Nathan Cullen : Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’un rappel au Règlement concernant le projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d’autres mesures, et du travail accompli par les comités qui ont étudié ce projet de loi, plus particulièrement le Comité des finances, lequel a invoqué des mesures qui, à notre avis, sont contraires au Règlement et ne relèvent pas du tout de son mandat.
À titre d’information, pour les Canadiens qui ne connaissent pas le projet de loi C-60, c’est un autre projet de loi omnibus. Nous avons déjà invoqué le Règlement concernant l’étude du projet de loi.
Étant donné qu’il s’agit d’un projet de loi omnibus et que les projets de loi omnibus sous l’actuel gouvernement contiennent tant de mesures différentes, le gouvernement a été confronté à une difficulté qu’il a lui-même créée. En effet, ce n’est pas un projet de loi purement financier et ce n’est pas non plus un projet de loi visant simplement à exécuter le budget; sa portée serait beaucoup plus large. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un projet de loi antidémocratique et que, à bien des égards, il est difficile pour les députés d’étudier et d’amender correctement une mesure législative dont la portée est si vaste.
Je souhaite que vous examiniez la motion adoptée le 7 mai par le comité permanent, ainsi que les délibérations qui ont résulté de cette motion, et que vous rendiez une décision à savoir si ces délibérations étaient autorisées et si le comité a outrepassé ses pouvoirs en adoptant cette motion. Je vais décrire en détail le résultat de cette motion et expliquer en quoi elle outrepasse le mandat du comité.
Vous vous rappellerez que nous avons soulevé un rappel au Règlement très semblable à propos du projet de loi C-45. C’était le deuxième projet de loi omnibus, qui a suivi le projet de loi C-38. Nous étions vivement préoccupés par le fait que le Comité permanent des finances, dans le cadre de son étude de ce projet de loi omnibus très volumineux, était allé au-delà de son mandat et avait usurpé le pouvoir de la Chambre en invitant d’autres comités permanents à étudier des dispositions particulières du projet de loi C-45. Les membres du comité se sont arrogé le pouvoir de découper le projet de loi et d’en confier l’étude à d’autres comités. Ils ont ensuite autorisé les comités qui étudiaient le projet de loi à proposer des amendements et ont ensuite fait comme si ces amendements avaient été proposés par des membres du Comité des finances.
Nous avons soutenu à l’époque que cela allait au-delà du mandat confié au comité par la Chambre, par vous à titre de Président de la Chambre.
Un argument semblable peut être invoqué au sujet du projet de loi C-60. Celui-ci a été présenté le 29 avril.
Le 7 mai, après que le gouvernement a eu recours à l’attribution de temps pour mettre fin au débat une fois de plus durant les délibérations à l’étape de la deuxième lecture, le débat a pris fin avec l’adoption de la motion suivante, et je cite:
[…] que le projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en oeuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé [au Comité permanent des finances].
Selon le Hansard de ce jour-là, le 7 mai, vous avez dit textuellement:
Je déclare la motion adoptée. Par conséquent, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des finances.
C’est la procédure établie, c’est ainsi que les projets de loi sont renvoyés à un comité.
Le comité a outrepassé ses pouvoirs, pouvoirs qui lui ont été conférés par la Chambre, quand il a adopté le même jour une motion demandant à d’autres comités d’étudier des parties du projet de loi, nommément les comités permanents de l’industrie, des sciences et de la technologie; des affaires des anciens combattants; des ressources humaines et du perfectionnement des compétences; de la condition des personnes handicapées; de la citoyenneté et de l’immigration; des affaires étrangères et du développement international. C’est ainsi que le gouvernement entendait faire l’analyse du projet de loi.
