Elizabeth May : Monsieur le président, j’ai quelques questions à poser, mais je préférerais examiner le projet de loi C-33 et déterminer comment nous en sommes arrivés là.
La secrétaire parlementaire a parlé des électeurs. J’ai aussi des électeurs, dont un grand nombre qui travaillent chez Air Canada. Je sais qu’ils sont travailleurs. Je sais qu’ils ont accepté bien des concessions pour aider leur employeur, deux milliards de dollars en concessions salariales au cours des dix dernières années.
Je leur suis reconnaissante à tous, car il se trouve que je voyage avec Air Canada pour me déplacer entre mon lieu de résidence, en Colombie-Britannique, et Ottawa. J’admets à la Chambre que j’ai une peur bleue de prendre l’avion. Pour moi, c’est comme pour la plupart des gens aller chez le dentiste. Je ne me sens relativement à l’aise qu’avec Air Canada. Je suis rassurée par son bilan de sécurité, le travail des mécaniciens et le travail des pilotes. J’aimerais saluer leur travail et exprimer ma déception à la ministre du Travail du fait que nous ne leur permettons pas de se prévaloir de leur droit de négociation collective d’une manière juste.
Le projet de loi a beau ne pas être volumineux, il est percutant. En présentant de telles mesures législatives, je pense qu’on cherche à miner le droit à la négociation collective au Canada. Je suis sûr que les fonctionnaires suivent le débat qui se déroule en ce moment. Le gouvernement a de plus en plus tendance à miner les droits des travailleurs au Canada, comme l’a illustré le projet de loi de retour au travail visant la Société canadienne des postes.
À propos des dispositions mêmes du projet de loi, je ne pense jamais avoir vu des articles comme les articles 4 et 19. Les projets de loi de retour au travail portent habituellement sur une situation d’arrêt de travail. En l’occurrence, il semble qu’on ait présenté un projet de loi en prévision d’un éventuel arrêt de travail. L’article 4 porte sur les services aériens. L’article 19, sur les pilotes. Dans ces deux articles du projet de loi qu’on nous demande d’adopter ce soir, on tient pour acquis que si la loi entre en vigueur avant une grève ou un lock-out, il y aura un gel. Le droit de lock-out et le droit de grève seraient suspendus.
Cela me semble inhabituel comparativement aux projets de loi de retour au travail dont la Chambre a été saisie durant la 41e législature; c’est inhabituel dans les relations de travail en général. L’interdiction anticipée de toute grève éventuelle mine les relations de travail. Lorsque la direction d’une entreprise sait qu’un projet de loi de retour au travail a été présenté, elle a tendance à ne pas participer aussi activement qu’elle le devrait à la négociation collective et à faire des compromis.
J’accepte ce qu’a dit la ministre du Travail comme quoi, au terme d’un processus de conciliation présidé par un juge très respecté, les travailleurs ont rejeté l’entente proposée. C’est leur droit. Ne pourrions-nous donc pas nous prévaloir de ces mêmes mécanismes pour poursuivre les négociations et donner aux travailleurs la chance d’exercer leur droit à la négociation collective libre et juste, de rejeter ou d’accepter les modalités d’une entente qui touche à tous les aspects de leur vie professionnelle?
L’article 11, la disposition sur le choix de l’offre finale, m’inquiète aussi beaucoup. Je me demande comment on en est arrivé à quelque chose de si totalement arbitraire. Le député de Cap Breton—Canso a déjà cité les motifs de la décision du juge, où celui-ci exprime son opinion à propos des décisions arbitrales prises par le passé concernant Postes Canada et que la Chambre a dû adopter malgré elle en juin dernier. Et voilà qu’on nous propose la même chose à nouveau.
Même en cette heure tardive, ne pourrions-nous pas apporter un amendement à cette mesure législative afin de veiller à la défense des droits normaux en matière de négociation collective en ce qui concerne le choix d’un arbitre?
Le secrétaire parlementaire a mentionné qu’il a déjà travaillé pour une équipe de hockey dans sa vie antérieure. Personnellement, j’ai pratiqué le droit du travail à Halifax dans un merveilleux cabinet qui s’appelait alors Kitz, Matheson, Green & Maclsaac. C’était le seul grand cabinet d’avocats établi au centre-ville qui faisait du droit du travail du côté syndical. Nous avons négocié de nombreuses conventions et fait beaucoup d’arbitrage. Le choix de l’arbitre était toujours la première étape. Le syndicat et la direction de l’entreprise présentaient tous deux une liste de noms. Il y avait ensuite un processus de sélection. En général, des compromis étaient faits de part et d’autre pour choisir le bon arbitre.
Dans le cas présent, on passe très rapidement aux approches les plus strictes et les plus draconiennes en matière d’arbitrage. L’arbitre fait le choix de l’offre finale et sa décision est exécutoire. En outre, ni le syndicat ni la direction n’auront leur mot à dire dans le choix de l’arbitre.
J’aimerais demander à la ministre du Travail si elle peut répondre à la question suivante. Même à un moment aussi avancé du processus devant le comité plénier, la ministre serait-elle prête à envisager un amendement qui permettrait au syndicat et à la direction de présenter chacun une liste d’arbitres avant que le choix ne soit fait?
Je ne suis pas certaine que la ministre a entendu ma question. Accepterait-elle un amendement qui permettrait à la direction et au syndicat de présenter une liste de noms d’arbitres acceptables pour remplacer l’actuel article 11?
L’hon. Lisa Raitt : Monsieur le président, je peux dire que, dans la procédure que nous avons suivie dans le cas de Postes Canada et du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, nous avons effectivement consulté les deux parties quand est venu le temps de nommer un arbitre. Nous leur avons demandé leur avis non pas une, mais bien deux fois, et je ne vois pas pourquoi nous ne procéderions pas de la même façon dans le cas présent. Cependant, il n’est pas nécessaire d’apporter d’amendement au projet de loi pour exercer ce pouvoir discrétionnaire.