Elizabeth May : Monsieur le Président, je prends la parole ce soir pour revenir sur une question que j’ai posée à la Chambre la semaine dernière, que j’illustrerai par deux événements. Demain, nous soulignerons le 25e anniversaire de l’attaque dévastatrice et de la répression orchestrée par le Parti communiste de la République populaire de Chine. Je me souviens que je regardais la télévision pendant qu’une statue de la liberté était érigée sur la place Tiananmen. Nous avions l’impression que le gouvernement communiste chinois était sur le point de réaliser une version chinoise de la glasnost et de la perestroïka, qui venaient de balayer l’ancienne URSS. On espérait que la Chine soit sur le point d’avancer sur le chemin de la démocratie. Au contraire, nous avons été témoins de l’une des répressions les plus violentes qu’on puisse imaginer et nous avons vu des innocents se faire massacrer sur la place Tiananmen.
Il m’a semblé paradoxal que, au moment où nous soulignons les événements de la place Tiananmen, nous ne soyons qu’à cinq jours d’une démarche très courageuse en faveur de la démocratie, déployé par une Première Nation de l’île de Vancouver, la Première Nation Hupacasath, qui compte 300 personnes. Cette Première Nation, établie non loin de Port Alberni, a décidé de s’en remettre à la Cour d’appel pour s’opposer à un accord sur les investissements très dangereux — j’utilise ici le mot « dangereux » en connaissance de cause — avec la République populaire de Chine. Il s’agit d’un APIE, un accord sur la protection des investissements étrangers, qui donnera à ce pays des droits de contester la loi canadienne supérieurs aux droits des sociétés canadiennes.
L’accord s’appliquera aux sociétés d’État de la République populaire de Chine, qu’il s’agisse de Sino-Paper, de Sinopec, de la CNOOC, de PetroChina ou de toute autre société d’État, pas uniquement celles du secteur pétrolier et gazier. Tous les investisseurs de la République populaire de Chine au Canada sont des ramifications du gouvernement de Pékin, les membres des conseils d’administration de ces sociétés étant nommés par le Parti communiste et le Politburo de la République populaire de Chine.
Ce n’est pas qu’une affirmation sur les spécificités de la République populaire de Chine. Le Parti vert est le seul parti à s’opposer au principe des accords entre États et investisseurs. Nous nous y opposons parce que, pour la première fois, des accords commerciaux sont utilisés pour affaiblir la démocratie. L’un des meilleurs avocats en droit commercial du Canada, Steve Schreibman, décrit ces accords comme « fondamentalement nuisibles pour la démocratie » parce qu’ils donnent aux sociétés étrangères le droit de s’opposer à toute décision qui, selon elles, met en péril leurs espoirs de profit, et de demander un processus d’arbitrage, que ce soit à l’échelle municipale, provinciale ou fédérale.
Dans cette optique, il est particulièrement grave de permettre à un gouvernement non démocratique de contester les décisions d’un gouvernement démocratique. Le traité d’investissement entre le Canada et la Chine n’est pas de la même qualité que, disons, le chapitre 11 de l’ALENA, au sens où les sociétés visées font entièrement partie intégrante d’une plus grande économie et d’un gouvernement lui-même antidémocratique.
L’autre aspect particulièrement grave concernant cet accord tient au fait que, si ce dernier est ratifié, il s’appliquerait pour une période de 31 ans. Aucun gouvernement futur ne pourrait s’en retirer sans l’autorisation de la République populaire de Chine.
Ma collègue ne croit-elle pas qu’il est temps de convenir que cet accord devrait être annulé?
Lois Brown : Monsieur le Président, le resserrement des liens du Canada en matière de commerce et d’investissement avec les marchés les plus vastes et les plus dynamiques, ceux qui connaissant la croissance la plus forte dans le monde, comme la Chine, fait partie intégrante du plan de promotion du commerce du gouvernement, qui vise à créer des emplois, à stimuler la croissance et à favoriser la prospérité à long terme.
En améliorant l’accès des sociétés canadiennes aux marchés étrangers, le gouvernement appuie la croissance économique et crée de nouveaux débouchés pour les entreprises et les investisseurs canadiens.
L’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine prévoit des normes élevées, et il est la preuve irréfutable que le Canada entend aider les entreprises à faire concurrence à armes égales sur les marchés étrangers.
L’accord comprend des obligations réciproques visant différents éléments: pratiques non discriminatoires, norme minimale de traitement en vertu du droit international, expropriation, libre mouvement des capitaux et exigence en matière de rendement, entre autres.
L’accord avec la Chine ressemble grandement aux 27 autres accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers qui sont actuellement en vigueur.
Cet accord réciproque établit des règles claires régissant les investissements et le règlement de différends.
Voici quelques points saillants de l’accord.
Pour les entreprises souhaitant s’établir en Chine, celles-ci ne peuvent pas recevoir un traitement moins favorable qu’une autre entreprise étrangère souhaitant faire de même. Une fois qu’un investissement est effectué, une entreprise canadienne ne peut être traitée moins favorablement qu’une autre entreprise, y compris une entreprise chinoise.
