Elizabeth May : Monsieur le Président, je vous remercie de l’explication que vous avez donnée des raisons pour lesquelles les amendements sont présentés à l’étape du rapport. Je vous suis reconnaissante d’avoir tenu compte du fait que, à cause d’une erreur administrative, nous n’avons pas reçu d’avis pour produire les amendements au comité.
Je dois dire que j’en suis heureuse. J’ai constaté que les prétendues invitations aux comités permettent de contourner les droits. Je peux maintenant prendre la parole à l’étape du rapport au sujet de ce qui est une très importante erreur dans le projet de loi.
Comme tous les députés le savent, le projet de loi C-9 nous a d’abord été présenté comme une mesure du Sénat, le projet de loi S-6. C’est une loi qui porte sur les élections dans les Premières Nations. Mis à part ce que je vais tenter de faire modifier ce matin, le projet de loi est une bonne mesure. Il donne plus de précisions sur les élections dans les Premières Nations. Le gros du projet de loi est l’aboutissement de recommandations formulées par les Premières Nations et plus précisément par l’Assemblée des chefs du Manitoba et par le Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique, qui représente les Premières Nations mi’kmaq, malécite et passamaquoddy du Canada atlantique.
Avant de passer à mes amendements, je dirai que les intentions qui sous-tendent les bons éléments du projet de loi sont les suivantes: apporter une plus grande précision, créer des conditions stables et mettre des dispositions en place pour les Premières Nations qui ont déjà opté pour la tenue d’élections aux termes de la loi. Il vaut la peine de le souligner. Les recommandations qui sont venues des Premières Nations devaient s’appliquer uniquement aux Premières Nations qui avaient déjà opté pour des élections selon les modalités de la loi électorale et non à celles, nombreuses, qui élisent leur conseil selon des usages et des méthodes traditionnelles différentes.
De toute façon, je vais laisser de côté les éléments du projet de loi qui sont acceptables et m’intéresser uniquement aux amendements que vous venez de lire à la Chambre des communes. Ils visent tous les deux à corriger les erreurs qu’on trouve à l’article 3 du projet de loi.
Entre parenthèses, je signale que c’est aujourd’hui la Journée internationale des droits de l’homme. C’est le 20 e anniversaire de la signature de la Déclaration de Vienne, qui a apporté le respect des droits de la personne à toute la communauté des nations. Où est le lien avec le fait que nous étudions une loi sur les élections dans les Premières Nations? Quel est le rapport avec le fait que, paradoxalement, c’est aujourd’hui la Journée des droits de l’homme?
Le problème du projet de loi et des articles que j’espère faire corriger se retrouve aussi dans d’autres projets de loi proposés par le gouvernement actuel, comme le projet de loi, non encore présenté, sur l’éducation chez les Premières Nations. Il se retrouve aussi dans des projets de loi qui ont été présentés, comme le projet de loi C-15 sur le transfert de pouvoirs aux Territoires du Nord-Ouest et le projet de loi à l’étude, le C-9. Qu’ont tous ces projets de loi en commun? Le non-respect du droit constitutionnalisé des Premières Nations à être consultées sur tout changement qui a sur elles des répercussions directes.
Outre le transfert de pouvoirs aux Territoires du Nord-Ouest, que tous appuient, le projet de loi C-15 apporte des modifications importantes aux régimes de réglementation de la vallée du Mackenzie qui font partie des accords et traités avec les Premières Nations, et cela, sans consultation, sans l’assentiment des Premières Nations. Cela me fait penser que ces modifications sont en fait contestables aux termes de l’article 35 de la Constitution, tel qu’il a été interprété dans de nombreuses décisions de la Cour suprême. Depuis la cause des Haïdas et la cause Delgamuukw jusqu’à l’affaire Marshall, il est clair que les Premières Nations au Canada sont protégées aux termes de l’article 35 de la Constitution. En outre, le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire, une obligation prévue par la Constitution, celle de consulter les Premières Nations.
À mon avis, deux dispositions du projet de loi sont tout simplement scandaleuses. En vertu des alinéas 3(1)b) et c), le ministre dispose en effet de deux moyens pour imposer arbitrairement aux Premières Nations un régime électoral différent. Comment pourrait-on bafouer davantage les droits des Premières Nations qu’en modifiant la manière dont elles peuvent mener leurs propres élections internes?
Les deux alinéas en question prévoient que le ministre peut ajouter le nom d’une Première Nation à l’annexe dressant la liste des Premières Nations dont les élections doivent avoir lieu conformément à la loi. Bref, la loi fera en sorte que les Premières Nations devront elles-mêmes demander qu’on leur accorde le droit de suivre la nouvelle procédure électorale instituée par le projet de loi C-9.
