Elizabeth May : Monsieur le Président, j’interviens aujourd’hui au sujet d’un dossier dont je parle régulièrement depuis le mois de septembre. Ce soir, le débat porte plus précisément sur une question que j’ai posée au premier ministre lors de la période des questions du 23 octobre. Il s’agit du traité sur les investissements entre le Canada et la Chine.
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Si vous le permettez, j’aimerais rappeler ce qui s’est passé le 23 octobre. Sans cérémonie, sans avertissement et sans séance d’information à huis clos à l’intention des parlementaires, le 26 septembre, le traité sur les investissements entre le Canada et la Chine a été déposé discrètement à la Chambre par le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères. En vertu des règles adoptées par le gouvernement actuel, les députés se sont vu accorder 21 jours de séance au cours desquels il ne s’est rien passé à ce sujet. Nous n’avons pas eu l’occasion de débattre du traité ni de voter sur celui-ci.
Comme je le prévoyais, ce traité s’inspire largement d’autres traités conclus avec des investisseurs-États. Toutefois, il est plus inacceptable que d’habitude, car il permettra à la République populaire de Chine et aux entreprises qui appartiennent à cet État de contourner notre système judiciaire et de s’adresser directement à un arbitre international pour contester une loi adoptée à l’échelle municipale, provinciale ou fédérale, ou encore une décision rendue par nos tribunaux. Elles pourront alléguer que cette loi ou cette décision les a privées de certains profits et, par conséquent, elles pourront exiger la mise en place d’un processus d’arbitrage qui est prévu dans le traité sur les investissements entre le Canada et la Chine.
Ce qu’ont fait les gouvernements antérieurs dans de telles circonstances est bien documenté dans les textes de droit constitutionnel. Je recommande à ceux que la question intéresse de lire le texte fondamental du professeur Peter Hogg. Les premiers ministres précédents avaient l’habitude de demander à la Chambre de se prononcer même sur les traités comme celui-ci, qui ne requéraient pas l’adoption d’une loi de mise en oeuvre, ce qui est généralement la raison pour laquelle les traités doivent être soumis à un vote à la Chambre des communes et au Sénat. Souvenons-nous du Protocole de Kyoto. Il ne nécessitait pas de loi de mise en oeuvre, mais il a tout de même été mis aux voix à la Chambre.
Le gouvernement actuel a adopté une politique voulant qu’on soumette les traités à la Chambre pendant 21 jours de séance, politique qui a été applaudie par des représentants de l’autre côté. Dans le cas qui nous occupe, ces jours de séance, compte tenu des fins de semaine, de la fête de l’Action de grâces, etc., s’étendaient du 26 septembre au 1er novembre. Après, le traité pouvait être ratifié n’importe quand par décret du Cabinet.
Quand j’ai posé ma question au premier ministre, je voulais savoir si les aspects constitutionnels de ce traité avaient été bien examinés. Je répète ma question: « Avant d’approuver le traité, n’y a-t-il pas lieu d’y prévoir explicitement le processus d’arbitrage applicable lorsqu’une décision prise au palier provincial cause un préjudice au Canada? »
Pour démontrer ce que j’avance — c’est-à-dire que ce traité viole des droits constitutionnels et brise des engagements —, et à l’occasion du mouvement Idle No More mené par les Premières Nations, j’aimerais parler d’une lettre au premier ministre datée du 12 octobre, écrite par Gus Van Harten, professeur agrégé à la faculté de droit Osgoode Hall, qui est un expert reconnu en matière de droit international et d’arbitrage.
Voici ce qu’il a écrit au premier ministre à ce sujet:
Il est évident que le traité a des répercussions sur les pouvoirs des provinces à l’égard des ressources naturelles, de l’imposition, des droits fonciers, des droits de propriété et d’autres domaines. Il concerne les lois et règlements provinciaux ou les décisions judiciaires qui touchent les actifs appartenant à des intérêts chinois, à quelques exceptions près. Il ne prévoit pas d’exclusion semblable à ce qu’on trouve dans l’ALENA à l’égard des exigences de rendement à l’échelle provinciale, ni d’exclusion concernant les mesures provinciales liées aux dispositions du traité qui touchent l’expropriation et le traitement juste et équitable. Par conséquent, il est tout à fait possible que, au cours de la période visée par le traité, le Canada doive payer plusieurs milliards de dollars en raison de jugements rendus par les tribunaux provinciaux qui ne peuvent être révisés par d’autres tribunaux canadiens.
C’est tout à fait inacceptable. J’attends la réponse de la secrétaire parlementaire.
Kerry-Lynne D. Findlay : Monsieur le Président, l’exportation de biens, de services et d’expertise de calibre mondial vers de nouveaux marchés mondiaux en rapide expansion fait partie intégrante du Plan d’action économique du Canada pour les emplois, la croissance et la prospérité à long terme. Le gouvernement tient son engagement. C’est d’ailleurs justement pour cela que le ministre du Commerce international est en mission commerciale au Ghana et au Nigeria cette semaine. L’Afrique est l’une des régions du monde qui se développe le plus rapidement. Selon le Fonds monétaire international, cinq des vingt économies qui connaissent la croissance la plus rapide se situent en Afrique subsaharienne. Des entreprises canadiennes créent des emplois et de la prospérité un peu partout en Afrique, et le gouvernement crée de nouveaux débouchés pour les exportateurs canadiens en ouvrant de nouveaux marchés dans cette région en plein essor.
Toutefois, pour promouvoir les intérêts du Canada à l’étranger, il faut aussi créer des conditions permettant aux investisseurs canadiens d’investir en toute confiance. C’est exactement ce que le gouvernement s’emploie à faire en concluant des accords de promotion et de protection de l’investissement étranger. En fait, le gouvernement a conclu plusieurs accords de ce genre avec différents partenaires en Afrique, notamment la Tanzanie, le Bénin et le Sénégal. Nous avons également conclu un tel accord avec la Chine, la deuxième économie du monde. Cet accord offrira une meilleure protection aux Canadiens qui investissent en Chine et favorisera la croissance et la création d’emplois chez nous. L’accord établit des règles claires pour la réalisation d’investissements et le règlement de différends. Ce traité sert à protéger les intérêts des Canadiens. Grâce à l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, nous avons la certitude que tous les différends relatifs aux investissements seront réglés par arbitrage international et donneront lieu à des décisions indépendantes.
Notons que cet accord est le premier accord bilatéral sur les investissements signé par la Chine qui aborde expressément la question de la transparence dans le règlement des différends. Soyons clairs. Le Canada a depuis longtemps comme politique de rendre les règlements de différends et les arguments des parties accessibles au public. Il est malheureux que des activistes opposés au commerce continuent de répandre des faussetés à ce sujet.
Deuxième partie : https://elizabethmaymp.ca/fr/parliament/questions/2013/01/30/adjournment-proceedings-foreign-investment-2/