L’accord protège également les investisseurs contre l’expropriation par le gouvernement, sauf dans certaines conditions et avec dédommagement juste.
L’accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers garantit également que tout différend en matière d’investissement découlant de manquements aux règles convenues est réglé par arbitrage international, et que toute décision d’arbitrage est prise de façon indépendante et juste.
En outre, cet accord bilatéral sur les investissements est le premier signé par la Chine qui contienne des dispositions précises sur la transparence dans les procédures de règlement des différends. Le Canada applique depuis longtemps une politique selon laquelle toutes les procédures de règlement d’un différend, y compris les soumissions faites par les parties, doivent être accessibles au public.
L’accord ne porte pas atteinte à la capacité du Canada de réglementer et légiférer dans des domaines tels que l’environnement, la culture, la sécurité, la santé et la conservation.
De plus, les restrictions prévues dans l’accord permettront tout de même au Canada de garder sa capacité d’examiner les investissements étrangers dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada afin de veiller à ce qu’ils fournissent un bénéfice net aux Canadiens et que la sécurité nationale du pays n’en soit pas compromise.
Il est également important de noter que, d’après ce traité, les investisseurs chinois au Canada doivent se conformer aux lois et règlements du Canada, comme c’est le cas pour les investisseurs canadiens en Chine.
Bref, l’Accord Canada-Chine sur la promotion et la protection des investissements étrangers est similaire aux 27 autres traités relatifs à l’investissement signé par le Canada avec des partenaires clés en matière de commerce et d’investissement.
Nous emboîtons le pas à des pays comme la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et le Japon, qui ont signé des traités sur les investissements avec la Chine selon des modalités aussi favorables ou, dans certains cas, moins favorables que celles que nous avons négociées avec la Chine.
En outre, le gouvernement a rendu le processus d’examen des traités plus transparent. Par exemple, en 2008, nous avons mis en oeuvre une politique officielle aux termes de laquelle les traités internationaux doivent obligatoirement être déposés à la Chambre avant d’être ratifiés ou d’entrer en vigueur.
La période de dépôt des traités est de 21 jours, ce qui permet aux députés et au public de les examiner. Grâce à cette politique, les députés ont eu l’occasion d’examiner attentivement le traité quand l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine a été déposé à la Chambre des communes le 26 septembre 2012.
Nous avons clairement fait comprendre au gouvernement chinois que le Canada souhaitait accroître ses relations commerciales avec la Chine, mais seulement d’une manière qui avantagerait nettement les deux parties.
Parce qu’il établit un ensemble de règles précises régissant les investissements et renforce la protection contre les pratiques discriminatoires et arbitraires, cet accord rassurera les Canadiens qui songent à investir en Chine.
Elizabeth May : Monsieur le Président, dans le peu de temps dont je dispose, je mettrai l’accent sur certains éléments de l’intervention de la secrétaire parlementaire.
Il est réellement important que les gens comprennent qu’il y a une différence entre l’opposition aux investissements et aux échanges commerciaux avec la Chine et l’opposition à ce traité.
Il est également important de souligner que le gouvernement australien, par exemple, dont les échanges commerciaux avec la Chine sont actuellement 10 fois supérieurs à ceux du Canada, a pris la décision délibérée de ne pas signer d’accord investisseur-État avec la République populaire de Chine. Il est donc important de comprendre que ce genre d’accord n’est pas une condition indispensable. Le gouvernement ne peut pas affirmer qu’il est nécessaire de conclure un traité sur les investissements avec la Chine pour pouvoir commercer avec elle. Ce n’est pas le cas.
C’est pourquoi il est essentiel que nous refusions de ratifier le traité. Nous avons eu 21 jours de séance à la Chambre, mais pas une seule journée d’audience de comité. Nous n’avons pas étudié le traité. Nous ne devons absolument pas le ratifier.
Lois Brown : Monsieur le Président, le 18 octobre 2012, des responsables de la politique commerciale ont présenté au Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes un exposé sur l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers — l’APIE — entre le Canada et la Chine. Les députés ont aussi débattu de l’APIE et voté sur celui-ci à l’occasion d’une journée de l’opposition tenue le 18 avril 2013.
L’APIE entre le Canada et la Chine contribuera à la création d’emplois et à la croissance économique en facilitant les investissements entre le Canada et la Chine et en créant un milieu plus stable et plus sûr pour les investisseurs des deux côtés du Pacifique. Les règles réciproques sur lesquelles reposent les accords de ce genre établissent un cadre qui procure aux investisseurs un climat d’investissement réglementé et prévisible. En outre, l’accès à l’arbitrage international représente une méthode efficace, contraignante et impartiale pour résoudre les différends en matière d’investissement.
Comme c’est pratique courante au Canada, les dispositions et les procédures applicables au règlement des différends entre un investisseur et un État sont énoncées clairement et mettent l’accent sur la transparence au moyen d’éléments comme l’accès du public aux audiences et aux documents.
Cet accord avec la Chine — la deuxième économie en importance au monde — renforcera la protection des Canadiens qui investissent en Chine.