Elizabeth May : Monsieur le Président, je prends la parole pour invoquer le Règlement et faire valoir les droits dont je peux me prévaloir à l’étape du rapport sur le projet de loi C-23, la Loi sur l’intégrité des élections.
Comme vous vous en souviendrez, monsieur le Président, la question des droits des députés indépendants et des droits des députés qui, comme moi, sont membres de partis qui n’ont pas encore obtenu 12 sièges et ne sont pas encore reconnus, en ce sens, a été soulevée à quelques reprises. Nous connaissons les principes qui sont en jeu en ce moment, c’est-à-dire que, en théorie, tous les députés sont égaux et que, comme bon nombre de vos décisions en témoignent, monsieur le Président, ils ont le droit et la responsabilité de se pencher sur chaque mesure législative examinée ici et de présenter des amendements visant à les améliorer.
Je n’ai pas l’intention de m’éterniser sur ce rappel au Règlement. Il sera aussi bref que possible. J’aimerais examiner la situation dans laquelle je me trouve et la comparer à celle qui survient habituellement lors des séances des comités.
Donc, en raison des règles de procédure parlementaire, les députés dans ma position — c’est-à-dire soit des membres de partis plus restreints, soit des députés indépendants — ont, à première vue, le droit de présenter des amendements de fond à l’étape du rapport parce qu’ils ne sont pas autorisés à être membres à part entière, ou membres tout court, de comités parlementaires.
Monsieur le Président, je ne vais pas faire traîner les choses en évoquant des précédents ou en citant des propos qui ont été tenus précédemment. Je songe notamment à ceux que le leader du gouvernement à la Chambre a tenus en novembre 2012 et dont vous vous souvenez sans doute. Il avait alors laissé entendre que des personnes comme moi — en fait, il a mentionné que ses efforts visaient la députée de Saanich—Gulf Islands — ne devraient pas être autorisées à présenter des amendements de fond à l’étape du rapport, mais qu’elles devraient plutôt présenter un amendement à l’essai et que, dans l’éventualité de son rejet, elles ne pourraient en présenter aucun autre.
Monsieur le Président, vous avez établi en décembre 2012 que ce ne serait pas suffisant. Vous avez cité, d’un ton approbateur, des paroles prononcées par l’ancien Président John Fraser, qui a dit le 10 octobre 1989 que « […] nous sommes une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif ou de type administratif ».
Vous avez ajouté, monsieur le Président, qu’à défaut d’avoir le droit de présenter des amendements au comité, je devais être en mesure de les présenter à l’étape du rapport. Vous avez ensuite entrouvert la porte en disant que s’il était possible de trouver un « mécanisme satisfaisant » pour que les députés dans une situation comme la mienne puissent faire examiner des amendements au comité, je n’aurais pas la double capacité d’en présenter à l’étape du rapport.
Monsieur le Président, les conservateurs se sont très bien servis de la porte que vous avez laissée entrouverte dans votre décision de décembre 2012. Ils ont créé des motions identiques qu’ils ont présentées à chaque comité juste après le discours du Trône de l’automne 2013, et j’ai dû composer avec ce nouvel ensemble de règles.
Étant donné que mon rappel au Règlement concerne précisément le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, je peux faire allusion à sa motion, même si en réalité toutes les motions adoptées par les comités étaient identiques. Celle-ci a été présentée et approuvée par le comité le 29 octobre 2013. Je ne vais pas la lire au complet. Je vais plutôt me contenter d’en faire un résumé.
Si d’autres députés dans ma situation veulent que leurs amendements soient examinés, ils doivent comme moi les présenter au comité 48 heures avant le commencement de l’étude article par article, et ils seront réputés avoir été proposés, car à défaut d’être membre du comité, je ne peux évidemment pas les proposer moi-même. De plus, je ne peux pas en débattre ni participer pleinement aux échanges lors de la comparution des témoins.
Selon moi, ce processus n’est pas du tout satisfaisant. Monsieur le Président, l’intention de la décision que vous avez rendue à l’automne 2012 était claire: le processus doit être satisfaisant pour le comité et pour les députés qui sont dans la même situation que moi.
Quoi qu’il en soit, je me suis accommodée de ces règles. Je fais de mon mieux pour les respecter. J’ai essayé de présenter des amendements au moins 48 heures avant l’étude article par article et de respecter la moindre restriction établie dans ces règles.
Voici l’aspect clé. L’alinéa c) dit ceci. Que:
(c) au cours de l’étude article par article d’un projet de loi, le président permette à un député qui a présenté ses amendements conformément à l’alinéa a) de faire de brèves observations pour les appuyer. |
Permettez-moi de dire quelques mots. Le président du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui était chargé d’étudier le projet de loi C-23, a fait un travail exemplaire. Il a presque été trop juste et il a réussi à maintenir une ambiance amicale entre les députés de tous les partis au cours de l’étude d’un projet de loi très controversé et très délicat. Je ne le blâme pas du tout de n’avoir pu se plier à une condition touchant à toute contribution de ma part aux travaux du comité.
