba parce qu’elle est communiste alors qu’on peut faire bon accueil à la Chine, qui est également communiste. J’ai examiné les documents d’Amnistie internationale et de Human Rights Watch et j’ai constaté que Cuba fait beaucoup plus de progrès que la Chine sur le plan de l’ouverture à la liberté religieuse, par exemple.
En mars, le pape Benoît XVI a pu célébrer une messe à Cuba à l’occasion de laquelle le président Castro était assis dans la première rangée. Par contre, en Chine, les catholiques qui veulent faire célébrer une messe le font en privé dans des maisons, et si on les prend sur le fait, ils risquent d’être arrêtés ou emprisonnés. Selon de nombreux reportages, le régime chinois est sans doute le plus répressif au monde. Au Tibet, le régime exerce sa répression sur les moines tibétains et la religion bouddhiste tibétaine. D’autres groupes religieux comme les adeptes du Falun Gong sont aussi victimes de répression en Chine. Dans ce pays, la liberté de religion est tout simplement inexistante. Depuis les Jeux olympiques de Chine, l’organisme Human Rights Watch a observé dans ce pays une plus grande répression sur le plan de la liberté d’expression. Au chapitre de la peine de mort, on constate que le gouvernement chinois exécute des prisonniers à un rythme très inquiétant. Par ailleurs, Cuba a commué la sentence de certains condamnés à mort, et aucun prisonnier cubain n’a été condamné à mort depuis 2010, soit la dernière année pour laquelle j’ai pu trouver des statistiques.
Il y a bien évidemment des raisons pour lesquelles le gouvernement préfère le régime communiste chinois au régime communiste cubain. La raison évidente, c’est que la Chine communiste est prête à investir des milliards de dollars dans les sables pétrolifères. Cependant, je me demande si les députés d’en face croient que c’est une raison suffisante pour brader nos principes, nos préoccupations à l’égard des droits de la personne et de la liberté de religion, et notre volonté d’agir sur la scène internationale à titre de partenaires des autres nations. Il est certain que nous devrions investir tant à Cuba qu’en Chine et faire du commerce avec ces pays. Cependant, il est très important que les Canadiens se demandent à quel point ils sont prêts à céder leurs ressources à la Chine.
Si nous renforçons notre relation avec la Chine, nous devons certainement voir le texte de cet accord que le premier ministre a déjà signé avec le président de la Chine, Hu Jintao, afin de savoir dans quelle mesure les sociétés chinoises pourront engager des poursuites contre le Canada dès que nos lois ne feront pas leur affaire.
Deepak Obhrai : Monsieur le Président, avant de répondre, puis-je profiter de l’occasion pour vous féliciter d’avoir été élu à la fonction de vice-président? Nous en sommes très heureux, sachant que nous ferons un travail constructif avec vous, puisque nous vous connaissons depuis de nombreuses années.
Pour répondre à ma collègue du Parti vert, permettez-moi de dire qu’il n’y a absolument aucune contradiction entre nos politiques avec la Chine et celles avec Cuba. Nous traitons les deux en fonction de quatre valeurs canadiennes. Nous soulevons la question des droits de la personne lors des rencontres bilatérales, et la politique étrangère du Canada comprend la promotion de la démocratie, de la primauté du droit et du respect des droits de la personne.
La relation du Canada avec Cuba remonte à 1945. De plus, le Canada est l’un des deux pays de l’hémisphère à n’avoir jamais mis fin à ses relations diplomatiques avec l’île.
La politique du Canada à l’endroit de Cuba est différente de celle des États-Unis. Nous n’avons pas déclaré d’embargo contre Cuba et nous n’approuvons pas son isolement. Nous croyons qu’en faisant participer Cuba, nous pouvons l’aider à opter pour la démocratie et un plus grand respect des droits de la personne. Nous appliquons la même politique à la Chine.
Le Canada appuie la démocratie et le respect des droits de la personne. Il est très important que la députée comprenne ce qui s’est passé au Sommet des Amériques en 2001, à Québec, lorsque les conservateurs n’étaient pas au pouvoir. Les dirigeants ont convenu à l’unanimité que seuls les pays ayant démontré qu’ils s’acheminaient vers un régime démocratique pourraient adhérer à l’Organisation des États américains.
À ce moment-ci, il n’y a pas encore eu de mouvement en ce sens. C’est la raison pour laquelle nous sommes très inflexibles, mais cela ne signifie pas que nous voulons isoler Cuba. Nous croyons plutôt que ce que nous faisons amènera l’ouverture de Cuba.
La députée parle des grandes choses qui se passent en ce moment à Cuba; nos mesures encourageront tout cela. Nous formerons un partenariat avec Cuba pour le commerce et le développement et nous seront également partenaires dans la promotion de la démocratie et du respect des droits de la personne à Cuba.