Il est très difficile d’étudier un projet de loi omnibus qui est, à l’évidence, tellement varié qu’il nécessite la participation de plusieurs comités différents. Le gouvernement a repoussé et, j’irais jusqu’à dire, franchi les limites démocratiques de notre Parlement en accumulant un tas de choses dans ces projets de loi individuels. Essentiellement, cela revient à cacher aux Canadiens quel est son programme quand ces projets de loi multifacettes reviennent à la Chambre pour y faire l’objet d’un vote unique. C’est quelque chose qui dérangeait énormément les conservateurs lorsqu’ils étaient dans l’opposition. Vous m’avez entendu citer les nombreuses récriminations du premier ministre et de plusieurs de ses collaborateurs du Cabinet qui détestaient cette tactique lorsque les libéraux s’en servaient. C’est maintenant une tactique que les conservateurs semblent utiliser avec délectation.
Bien que j’estime que le Comité permanent des finances a outrepassé son mandat en demandant à ces cinq autres comités d’étudier le projet de loi, ce n’est pas la principale préoccupation dont je veux vous entretenir aujourd’hui.
Le comité est allé encore plus loin cette fois-ci en adoptant une motion qui autorise des députés qui ne sont pas membres d’un caucus représenté au comité de présenter des amendements au projet de loi. Qui plus est, il a édicté que tout amendement suggéré au comité serait réputé être proposé au cours de l’étude article par article du projet de loi C-60, même en l’absence du parrain de l’amendement.
Pensez-y un instant. Parce que cela les arrangeait, les membres du comité ont adopté à leur discrétion, et non en vertu d’un pouvoir que leur aurait conféré la Chambre, une motion visant à accueillir des amendements provenant de personnes qui ne siègent pas au comité, qui ne représentent pas un parti reconnu à la Chambre. Ils ont avalisé la présentation de but en blanc d’amendements, comme s’ils avaient été présentés par un membre du comité. Cela va à l’encontre de trois principes fondamentaux privilégiés par la Chambre.
Seule la Chambre peut nommer les membres d’un comité. Cela est bien connu. Cet exercice a lieu au début de chaque session au moment où les comités sont constitués. Aucun comité ne peut nommer lui-même ses membres. Cela doit se faire au moyen d’un ordre de la Chambre.
Seuls les membres d’un comité qui ont été nommés par la Chambre peuvent proposer une motion. Un membre qui veut proposer une motion doit être présent au comité pour le faire. Avant mon rappel au Règlement, nous avons abordé un projet de loi d’initiative parlementaire. Comme la comotionnaire de la mesure n’était pas à sa place, la Chambre a dûment attendu qu’elle prenne son fauteuil. Une motion ne peut être proposée en l’absence de son motionnaire.
Les règles de la Chambre qui régissent les comités stipulent précisément que les membres d’un comité sont désignés par la Chambre et ne peuvent inclure des députés d’un parti non reconnu. C’est une pratique et une procédure en vigueur depuis de nombreuses années. Les règles établies par la Chambre précisent aussi spécifiquement que seul un membre d’un comité peut proposer une motion.
Selon La procédure et les usages de la Chambre des communes, d’O’Brien et Bosc:
Seul un membre du comité ou son substitut dûment désigné peut proposer une modification au projet de loi ou voter sur une telle proposition.
L’article 119 du Règlement stipule:
Tout député qui n’est pas membre d’un comité permanent, spécial ou législatif peut, sauf si la Chambre ou le comité en ordonne autrement, prendre part aux délibérations publiques du comité, mais il ne peut ni y voter ni y proposer une motion, ni faire partie du quorum.
Enfin, voici ce qu’en dit l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, à la page 1019:
[…] c’est la Chambre, et elle seule, qui désigne les membres et les membres associés de ses comités, de même que les députés la représentant au sein des comités mixtes.
Le statut de membre d’un comité est accordé aux députés qui en font partie officiellement. Il confère à son titulaire la possibilité de participer pleinement aux délibérations d’un comité: ainsi, un membre peut proposer des motions, voter et compter pour le quorum.
Le Président a jugé qu’il s’agit d’un droit fondamental de la Chambre. Il ne peut être enlevé. Un comité ne peut simplement proposer une motion visant à retirer ce pouvoir à la Chambre.
Voici une autre citation:
Les comités, quant à eux, ne disposent d’aucun pouvoir en cette matière.
