Elizabeth May : Madame la Présidente, le présent débat dure maintenant depuis plusieurs jours civils, mais comme nous le savons, la date de la séance n’a pas changé. J’espère que nos positions ne demeureront pas figées comme la date du jeudi 23 juin inscrite sur le bureau.
Je vais passer en revue certains des aspects de la situation que j’estime fondamentaux et essayer d’y jeter de la lumière dans l’espoir de contribuer positivement à notre discussion.
Il faut d’abord regarder Postes Canada. C’est le plus important service public de livraison de courrier et de prestation d’autres services fort importants pour nous.
Il importe de souligner que la société, en tant que service public, a été profitable au cours des 15 dernières années. Je souligne aussi que la société rencontre des difficultés et que sa marge de profit diminue à cause de la concurrence que lui livrent d’autres secteurs, notamment le courrier électronique et les transporteurs commerciaux comme UPS et FedEx, et ce, même si elle a pu prendre le contrôle de Purolator et qu’elle en tire de bons profits.
Postes Canada doit relever de nombreux défis. Si elle continue de réaliser des profits — la dernière année que j’ai pu trouver est 2009, et ses profits ont été de 281 millions —, c’est entre autres grâce au dévouement et au professionnalisme de ses employés.
Ce sont là de bons points de départ pour le maintien de ce que nous voulons. Je présume que nous voulons tous que Postes Canada demeure un service public et qu’elle ne soit pas privatisée. Je conviens avec mes collègues de l’opposition officielle que ça risque d’arriver, mais je ne crois pas comme eux que ce soit si flagrant. Nous devons nous prémunir contre la privatisation en veillant à ce que Postes Canada demeure publique et rentable.
À cela s’ajoutent maintenant, et ce, depuis un certain temps, des relations difficiles entre la direction de Postes Canada et le STTP. Les questions encore en litige, quand tout s’est écroulé, n’avaient en réalité rien à voir avec les salaires, sauf en ce qui concerne l’écart salarial des nouveaux employés. Il y avait aussi des questions de santé et de sécurité, ce qui est normal compte tenu de ce que vivent les travailleurs des postes, ainsi que des questions de dotation, de congés de maladie, d’invalidité de courte durée, de salaires, de pensions, d’avantages sociaux, de création d’emploi et de formation, comme c’est toujours le cas.
Ces questions peuvent certainement être résolues. J’ai exercé dans divers domaines du droit et, en particulier, pendant trois ans environ, dans le domaine du droit du travail, du côté syndical. Je connais assez bien les conventions collectives et la négociation, puisque j’ai travaillé auprès de syndicats et vécu de longues négociations. Huit mois, ce n’est pas si long, à condition que la convention collective soit respectée et maintenue pendant que les parties négocient.
C’est en gros le portrait que j’ai pu dresser, et j’estime qu’il est important de l’examiner de plus près.
Nous savons tous dans quel ordre les choses se sont déroulées. Quand les négociations ont commencé à battre de l’aile, le STTP a déclenché des grèves tournantes, qui ont mené, quelques jours à peine plus tard, au lock-out. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que la réaction de Postes Canada était quelque peu inexplicable, car elle a complètement paralysé les services postaux au Canada. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Parlons d’abord des points sur lesquels nous nous entendons. Je passerai ensuite aux faux-fuyants auxquels je ne peux adhérer. Je crois que nous voulons tous que les services postaux soient rétablis, et qu’ils le soient le plus rapidement possible. Et nous serons probablement tous d’accord également pour dire que nous ne devrions pas être ici à 2 h 15 un samedi matin. Cette supposition fera sans doute l’unanimité dans la salle.
Cependant, malgré les manquements occasionnels au décorum, les députés de tous les partis ont fait preuve d’un sens du devoir, reconnaissant que nous sommes ici pour discuter d’un problème important. Il nous incombe à nous, membres élus du Parlement, de ne pas simplement argumenter sans fin, mais de trouver une solution.
Je pense que nous serons tous d’accord là-dessus.
Quels sont les faux-fuyants selon moi? Quelques-uns découlent vraisemblablement de la culture générale de cet endroit, qui baigne trop souvent dans la partisanerie, mais je n’insisterai pas sur ce point. Toutefois, je ne peux pas voter en faveur de cette loi telle qu’elle est rédigée en ce moment.
