Au début février, j’ai traversé les dédales du site Web de l’Office national de l’énergie (ONE) pour demander le titre d’intervenante aux audiences prochaines sur le projet d’expansion considérable du pipeline Kinder Morgan et la circulation de pétroliers pour exporter le bitume non transformé.
Le 3 avril, l’ONE a annoncé ceux qui seraient autorisés à commenter (écrire une lettre) et ceux qui seraient autorisés à intervenir (participer activement aux audiences).
Un des gros changements entre le moment où le projet Enbridge Northern Gateway est passé par les audiences de l’ONE et aujourd’hui est l’impact du projet de loi mammouth du printemps 2012, le projet de loi C38. L’abrogation de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et son remplacement par la pseudo LCEE de 2012 du projet de loi C38 a aboli le droit du public de participer à l’évolution du droit environnemental canadien.
Désormais, seules les personnes directement touchées ont accès aux processus d’examen et l’échéancier a été raccourci. Les audiences sur le projet Enbridge ont duré plusieurs années, mais celles sur le pipeline Kinder Morgan devront prendre fin dans 15 mois. Les recommandations de l’ONE sur le pipeline Kinder Morgan seront soumises au cabinet fédéral d’ici le 2 juillet 2015.
Il serait très naïf de penser que l’ONE dirait non à un pipeline. Il ne l’a jamais fait. Par contre, il offre l’occasion essentielle pour prouver que le projet est mal conçu et dangereux et que les arguments contre le pipeline reposent sur des données solides.
Des choix injustifiés
Plus de 2 100 organismes et individus ont demandé à participer aux audiences. Résultat : 400 ont obtenu le titre d’intervenants, 1 200 ont obtenu le droit d’écrire une lettre et 468 ont été rejetés.
Aucune raison n’a été donnée. Certains résidants voisins opposés au projet qui ont soumis des demandes similaires ont découvert que l’un avait été approuvé et que l’autre avait été rejeté.
Certains groupes environnementaux ont été rejetés, comme la Dogwood Initiative, tandis que d’autres ont été acceptés, par exemple Nature Canada.
Dans son communiqué, l’ONE déclare simplement que ces personnes et organisations n’ont pas prouvé, à sa satisfaction, qu’elles sont directement touchées par le projet ou qu’elles possèdent de l’information pertinente ou une expertise qui pourraient aider l’ONE dans son évaluation.
Une lecture plus approfondie révèle quelques surprises. Le terme « intervenant » laisse penser qu’il s’agit de citoyens préoccupés par le projet, qu’ils soient pour ou contre. Mais des 400 intervenants, seulement 225 sont des particuliers. Au nombre des intervenants on compte six ministères fédéraux, le gouvernement de l’Alberta, trois ministères provinciaux de la Colombie-Britannique, 24 administrations municipales ainsi que des représentants du gouvernement américain (Agence de protection de l’environnement) et de l’État de Washington.
Vingt-et-un groupes environnementaux ont été acceptés, mais 16 sociétés œuvrant dans le domaine du carburant fossile l’ont été aussi. Enbridge sera un intervenant dans la demande de Kinder Morgan de même que Chevron, Imperial-Exxon, Nexen (propriété de CNOOC de la République populaire de Chine), Statoil, (une entreprise d’État du gouvernement norvégien), BP Canada et d’autres.
Ma demande a été acceptée. J’ai fait valoir mon expertise et mes connaissances pertinentes du fait de mon expérience professionnelle dans les domaines du droit et des politiques de l’environnement, mais aussi en tant que députée de Saanich—Gulf Islands. J’ai expliqué que, géographiquement, la circonscription de Saanich—Gulf Islands se trouve sur le route qu’emprunteront les pétroliers chargés de bitume qui desserviront les projets proposés. À ce titre, mes électeurs sont profondément préoccupés par ce projet et s’attendent à ce que je présente leurs inquiétudes au cours de ce processus.
Les députés néodémocrates Peter Julian et Murray Rankin ont également été acceptés, de même que le député provincial du Parti vert, Andrew Weaver. Le chef intérimaire du Parti vert de la Colombie-Britannique, Adam Olsen, a été également accepté à titre individuel, mais pour le segment des audiences qui porteront sur les Premières Nations.
Une soixantaine de Premières Nations ont soumis une demande et elles ont toutes été acceptées, y compris les quatre Premières Nations de Saanich—Gulf Islands. Les enjeux relatifs aux Premières Nations seront entendus à l’automne. Les audiences pour les autres sujets débuteront en janvier.
À titre d’intervenante, j’ai reçu l’autorisation de discuter des 12 dossiers que l’ONE a acceptés : impact environnemental et social éventuel du projet; répercussions environnementales cumulatives; faisabilité économique du projet proposé; caractère approprié du trajet général et des exigences du projet proposé en matière de terrain; impact environnemental et socioéconomique éventuel des activités de transport maritime; impact du projet sur les intérêts autochtones; plan d’urgence en cas de déversements, d’accidents et d’incidents; faisabilité économique du projet. Pendant les audiences, il ne sera pas permis de discuter de l’impact en amont de l’accroissement des activités des sables bitumineux et des impacts sur le climat.
Les intervenants ont habituellement le droit de contre-interroger les témoins au sujet des éléments de preuve. Dans ce casci, ce droit a été limité. J’envisage de faire appel aux tribunaux pour protéger mon droit de contre-interroger les témoins.
Je vous saurai gré de votre aide. Je veux présenter les perspectives du plus grand nombre d’électeurs possible. J’étudierai toutes les propositions novatrices. J’espère présenter les éléments de preuve recueillis de citoyens bien informés et mobilisés de Saanich—Gulf Islands et des collectivités touchées.
Les risques que représentent pour nos collectivités les quelque 400 pétroliers qui, chaque année, transporteront le bitume dilué doivent être révélés. Nous devons obtenir l’appui de tous nos alliés, y compris dans l’État de Washington et de l’Agence de protection environnementale des États-Unis, qui pourraient s’objecter au projet. Il ne faut pas abandonner! Notre eau, nos côtes, l’environnement marin et les espèces qui dépendent de ce milieu sont trop importants.