Ces deux exceptions sont tout simplement révoltantes. Les alinéas 3(1)b) et c) disent que le ministre peut ajouter le nom d’une Première Nation à l’annexe dans les cas suivants:
b) il est convaincu qu’un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci;
c) le gouverneur en conseil a rejeté l’élection du chef ou d’un des conseillers de cette première nation en vertu de l’article 79 de la Loi sur les Indiens sur la foi du rapport du ministre établissant qu’il y a eu des manoeuvres frauduleuses à l’égard de cette élection.
Comme le soulignait la section de l’Association du Barreau canadien responsable du droit autochtone, le projet de loi n’indique en rien ce qui pourrait constituer une manoeuvre frauduleuse, pas plus qu’il ne définit le seuil à partir duquel le ministre peut intervenir.
Voilà ce qui rend ces dispositions si offensantes: elles s’appliqueraient non seulement aux Premières Nations qui ont choisi d’intégrer les dispositions de la loi à leur régime électoral, mais aussi aux Premières Nations qui ont expressément choisi de ne pas se conformer à la Loi sur les Indiens et de conserver plutôt leurs traditions et coutumes. Y a-t-il une manière plus directe de bafouer leurs droits, je le demande encore une fois?
L’article 3 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est pourtant sans équivoque:
Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
Voici ce que dit maintenant l’article 4:
Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales […]
Ces dispositions aux alinéas 3(1)b) et c) s’en prennent à l’essence même de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et contreviennent à l’article 35 de la Constitution.
J’aurais préféré que ces articles soient corrigés à l’étape de l’étude en comité. J’espère que nous leur accorderons l’attention voulue aujourd’hui.
Dans le deuxième amendement, on propose que le projet de loi soit modifié après la ligne 13, à la page 3, par adjonction d’une disposition qui vise à protéger les droits des Premières Nations fonctionnant selon leurs propres coutumes. En voici le libellé:
Il est entendu que le ministre ne peut ajouter à l’annexe le nom d’une première nation dont les élections sont régies par la coutume de la bande, sauf si cet ajout a été approuvé conformément aux pratiques coutumières en vigueur.
Autrement dit, on protège le droit à l’autodétermination des Premières Nations qui ont déjà décidé de ne pas adhérer à la Loi sur les Indiens. Celles-ci conservent ce droit, qui est d’ailleurs inscrit dans la Constitution et dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et qui est donc aussi protégé par la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont c’est le 20e anniversaire aujourd’hui.
Je presse mes collègues de la Chambre d’examiner cet amendement. Celui-ci permettrait aux Premières Nations qui tiennent leurs élections selon leurs propres coutumes de garder ce droit.
Le deuxième amendement porte sur une notion plutôt discrétionnaire, à savoir les conflits prolongés liés à la direction d’une Première Nation. Il est arrivé que le ministre des Affaires autochtones, ou l’ancien ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, n’aime pas la façon dont certaines Premières Nations gèrent les élections. À titre d’exemple, mentionnons le cas de la Première Nation des Algonquins du lac Barrière. Le conflit est réel et le ministre finit par prendre parti. Ce faisant, il ne respecte pas le droit des Premières Nations à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale.
Dans cet amendement, je propose que le ministre ne puisse intervenir à moins d’avoir consulté un échantillon représentatif d’électeurs de la Première Nation concernée et que les membres de la Première Nation jugent l’intervention du ministre absolument nécessaire. Si nous n’amendons pas le projet de loi C-9, nous nous moquons des droits que la Constitution garantit aux Premières Nations.
Nous nous en moquerons également si nous n’amendons pas le projet de loi C-15 visant les Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest et celles des régions avoisinantes du Yukon qui ont des revendications territoriales concurrentes. Les dirigeants des Tlichos, des Dénés et d’autres Premières Nations exhortent le gouvernement à scinder le projet de loi, afin qu’il soit possible d’aller de l’avant avec le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest sans violer les droits des Premières Nations.
Une tendance se dessine, car le gouvernement gruge, petit à petit, des droits fondamentaux garantis par la Constitution et protégés par le droit international.
Avec les amendements que je propose, nous pourrions adopter le projet de loi C-9 en toute bonne conscience. Nous contribuerions ainsi à la bonne gouvernance, à des élections plus équitables et à des modalités plus transparentes. Cependant, si la Chambre l’adoptait dans sa forme actuelle, elle insulterait les Premières Nations et violerait la Constitution
André Bellavance : Monsieur le Président, je félicite la députée de Saanich—Gulf Islands pour son discours.