Je ne suis pas à l’aise avec certaines des accusations qui ont été lancées. Des membres de l’opposition officielle ont soulevé de bons points, mais ils sont toutefois allés un peu trop loin. Cela me paraît parfois comme des interventions un peu trop partisanes, des coups bas. Je peux cependant dire la même chose des membres du gouvernement qui ont voulu défendre la loi proposée. Si nous pouvions refroidir un peu nos ardeurs, ce serait profitable. Loin de moi l’intention de faire la morale à qui que ce soit, alors j’espère que mes collègues me le pardonneront.
Je crois cependant qu’en voulant défendre la mesure législative du gouvernement, certains députés ministériels sont allés trop loin. Si nous pouvions modérer un tant soit peu nos transports, je crois que nous en sortirions tous gagnants. Je ne voudrais surtout pas avoir l’air de faire des sermons, alors si jamais c’est l’impression que je donne, j’espère que les députés vont me pardonner.
Je crois que l’un de problèmes dans le débat d’aujourd’hui, l’une des choses qui fait que nous nous écartons comme nous le faisons du sujet, tient à la nature de notre travail, en tant que députés, et aux mesures que nous devons prendre pour que le courrier recommence à être distribué et que les deux parties puissent prendre part à un processus de négociation collective équitable. C’est notre travail. Je ne vois pas ce que le fait que d’autres travailleurs ne profitent pas de conditions aussi avantageuses vient faire dans le débat.
Personnellement, avant le 2 mai, je n’ai jamais eu de régime de retraite, ni d’assurance-collective ni de congés payés. Ni moi ni personne dans ma famille, d’ailleurs. Mais ça n’a rien à voir avec le débat d’aujourd’hui. Aujourd’hui, nous devons faire en sorte que les droits juridiques que le STTP a négociés, dans le plus grand respect des lois canadiennes, soient respectés. Ce n’est pas insulter les autres travailleurs que de respecter les droits des syndiqués. Personne ne cherche à créer monter un groupe de travailleurs contre un autre.
Nous avons l’obligation de respecter la législation canadienne. En vertu de celle-ci, le STTP a négocié une convention collective légitime, qui est valide dans le cadre de la prestation d’un service public important, soit celui des postes. Les travailleurs accomplissent un travail fantastique, notamment parce qu’ils ont un bon syndicat qui sait négocier. Voilà le problème.
Il y a aussi d’autres problèmes. Le jugement rendu par la Cour suprême en 2007 dans l’affaire concernant les travailleurs hospitaliers de la Colombie-Britannique a-t-il quelque chose à voir? Je sais que le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a affirmé le contraire, mais, à mon avis, on peut en douter.
Je voudrais maintenant parler des divergences de vues entre nous. Certains députés sont convaincus que le meilleur moyen de restaurer le service postal est de faire adopter le projet de loi C-6 contre vents et marées, tandis que d’autres estiment que c’est plutôt en s’y opposant bec et ongles, dans l’espoir que, d’une façon ou d’une autre, les parties parviennent à s’entendre pendant que nous débattons ici, depuis le 23 juin, dans un état léthargique.
Toutefois, c’est aux députés qu’il incombe maintenant de résoudre la situation. J’ai proposé une solution plus tôt aujourd’hui et j’inviterais mes collègues du côté ministériel à l’envisager. Le moyen le plus rapide de restaurer le service postal — ce qui, je le sais, est notre principal objectif — serait d’apporter des amendements au projet de loi C-6 qui nous permettront à tous de dire que nous avons respecté le droit à la négociation collective, le droit du travail en vigueur au Canada et les travailleurs canadiens et que nous avons agi avec célérité dans l’intérêt de tous, tant les petites entreprises que les particuliers et les familles qui attendent des chèques.
Nous ne devrions pas nous permettre de nous laisser aveugler par nos propres convictions tant et si bien que nous en oublions que, pour restaurer le service postal le plus rapidement possible, il suffirait d’apporter des amendements au projet de loi C-6 de façon à parvenir à un consensus, à restaurer le service postal et à rentrer chez nous à un moment donné ou l’autre ce week-end.