J’ai présenté mes amendements. Ils ont été réputés proposés. Par contre, jeudi dernier, quand il fut 17 heures, il m’en restait 11 qui n’avaient pas encore été abordés. Le comité n’en a pas débattu, et on ne m’a pas permis d’en parler ou de présenter des observations à leur sujet.
Permettez-moi de revenir un instant sur la situation normale. À mon avis, il y a beaucoup de députés dans cette enceinte, surtout ceux qui veulent nier mes droits à ce stade-ci, qui se rabattront sur l’opinion habituelle voulant qu’un comité soit maître de ses propres affaires. C’est un comité qui a pris la décision; il a décidé qu’il devait terminer ses travaux à 17 heures dans le cadre d’un débat, afin de terminer à minuit l’étude article par article. Qu’importe qu’une telle règle bafoue la démocratie à la Chambre. Le comité a adopté la règle, le Président ne peut donc intervenir.
Dans ce cas-ci, la situation est extrêmement différente. Elle ne se compare en aucune manière à la décision que vous avez rendue, par exemple, dans le cas du député de Kings—Hants, qui se plaignait d’un processus similaire. Votre décision du 29 novembre 2012 porte sur cet ensemble précis de paramètres, soit sur une procédure d’un comité dans laquelle le Président n’intervient pas. Le Président, comme le veut l’opinion courante, n’à pas à s’ingérer dans les travaux des comités, car ces derniers sont maîtres de leurs propres affaires, sauf dans ce cas-ci.
C’est uniquement en raison de votre décision que l’on peut, à l’étape du rapport, bafouer mes droits, les limiter et, en somme, les abolir si une procédure est jugé satisfaisante, conformément à votre décision. C’est uniquement en raison de votre décision que l’on a inventé cette nouvelle procédure. Celle-ci dit sans équivoque que, à un député dont les droits sont moindres, qui n’a pas la possibilité de participer pleinement, ni de voter, ni de présenter des amendements, ni de poser des questions aux témoins, le président d’un comité accordera quelque chose de très restreint et limité, qui, à mon sens, est d’une certaine manière trompeur.
Cependant, à tout le moins, cette motion adoptée par tous les comités maintient le droit de tous les députés — qui jouissent de droits égaux, notamment lorsqu’il s’agit de présenter des amendements à l’étape de l’étude article par article, qu’ils soient indépendants, comme le député d’Edmonton—St. Albert, le député de Peterborough ou la députée d’Ahuntsic, ou encore les députés du Bloc québécois ou ceux du Parti vert — de contribuer au débat sur tous les projets de loi dont nous sommes saisis, que nous siégions ou non au comité.
Une nouvelle structure a été créée. Nous nous y sommes conformés. Beaucoup d’entre nous, pas seulement moi, avons travaillé fort pour présenter des amendements à l’étape de l’étude article par article, sachant que nous aurions au moins 60 secondes par amendement pour les décrire et les faire valoir.
En l’occurrence, j’estime que le Parti conservateur majoritaire s’est fait prendre à son propre piège. Il ne peut mettre fin au débat à 17 heures un jeudi avec un coup de marteau, empêchant les députés indépendants et ceux des petits partis de présenter leurs amendements plus tard à l’étape du rapport. Il peut avoir l’un ou l’autre, mais pas les deux.
Il a créé un processus qui nous oblige à courir d’un comité à l’autre pour participer aux études article par article. Nous devrions au moins avoir le droit de présenter nos amendements au comité. Si ce droit nous est retiré unilatéralement, j’estime que nous n’avons pas d’autre choix que de revenir aux règles générales de procédure parlementaire telles que décrites dans l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, qui affirment très clairement que les députés dans ma position, les députés des petits partis et les députés indépendants ont le droit de présenter des amendements de fond à l’étape du rapport. C’est ce que je compte faire demain.
Étant donné que le comité n’a pas respecté sa propre motion, je vous encourage à déterminer qu’on n’est plus dans une position de faire valoir que les comités établissent leurs propres règles.
Le comité a offert une fausse occasion aux députés indépendants et à ceux des petits partis. Je ne peux pas dire qu’on nous ait encouragé ou invité; on nous a plutôt obligé de participer à un processus qui nous a été imposé.
Monsieur le Président, puisque c’est aux termes de votre propre décision que ce faux processus a été mis au point, j’estime que les comités devraient au moins le respecter. S’ils ne le respectent pas, nous devrions revenir aux règles habituelles qui nous donnent le droit de présenter des amendements au moment de l’étude article par article du projet de loi C-23 à l’étape du rapport.