Je partage avec elle ses dires lorsqu’elle parle du projet de loi et de la responsabilité, de la bonne gouvernance et de la transparence qu’on y retrouve. Bien sûr, ce sont des notions et concepts sur lesquels nous pouvons nous mettre tout à fait d’accord. Ce n’est pas le coeur du projet de loi qui pose problème, mais la manière dont le gouvernement a imposé son projet de loi aux Premières Nations, qui est tout à fait illégitime.
Je voudrais demander à ma collègue si les gouvernements qui, habituellement, aiment beaucoup les précédents, n’auraient pas pu se servir de l’exemple du gouvernement du Québec, en 2002. Le premier ministre Bernard Landry, du Parti québécois, avait alors signé la Paix des Braves avec les Cris. Avant que le gouvernement impose un projet de loi ou fasse quoi que ce soit, il y a eu négociation en bonne et due forme avec les Premières Nations pour faire en sorte que la loi provienne véritablement des deux nations.
Effectivement, le gouvernement conservateur aurait pu se servir de cet exemple de précédent pour s’asseoir et négocier de nation à nation de façon tout à fait légitime avec les Premières Nations, afin d’en venir à une entente sur ce projet de loi. Nous n’en serions pas là aujourd’hui en train de dire que le gouvernement impose ses vues, ses opinions et ses options de façon paternaliste aux Premières Nations concernant la bonne gouvernance.
Elizabeth May : Monsieur le Président, je veux dire un grand merci à mon collègue, particulièrement parce qu’il m’a aidée ce matin en appuyant mes amendements.
C’est clair que le gouvernement fédéral impose ses solutions aux Premières Nations de façon absolument contraire aux droits autochtones se trouvant dans la Constitution du pays. Il faut respecter l’importance et la situation absolument unique des premiers peuples du Canada ainsi que leurs droits en tant que Premières Nations.
C’est vrai que les autres gouvernements ont fait un effort honnête de négociation de nation à nation dans le passé. C’est ainsi que l’on travaille ensemble avec respect.
Je trouve vraiment affreux que nous soyons ici ce matin devant un projet de loi qui concerne les élections des Premières Nations du Canada sans considération ni respect pour leur droits primordiaux.
Romeo Saganash : Monsieur le Président, je remercie la députée de Saanich—Gulf Islands de son discours. Je devrais parler de la magnifique circonscription de Saanich—Gulf Islands, même si elle n’est pas aussi magnifique que la mienne.
Elle a parlé de la Journée internationale des droits humains. Or j’étais présent à cette conférence mondiale sur les droits humains, à Vienne, pour amener le monde entier à reconnaître que les peuples autochtones étaient également des peuples, comme tous les autres peuples de la planète. Nous avons livré cette bataille longtemps.
Toutefois, j’aimerais revenir sur une question qui me semble importante dans ce débat sur les relations avec les premiers peuples de notre pays.
C’est une question importante, car on célèbre présentement la vie d’un personnage extraordinaire en la personne de Nelson Mandela, qui a défait un système qui n’avait aucun sens.
Ma collègue n’a-t-elle pas l’impression qu’avec la Loi sur les Indiens, on traite à peu près du même système que celui de l’apartheid en Afrique du Sud?
Elizabeth May : Monsieur le Président, je remercie mon collègue d’Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou. Je suis absolument étonnée d’apprendre qu’il était à la conférence, tenue à Vienne, pour le début de la reconnaissance du respect des droits humains internationaux.
C’est vrai que c’est une grande ironie que ce projet de loi concernant les Autochtones soit en quelque sorte basé sur le système d’apartheid, en Afrique du Sud. C’est exactement comme il l’a dit. C’est une question sérieuse pour les peuples autochtones, les premiers peuples au Canada, de même que pour le gouvernement du Canada. Il faut trouver une autre façon de travailler ensemble.
C’est clair qu’il faut réformer la Loi sur les Indiens. La meilleure forme de projet de loi n’est pas évidente, mais il faut qu’à la base les modifications aux lois du Canada concernant les Autochtones tiennent d’abord compte de ce que les premiers peuples désirent et ont besoin.
Il est inacceptable d’apporter une solution comme le projet de loi C-9, qui a été imposé aux Premières nations. La base des relations est le respect entre les deux nations. Il faut que le gouvernement fédéral et les Premières Nations aient des relations fondées sur le respect.
André Bellavance : Monsieur le Président, cela me fait plaisir de prendre également quelques minutes pour discuter du projet de loi C-9, Loi concernant l’élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs. Tout comme ma collègue, la chef du Parti vert, nous n’avons pas été invités à présenter des amendements au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. C’est la raison pour laquelle le Président nous a donné la permission de discuter de ces amendements à ce stade-ci, à l’étape du rapport.