J’aimerais maintenant mentionner une décision, monsieur le Président, que vous avez rendue en décembre dernier. Vous vous souviendrez qu’à ce moment, nous avions invoqué le Règlement au sujet du projet de loi C-45, le plus récent projet de loi omnibus, relativement au rôle et aux droits des députés indépendants à l’étape du rapport.
Le leader du gouvernement à la Chambre avait argué que le processus actuel, selon lequel les députés indépendants ne sont pas autorisés à présenter des motions au comité signifie que, à l’étape du rapport, un seul député indépendant a le pouvoir, pour reprendre les paroles du leader, « de prendre en otage toute la Chambre dans le cadre d’un vote marathon » — comme si le fait de voter était lié à une prise d’otage — en présentant de nombreux amendements à l’étape du rapport.
En réponse, monsieur le Président, vous aviez indiqué que les députés pourraient essayer de trouver des façons d’accommoder les députés indépendants à l’étape de l’étude en comité afin de leur permettre d’y présenter des motions. Voici ce que vous aviez déclaré:
La présidence est convaincue que, si un nouveau mécanisme permettant aux députés indépendants de présenter en comité des motions d’amendement aux projets de loi était trouvé, le processus de sélection des motions à l’étape du rapport s’adapterait à cette nouvelle réalité.
Je crois comprendre que la motion adoptée au comité au sujet du projet de loi C-60 était en quelque sorte une réponse à votre décision et une tentative de la part du Parti conservateur de couper court aux travaux à l’étape du rapport. Je crois toutefois que les conservateurs ont mal interprété votre décision visant à permettre aux députés indépendants de présenter des motions d’amendement à l’étape du comité. Les conservateurs auraient dû, et doivent, obtenir la permission de la Chambre afin de permettre à des députés de faire partie de ce comité. C’est un pouvoir qu’ils ne peuvent simplement faire disparaître au moyen d’une motion à un comité. En réalité, c’est de la Chambre que les comités tiennent ce pouvoir. Les comités en soi ne possèdent aucun pouvoir absolu.
Même si on dit souvent que les comités sont maîtres de leur propre destinée, j’aimerais citer cet extrait de la page 1047 de l’O’Brien-Bosc:
Cette notion renvoie, d’une part, à la liberté dont disposent habituellement les comités pour organiser leurs travaux comme ils l’entendent et, d’autre part, à la possibilité qu’ils ont de définir eux-mêmes certaines règles de procédure utiles au bon déroulement de leurs délibérations.
À la page 1048 de l’O’Brien et Bosc, on dit ceci:
Ces libertés ne sont toutefois pas totales ou absolues […] les comités sont une émanation, une création de la Chambre des communes. Cela signifie que les comités n’ont pas d’existence indépendante qui les autoriserait à faire usage de leur autorité à n’importe quelle fin et de n’importe quelle façon.
Voici une deuxième citation, à la même page:
[…] les comités ont la liberté d’organiser leurs travaux comme ils l’entendent […] mais seulement dans la mesure où la Chambre ne leur prescrit rien de particulier.
Seuls les membres d’un comité, ainsi que les membres associés qui les remplacent, sont autorisés à participer aux séances du comité et, par conséquent, à proposer des motions.
Voici ce qu’ajoute l’ouvrage d’O’Brien et Bosc:
Le Règlement exclut toutefois qu’un non-membre puisse voter, proposer des motions et compter pour le quorum.
En outre, le Règlement stipule clairement qu’un membre doit être présent pour proposer une motion. C’est un fait. Nous n’avons jamais dérogé à cette règle ou à cette procédure. Le fait d’inventer tout à coup un processus permettant de proposer une motion en l’absence du membre qui en est le parrain viole les principes fondamentaux de la démocratie et de la représentation.
Ainsi, au lieu d’être présents pour voter, certains députés pourraient simplement appeler pour faire part de leur intention.
