Elizabeth May : Monsieur le Président, je prends la parole ce soir pour approfondir une question que j’ai posée au ministre des Affaires étrangères le 5 mars.
Ce dont il est question, c’est l’intégrité de la capacité du Canada d’imposer des sanctions à l’Iran alors même que nous renforçons nos liens commerciaux avec de nouveaux marchés ou de nouveaux partenaires — peu importe comment nous voulons les appeler. Il se trouve que nous permettons à des entreprises appartenant à l’État chinois, au Parti communiste, d’investir de plus en plus massivement au Canada.
Certaines de ces entreprises — et je ne veux pas seulement parler des entreprises d’État chinoises — investissent beaucoup d’argent en Iran. Le plus gros acheteur de pétrole iranien est Sinopec, qui, comme les gens le savent peut-être, investit énormément dans nos sables pétrolifères. Cette entreprise a racheté la part de 9 % que ConocoPhillips détenait dans l’exploitant de sables pétrolifères Syncrude. Sinopec détient donc des parts importantes dans Syncrude. Or, ce n’est pas la seule entreprise à faire des affaires avec l’Iran et à investir au Canada.
Permettez-moi également de mentionner que la China National Offshore Oil Corporation, parfois appelée la CNOOC, ou une de ses filiales, a acheté toute la mine de sables bitumineux à Long Lake, en Alberta. Parallèlement, elle a investi 16 milliards de dollars à Téhéran, dans les champs gaziers de North Pars. Et ce n’est pas la seule société en cause. PetroChina, par exemple, a signé une entente de 25 ans avec la Société nationale iranienne d’exportation de gaz, et elle n’en était qu’à la sixième année de ce contrat de 25 ans lorsqu’elle a fait l’acquisition de l’ensemble de la mine de sables bitumineux de MacKay River.
Quel impact tout cela peut avoir sur les sanctions que nous imposons? Le 5 mars dernier, j’ai déclaré que, à la lumière des tensions croissantes à l’égard des objectifs nucléaires de l’Iran, il ne fallait pas surestimer l’importance des sanctions. J’ai par conséquent demandé au ministre si nous devions nous soucier du fait que notre nouveau partenaire commercial, Sinopec en Chine, l’un des plus grandes acheteurs de pétrole iranien, minait l’efficacité des sanctions imposées.
La réponse du ministre, bien qu’intéressante, n’avait rien à voir avec ma question. En reprenant cet enjeu ce soir, j’espère obtenir une réponse à la question que j’avais alors posée.
J’aimerais souligner, dans le cadre de la discussion que nous avons ce soir, que je ne suis pas la seule députée à être préoccupée par les investissements d’entreprises chinoises au Canada et par le fait que ces entreprises se trouvent à être les principaux acheteurs de pétrole iranien, ce qui mine l’efficacité des sanctions imposées. Je cite le député de Mont-Royal, dont les propos ont été reproduits dans l’Ottawa Citizen:
Dans la mesure où des entreprises ici au Canada qui font des affaires avec l’Iran violent les sanctions imposées à ce pays, les conséquences sont graves […] Les conséquences sont très, très graves.
Je le répète: ces propos sont du député de Mont-Royal, qui est reconnu pour faire tout ce qu’il est possible de faire afin que le président Mahmoud Ahmadinejad comprenne bien que le Canada n’est pas son allié. Le Canada est certes solidaire du peuple iranien, mais il n’est pas l’allié du gouvernement iranien.
Comment est-ce perçu, alors, sur la scène internationale, lorsque nous ouvrons nos bras? Nous portons atteinte aux lois environnementales, et le projet de loi C-38 réduit à néant la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Cela semble être pour accélérer les projets de Sinopec. Comment peut-on justifier une telle chose?
Deepak Obhrai : Monsieur le Président, je remercie la députée d’avoir soulevé cette question aujourd’hui, au Parlement, à l’instar du député de Mont-Royal.
Le Canada s’inquiète beaucoup du manque continuel de respect pour les droits des Iraniens manifesté par leur gouvernement, de l’effet déstabilisateur de l’Iran dans la région et des activités de prolifération nucléaire de ce pays.
Je dirai sans ambiguïté que l’Iran sait très bien que le Canada n’est pas son ami. Nous avons adopté les sanctions les plus vastes et les plus fermes contre l’Iran, allant au-delà de ce que le Conseil de sécurité recommandait.
Récemment, le 13 janvier, nous avons élargi les sanctions en ajoutant cinq entités et personnes à notre liste de personnes désignées. Avant cela, le 21 novembre 2001, le Canada a mis en oeuvre des mesures vigoureuses contre l’Iran en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ces sanctions élargies interdisent toute transaction financière avec l’Iran ou avec une personne se trouvant en Iran. Nous avons ajouté des personnes et des entités à la liste des personnes désignées et nous avons augmenté la liste des produits qu’il est interdit d’exporter.
La députée a soulevé la question de la Chine. En raison des sanctions que nous avons prises contre l’Iran, le Canada n’a aucune relation directe avec ce pays dans le secteur de l’énergie.
Par ailleurs, nous sommes allés aussi loin que nous le permettent les lois canadiennes dans la formulation des sanctions canadiennes contre l’Iran. Aucune loi canadienne ne nous permet d’appliquer des sanctions contre des étrangers hors du Canada. Les interdictions concernent les personnes qui se trouvent au Canada et les Canadiens qui sont à l’étranger. Elles s’appliquent aux transactions financières ayant comme bénéficiaires une personne se trouvant en Iran ou faites en exécution d’une directive ou d’un ordre donné par une telle personne.
Le Canada se préoccupe depuis longtemps non seulement des activités nucléaires de l’Iran, mais également des violations des droits de la personne qui y ont cours. Dans le cadre des efforts soutenus qui sont déployés pour promouvoir le respect des droits de la personne dans ce pays, le Canada a dirigé les travaux ayant mené à l’adoption de la résolution sur la situation des droits de la personne dans la République islamique d’Iran, pendant la session d’automne 2011 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Canada menait alors cette initiative pour la neuvième année consécutive. La résolution a été coparrainée par 42 autres États membres et appuyée par 89 États membres lors du vote; seuls 13 États membres s’y sont opposés. C’était la première fois qu’autant de pays adoptaient la résolution, depuis le début de cette initiative du Canada, en 2003.
Comme la députée d’en face, je me préoccupe de la prolifération nucléaire par l’Iran et de la menace que ce pays pose pour la région. Nous collaborerons avec nos alliés internationaux, y compris la Chine, pour que les sanctions soient appliquées et que l’on exerce toutes les pressions diplomatiques possibles sur l’Iran.