Le projet de loi C-9 prévoit un régime de rechange à celui prévu par la Loi sur les Indiens pour régir l’élection des chefs et des conseillers au sein de certaines Premières Nations. Comme je le disais précédemment lorsque j’ai interrogé la députée de Saanich—Gulf Islands, au Bloc québécois, nous sommes bien sûr tout à fait d’accord avec la transparence, avec l’imputabilité et avec une meilleure gouvernance, qui est prévue dans le projet de loi C-9.
Le coeur du problème ne réside pas dans le projet de loi comme tel et dans ce qui s’y trouve concernant les améliorations à l’égard de ce que je viens d’énumérer. Il réside plutôt bel et bien dans la manière dont le gouvernement a imposé ses solutions et ses vues aux Premières Nations. C’est ce que je vais tenter de démontrer et je vais également présenter mon amendement au cours des minutes qui vont suivre.
Le Bloc québécois est d’accord avec les éléments concernant la durée des mandats des chefs et des conseillers qui serait limitée à quatre ans, à la possibilité de contester une élection devant un tribunal compétent ou à imposer des infractions et des peines. Toutefois, nous déplorons que le gouvernement conservateur n’ait pas consulté les Premières Nations avant d’aller de l’avant avec ces changements majeurs à la Loi sur les Indiens. Ce sont des changements unilatéraux. Le gouvernement a, comme c’est son habitude, agi de façon paternaliste. Et quand je parle du gouvernement, je parle des gouvernements fédéraux qui se sont succédé au fil de l’histoire. Donc, de façon paternaliste, on impose des changements unilatéraux aux Premières Nations, alors qu’on devrait savoir qu’il faut discuter de nation à nation quand il s’agit des peuples autochtones.
On s’entend ici pour dire que tout le monde est favorable pour qu’il y ait plus de transparence, non seulement lors des élections, mais aussi lors des mandats de chacun des élus. En effet, le gouvernement pourrait nous mentionner certains exemples où, dans des conseils de bande ou autres, des chefs, des dirigeants ou des conseillers, comme on le voit d’ailleurs dans n’importe quel peuple, peuvent avoir eu des comportements inadéquats concernant la bonne gouvernance. Là n’est pas le problème. Tout d’abord, comme l’a dit ma collègue du Parti vert tout à l’heure, il s’agit d’un projet de loi émanant du Sénat. Or avant d’arriver avec ce projet de loi, on aurait dû tout simplement faire ce que le gouvernement du Québec a fait en 2002 — et je vais en parler tout à l’heure. On aurait dû s’asseoir, discuter de nation à nation, en venir à une entente et proposer des changements. On aurait sans aucun doute obtenu l’unanimité ici, dans cette Chambre, en faveur d’un tel projet de loi si, bien sûr, il avait été entériné par les Premières Nations.
Toutefois, on ne peut pas agir sans prendre en considération les droits de ces Premières Nations touchées par le projet de loi, les répercussions directes du projet de loi sur les structures mêmes des communautés et les conséquences que celles-ci peuvent avoir au sein des communautés. Les Premières Nations ne sont pas contre les changements proposés par le fédéral. Elles veulent être consultées et être parties prenantes aux décisions qui auront un effet direct sur elles. C’est un dialogue contrairement à un monologue.
Ce qu’on demande au gouvernement conservateur, c’est de s’asseoir pour dialoguer, pour négocier, pour s’entendre avec les Premières Nations et non pas d’avoir un dialogue de sourds ou de tenir un monologue en disant: voilà ce qui est bon pour vous. Cela revient à ce que je disais tout à l’heure quand je qualifiais l’attitude des gouvernements au Parlement fédéral depuis les tout premiers temps. Ils ont fait montre d’une attitude paternaliste envers les Premières Nations.
Je donnais l’exemple de la Paix des Braves et c’est important d’y revenir. En effet, en 2002, c’est un accord historique qui a été signé entres les Cris et le gouvernement du Québec, qui était alors dirigé par Bernard Landry, chef du Parti québécois. La Paix des Braves est un exemple à suivre. Bien sûr, il y a eu des améliorations économiques pour bien des peuples, mais bien des problèmes subsistent encore. Ce n’est pas l’exemple à suivre pour dire que tout à été réglé. C’est l’exemple à suivre concernant une négociation pour en arriver à une entente formelle qui fait en sorte qu’on a effectué, proposé et fait des changements qui étaient en accord avec les gens et les communautés concernés. On sait que l’Assemblée nationale du Québec a reconnu les Premières Nations comme des nations et que la Paix des Braves est une entente entre nations, avait souligné Bernard Landry, lorsqu’il a été interrogé par une journaliste qui rapportait, quelques années plus tard, ce qui était advenu de la Paix des Braves.