Lorsqu’un avis de motion a été donné, le Président commence par vérifier si le député désire bien présenter sa motion. Si le parrain d’une motion choisit de ne pas la présenter (soit en étant absent, soit en refusant simplement de la présenter), la motion est rayée du Feuilleton…
Cette situation s’est produite souvent à la Chambre. Nous avons déjà vu des députés décider de ne pas présenter leur projet de loi d’initiative parlementaire. Soit ils étaient absents de la Chambre, soit ils sont restés assis, et la motion n’a pas été présentée. Personne ne peut le faire à leur place. Personne ne peut simplement se lever et dire: « Le député souhaitait être présent, mais il n’a pas pu. Je vous prierais d’accepter que le projet de loi d’initiative parlementaire ou la motion du député soit examiné. »
Il existe un précédent, où la présidence a invalidé une décision prise en comité. Souvent, et à juste titre, je crois, la présidence hésite à se mêler des affaires des comités.
Voici une autre citation figurant à la page 775 de l’O’Brien et Bosc:
Étant donné qu’un comité peut faire appel de la décision de son président et l’annuler, il se peut qu’un comité fasse rapport d’un projet de loi auquel ont été apportés des amendements déclarés initialement irrecevables par la présidence. L’admissibilité de ces amendements, ainsi que de tout autre amendement apporté par un comité, peut donc faire l’objet d’une contestation sur le plan de la procédure au moment où la Chambre reprend l’étude du projet de loi à l’étape du rapport. La recevabilité des amendements est alors déterminée par le Président de la Chambre, qu’il soit invité à le faire à la suite d’un rappel au Règlement ou qu’il le fasse de sa propre initiative.
Des amendements ont été proposés sans que la personne désireuse de présenter la motion d’amendement ne soit présente. Des députés sont apparemment devenus membres du comité au moyen d’une motion qui outrepassait les pouvoirs du comité.
Le fait pour la Chambre d’étudier à l’étape du rapport le projet de loi C-60 et les amendements qui y ont été proposés constitue une infraction manifeste au Règlement. Il incombe au Président de la Chambre d’intervenir afin de signaler les irrégularités constatées et d’imposer le respect de la procédure.
En 2007, il y a eu rappel au Règlement concernant l’admissibilité de trois amendements que contenait un projet de loi à l’étape du rapport et qui avaient été proposés au Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Le Président Milliken a jugé deux des trois amendements irrecevables parce qu’ils intégraient au projet de loi des concepts et des termes qui n’y figuraient pas auparavant et que, par conséquent, ils en outrepassaient la portée.
Je cite la décision qu’il a rendue le 27 février 2007:
[…] la présidence n’intervient pas dans les affaires pour lesquelles les comités ont le pouvoir de prendre des décisions. Toutefois, lorsqu’un comité a outrepassé ses pouvoirs, notamment en ce qui concerne un projet de loi, il est arrivé que la présidence soit appelée à intervenir après la présentation d’un rapport à la Chambre.
C’est ce qui s’est produit aujourd’hui.
Lorsqu’il s’agit d’amendements à un projet de loi adoptés par un comité, si la présidence les a jugés irrecevables, ils seront retirés du projet de loi amendé car le comité n’avait pas l’autorité voulue pour les adopter.
Il existe donc un précédent: il est arrivé qu’un Président rejette des amendements et le moyen employé pour les intégrer à un projet de loi.
Monsieur le Président, je vous prie de passer en revue la motion adoptée le 7 mai 2013 au comité permanent de même que les délibérations issues de cette motion et de rendre une décision à savoir si ces délibérations étaient réglementaires et si le comité a outrepassé ses pouvoirs en adoptant la motion.
La Chambre des communes, le Parlement et la démocratie dans son ensemble ont essuyé bien des revers à cause de cette tactique et de l’utilisation de projets de loi omnibus. Nous nous sommes portés, à maintes reprises, à la défense de l’institution et du droit des députés de parler au nom de ceux qu’ils représentent afin que l’on comprenne bien le projet de loi que le gouvernement cherche à faire adopter.
C’est le gouvernement qui a décidé de recourir aux projets de loi omnibus de façon abusive. C’est lui qui est responsable des difficultés qu’il éprouve en raison de la façon dont les amendements sont proposés et du déroulement de l’étude des projets de loi, et il ne peut jeter le blâme que sur lui-même.
