Elizabeth May : Monsieur le Président, c’est assez cocasse, voire même prédestiné, que je prenne la parole juste au moment où minuit retentit pour traiter du plus grave problème auquel notre pays et notre planète doivent faire face, un problème dont on parle beaucoup trop rarement à la Chambre des communes, celui des changements climatiques. J’entends ce soir donner suite à une question que j’ai posée au premier ministre le 26 février dernier.
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D’entendre sonner minuit m’amène à faire le point sur l’humanité et sur la Terre. Ces 12 coups m’ont fait penser à l’horloge du Jugement dernier, une tradition qui remonte à 1945. On cherchait alors à amener l’humanité à prendre conscience de la menace de destruction mutuelle et inéluctable que représentait la course à l’armement. C’est un groupe de chercheurs de l’Université de Chicago qui a eu l’idée de cette horloge en tant que mécanisme de sensibilisation planétaire. Depuis quelques années, les scientifiques ont revu la manière de calculer le nombre de minutes qu’il reste avant que ne sonne l’heure fatidique de l’apocalypse planétaire. Maintenant, elle prend en considération la crise des changements climatiques, la concentration mondiale de gaz à effet de serre et l’apathie de l’humanité.
Le lien entre le climat et les menaces nucléaires a été établi très clairement lors de la première conférence scientifique mondiale sur les changements climatiques, la première conférence publique de grande envergure à ce sujet, qui s’est tenue au Canada en juin 1988. À l’époque, plus de 300 scientifiques ont exprimé ce consensus: « L’humanité se livre sans frein à une expérience inconsciente qui touche l’ensemble du globe et dont les conséquences définitives ne le céderaient en rien sinon à une guerre nucléaire mondiale. »
Il est actuellement minuit et quelques minutes à la Chambre. Mais il est minuit moins cinq à l’horloge de l’apocalypse, si on se fie à la déclaration de ces chercheurs et à l’inaction qui prévaut devant la menace des changements climatiques. Aucun pays ne s’est couvert de plus de honte que le Canada, aucun premier ministre, comme le dit le ministre de l’Environnement, ne se réjouit autant de l’échec de son pays. Le Canada est pointé du doigt à cause de son mépris du multilatéralisme et du peu de cas qu’il fait de ses générations futures et de ses enfants. Je ne parle pas ici de la septième génération qui nous suivra, mais de nos propres enfants. Nous les trahissons chaque jour, ici à la Chambre, quand nous passons les changements climatiques sous silence pour ne les mentionner que dans des scènes qui sentent le théâtre de marionnettes, où un côté de la Chambre accuse l’autre de vouloir une taxe sur le carbone, et où l’autre répond que c’est faux.
Toujours dans le contexte du minuit moins cinq, au cours des dernières semaines, des scientifiques du monde entier ont fait savoir que la composition chimique de l’atmosphère a changé et que la concentration des gaz à effet de serre atteint désormais plus de 400 parties par million. Cette situation n’a rien de temporaire. Il faudra des siècles pour changer cette concentration, puisque les nouvelles émissions de dioxyde de carbone demeurent dans l’atmosphère pendant 100 ans. La concentration énoncée décrit l’état actuel de l’atmosphère, mais elle continue d’augmenter.
Nous savons qu’il faut éviter une hausse supérieure à 2 degrés Celsius. Malgré cela, en 2009, à Copenhague, le gouvernement conservateur a accepté une cible en sachant très bien qu’elle ne permettrait pas d’éviter une hausse de 2 degrés Celsius. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a déclaré que l’ensemble des cibles fixées à Copenhague ne suffiraient pas à éviter une hausse de 2 degrés. Et pourtant, chaque fois qu’il en est question à la Chambre, des députés conservateurs déclarent que nous sommes en bonne voie d’atteindre les cibles de l’Accord de Copenhague.
Comme je l’ai signalé au premier ministre le 26 février, les chiffres d’Environnement Canada indiquent clairement qu’en 2020, le gouvernement n’aura absolument pas atteint la cible qu’il s’était fixée, alors que cette cible était déjà insuffisante. C’est inacceptable. Il est temps de s’attaquer réellement aux changements climatiques.
Michelle Rempel : Monsieur le Président, il est vrai qu’il est maintenant minuit. À cette heure-ci, j’aimerais dédier cette motion d’ajournement à Leigh Johnston, qui est toujours à son poste dans le hall de la Chambre des communes et qui s’intéresse grandement lui aussi à la question des changements climatiques.
Le gouvernement a pour politique de s’occuper de cette question particulièrement pressante parce qu’elle revête une très grande importance pour les Canadiens et la communauté mondiale. J’ai beaucoup de difficulté à croire que ma collègue d’en face traite cette question avec tant de désinvolture et qu’elle compare le Canada, un grand pays, à un pays comme la Corée du Nord, qui est dirigé par un dictateur. C’est vraiment une question importante. Je crois fermement que nous ne devrions pas comparer notre pays, qui réalise des progrès et est un chef de file international dans ce domaine, à un pays qui, franchement, a un bilan environnemental lamentable.
Au cours des deux dernières années, j’ai tenté de favoriser la tenue d’un débat positif sur cette question à la Chambre des communes, mais j’ai sans cesse été extrêmement déçue par les propos exagérés des députés de l’opposition.
Le Canada compte 50 % plus de terres protégées depuis que nous sommes au pouvoir. Les scientifiques d’Environnement Canada ont montré que les gaz à effet de serre n’étaient aucunement liés à la croissance économique. En fait, c’est grâce aux efforts de notre gouvernement que la croissance des émissions de gaz à effet de serre a diminué, alors que l’économie n’a cessé de croître. De montrer aussi peu de respect envers le bilan du Canada, en comparant le pays à la Corée du Nord, c’est manquer de respect envers tout le débat sur l’environnement.
C’est avec impatience que j’attendais cette motion d’ajournement, parce que les scientifiques de renommée internationale disent ceci au sujet du bilan environnemental de la Corée du Nord: « […] le paysage est tout simplement mort. Il s’agit d’un milieu où il est difficile de vivre ou de survivre ». C’est le pédologue néerlandais Joris van der Kamp qui a dit ça. Et voici ce que disait un autre scientifique: « Il n’y a pas d’arbres pour retenir le sol. Lorsqu’il pleut, le sol se déverse dans la rivière. Des glissements de terrain se produisent et les rivières débordent. Un véritable désastre s’ensuit. »
Pourquoi est-il impossible de tenir un véritable débat dans cette Chambre? Il s’agit d’un endroit où nous devrions nous respecter les uns les autres. Comparer notre pays à la Corée du Nord avilit le débat.
Grâce aux efforts du gouvernement, nous contribuons à réduire les émissions de gaz à effet de serre en réglementant les véhicules de tourisme légers — ce qui entraînera une baisse des coûts pour les Canadiens — et en interdisant carrément la production d’électricité au charbon. Il s’agit de la première initiative de cette nature à l’échelle internationale, et les Canadiens devraient en être fiers. Au lieu de cela, on nous sert des hyperboles. On compare notre pays à la Corée du Nord. Je ne le tolérerai pas, et mes électeurs non plus.
J’espère que mes collègues d’en face accordent suffisamment d’importance à ce débat et à la question des changements climatiques pour tenir un débat approprié à la Chambre et me demander comment on pourrait mesurer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre et veiller à ce que l’économie continue de croître.
J’espère qu’à l’avenir nous tiendrons un débat approprié, plutôt que d’employer des hyperboles.