Je tiens à rappeler que Québec s’était alors engagé à associer les Cris à la mise en valeur du Nord et à leur verser 4,5 milliards de dollars sur 50 ans. En échange, les Cris ont mis un terme à certaines revendications territoriales. Quelques mois plus tard, le Québec a signé avec les Inuit l’entente Sanarrutik, qui vise à accélérer la croissance économique et communautaire du Grand Nord québécois.
La Paix des Braves et l’entente conclue entre Ottawa et les Cris d’Eeyou Istchee en 2008 ont transformé les Cris du Québec en nation prospère. Les 16 000 Autochtones de la Baie James ont maintenant un revenu personnel disponible parmi les plus élevés au Québec. D’ailleurs, c’est ce qu’avait indiqué le journal La Presse dans un article paru en 2011.
Toutefois, comme je le disais, tout n’est pas rose. Les problèmes de santé et la pénurie de logements demeurent et la distribution de la richesse demeure toujours inéquitable, malgré une amélioration dans le cas de certaines personnes. À ce jour, 92 % des jeunes Cris ont interrompu leur parcours scolaire sans avoir obtenu un diplôme ou une qualification. Comme je l’ai dit, ce n’est pas une panacée, mais bel et bien un exemple de négociation. C’est le rappel que je voulais faire concernant la Paix des Braves.
Je ne comprends pas les gouvernements qui fonctionnent en général par précédent. Le gouvernement aurait pu se servir du précédent au sujet de cette entente signée en 2002 pour faire en sorte d’en arriver à un projet de loi entériné par les Premières Nations touchées.
Je parlerai maintenant de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui a développé, depuis fort longtemps, un protocole de consultation que le gouvernement devrait suivre lors des projets de loi et des actions qui touchent les Premières Nations du Québec et du Labrador.
Dans ce protocole, on retrouve, d’une part, l’obligation de consulter et d’accommoder les Premières Nations avant d’entreprendre des actions qui pourraient porter atteinte aux intérêts des Premières Nations. Ces actions incluent la modification ou l’adoption de lois et de règlements, l’établissement de politiques, les processus de planification, la modification ou l’adoption de régimes de répartition des ressources, ainsi que l’approbation de projets ou de la répartition des ressources spécifiques. Un rapport de consultation et d’accommodement devrait être préparé.
D’autre part, on y retrouve l’obligation de faire un suivi du processus de consultation et d’accommodement. De plus, tel que prévu dans le plan de consultation, des fonds doivent être disponibles pour l’établissement, le financement et l’application du programme de suivi, des mesures d’atténuation et de la surveillance de la conformité en ce qui concerne l’action envisagée.
Il existe donc déjà une façon de procéder de la part des Premières Nations qui devrait être respectée par les autres ordres de gouvernement, notamment le gouvernement fédéral. Il est vraiment dommage que le gouvernement ait décidé d’outrepasser ce protocole de consultation auprès de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. Nous souhaitons que cette mise en oeuvre du projet de loi ne soit pas dommageable pour les communautés.
On s’entend aussi pour dire que le protocole de consultation auprès des membres de l’assemblée n’a pas été suivi et que le projet de loi sera adopté grâce à la majorité du gouvernement. C’est pourquoi le Bloc québécois propose d’amender le projet de loi afin de respecter, au minimum, la deuxième partie du protocole, où il serait possible de vérifier les impacts du projet de loi sur les communautés. Nous proposons donc ce qui suit, à l’article 41.1:
Dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la présente loi et par la suite tous les trois ans, le ministre établit un rapport sur l’application de la présente loi et les effets de celle-ci sur les élections des conseils de bande et les élections dans les réserves.
Encore une fois, je parlerai de précédents. Quelqu’un pourrait demander pourquoi on le fait maintenant si cela ne s’est jamais produit auparavant. Or cela s’est déjà produit dans le cadre du projet de loi C-21, qui concernait l’abrogation de l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui touchait les Premières Nations. À l’époque, le gouvernement était minoritaire. C’était donc l’opposition qui avait exigé que les changements soient revus tous les cinq ans, et elle avait voté majoritairement. Il existe donc un précédent.
Pour terminer, nous aurions aussi aimé introduire des mesures de financement et d’atténuation des répercussions, ce qui aurait été jugé irrecevable, malheureusement. Toutefois, nous profitons de l’occasion pour inviter le gouvernement à mettre cet aspect en oeuvre.