Un comité ne peut pas s’arroger des pouvoirs que la Chambre ne lui a pas accordés. Le simple fait d’accepter des motions proposées par des députés qui ne font pas partie d’un comité et qui ne sont pas présents pour les présenter contrevient aux principes fondamentaux de la Chambre. Pour qu’une motion puisse être présentée, il faut qu’un membre de l’un ou l’autre de ces comités soit présent, et que sa présence soit reconnue; c’est une exigence fondamentale. Le comité n’a pas été dûment saisi de ces motions. Nous vous demandons de prendre une décision à cet égard.
Kevin Lamoureux : Monsieur le Président, c’est la première fois que j’ai l’occasion de revenir sur certaines choses qui se sont produites au comité et dont nous devrions nous inquiéter.
Le leader du gouvernement à la Chambre a parlé de l’évolution du processus. Or, nous avons pu constater qu’à de nombreuses reprises, cette évolution a empêché des députés d’exercer leurs fonctions.
Par exemple, le leader du gouvernement à la Chambre pourrait faire valoir que le recours à l’attribution de temps constitue une évolution du processus. Nous estimons que cette évolution imposée par le gouvernement va à l’encontre de l’intérêt des Canadiens puisqu’elle limite la capacité des gens d’exprimer leur points de vue au sujet de diverses mesures législatives, y compris le projet de loi C-60.
Voyons ce que le gouvernement propose maintenant de faire.
Les conservateurs affirment qu’au comité, ils veulent maintenant obliger tous les députés, qu’ils soient ou non membres d’un parti officiellement reconnu, à présenter leurs amendements au comité à l’avance. Cependant, comme on peut facilement l’imaginer compte tenu de la façon dont le gouvernement a géré l’évolution du processus, les conservateurs essaient vraiment d’empêcher les députés indépendants qui ne sont pas membres d’un parti politique reconnu de présenter leurs amendements à l’étape du rapport. Cela soulève toutes sortes de problèmes sur lesquels il faut se pencher.
Même si le gouvernement essaie de montrer qu’il fait preuve de bonne volonté à la suite d’une décision rendue par le Président, sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit, je crois que la question aurait dû être soulevée pendant l’une des rencontres du leader à la Chambre et qu’il aurait fallu obtenir l’appui unanime de tous les intéressés. Il faut faire preuve d’une grande prudence lorsqu’on envisage de changer les règles, et au bout du compte, c’est bien ce que le leader à la Chambre propose de faire. Nous devons veiller à ce que tous les partis politiques à la Chambre donnent leur aval à ces changements. Si on revient à ce qui s’est passé au comité, on constatera qu’il n’y a pas eu de consentement unanime pour adopter la motion en question. Il est important de le reconnaître.
J’aimerais maintenant soulever une deuxième question, en l’occurrence la lettre qu’à ma connaissance, la chef du Parti vert a reçue. Imaginez la situation: vous recevez une lettre précisant très clairement que vous disposez d’une période de temps donnée pour réunir tous les renseignements dont vous disposez et présenter vos amendements. La lettre en question indique que cela doit être fait d’ici le lundi 27 mai, à 9 heures. Encore une fois, je remets en question la légitimité de ces mesures.
Le leader parlementaire de l’opposition néo-démocrate a signalé cette question à la Chambre dans le cadre d’un recours au Règlement, ce qui est tout à fait méritoire. Nous étudierons cette question de plus près et nous pourrions faire d’autres observations au fil du temps.
Quoi qu’il en soit, je tiens à rappeler ce qui arrive quand le leader du gouvernement à la Chambre parle de l’évolution du processus et des règles. Dans le passé, chaque fois qu’il en a parlé ou qu’il s’est lancé dans des élucubrations à ce sujet, ses propositions se sont révélées néfastes pour la démocratie à la Chambre des communes.
Mon intervention est une mise en garde. Il faut être très prudents avant de rendre une décision qui empêcherait certains députés, ou l’ensemble de ceux-ci, de faire quelque chose qu’ils pouvaient faire auparavant, et ce, parce que le gouvernement estime que le processus n’est pas aussi correct ou rapide qu’il le voudrait. Les conservateurs proposent des changements radicaux qui ne sont pas sains pour la démocratie à la Chambre des communes.
André Bellavance : Monsieur le Président, puisque le recours au Règlement du leader à la Chambre de l’opposition officielle concerne les partis non reconnus, il est important de dire notre mot aujourd’hui. Je me réserve la possibilité d’argumenter un peu plus avant puisqu’on n’était pas au courant que ce recours au Règlement serait soulevé aujourd’hui.
Très respectueusement, monsieur le Président, la décision que vous avez rendue en décembre dernier me rappelle ce qui s’est passé en 2001, quand votre prédécesseur, le Président Milliken, avait aussi rendu une décision qui restreignait l’utilisation des amendements déposés à l’étape du rapport. De 1968 à 2001, les Présidents qui se sont succédé étaient plutôt souples quant au dépôt d’amendements à l’étape du rapport.
Dans votre décision, vous demandez au gouvernement de faire preuve d’ouverture quant à la participation de députés membres de partis non reconnus ou de députés indépendants à certains comités, afin qu’ils y déposent des amendements. Il faut faire une distinction importante, monsieur le Président, et vous êtes bien placé pour la connaître. Les conservateurs la connaissent aussi parce qu’en 1993, ils formaient un parti non reconnu. Le NPD le sait aussi parce qu’en 1993, c’était aussi un parti non reconnu.
Le problème, c’est qu’il y a deux catégories de députés à la Chambre. En effet, à la Chambre, nous avons la possibilité de poser des questions et d’intervenir. Nous avons même des droits de parole, qui ne reviennent malheureusement plus parce que le gouvernement impose des motions d’attribution de temps à presque tous les projets de loi. Cependant, nous nous sentons proportionnellement égaux avec nos collègues des autres partis. Il est normal d’obtenir moins de minutes que les autres puisque nous sommes moins nombreux.
En comité, par contre, ce n’est pas comme à l’Assemblée nationale du Québec, où les autres partis ont donné aux partis non reconnus, comme Québec solidaire et, auparavant, l’Action démocratique du Québec, le droit de siéger à des comités, d’y parler, d’argumenter et de voter. Or ici, cela nous est interdit. Je ne veux donc pas que les députés de partis non reconnus soient comme une balle de ping-pong à cause d’une chicane entre le gouvernement et les partis reconnus de la Chambre. Je crois que nous avons notre mot à dire.
L’existence de l’étape du rapport nous permet tout simplement de déposer les amendements que nous n’avons pu déposer en comité et dont nous n’avons pu discuter. C’est le seul droit qu’il nous reste, monsieur le Président, et j’aimerais que vous le préserviez. Il faut faire attention. Le gouvernement nous dit qu’il s’agit d’une invitation, mais aucun parti de la Chambre ne nous a fait de cadeau depuis le 2 mai 2011, et nous n’en demandons pas. Nous ne voulons pas de privilège supplémentaire, nous voulons simplement que nos droits soient respectés.
En comité, cependant, comme c’est arrivé dans le comité traitant du projet de loi C-60, le seul comité où nous avons pu présenter des amendements, nous avons eu quelques minutes pour le faire, sans toutefois pouvoir intervenir d’aucune autre façon. Il était impossible de poser des questions aux fonctionnaires présents ni de voter sur les amendements que nous déposions. Si, par cette attitude, le gouvernement pense qu’il nous fait un cadeau, il se trompe.
Nous voulons préserver nos droits. Nous devons donc pouvoir déposer un amendement, en discuter, en débattre, le voter et être au courant de tout le processus du comité, comme il est possible de le faire à la Chambre à l’étape du rapport.
Dans un premier temps, monsieur le Président, je vous demande de vous assurer de préserver les droits qui appartiennent à tous les députés de la Chambre, notamment ceux qui sont moins nombreux, comme les députés des partis non reconnus.
Nathan Cullen : Monsieur le Président, j’aimerais faire deux petites observations. Je suis heureux que les conservateurs attachent soudainement de l’importance aux députés indépendants. On se souviendra, en effet, que lorsque le projet de loi d’une députée indépendante a été soumis au comité, les conservateurs l’ont démoli. Ils ont même invoqué les règles dont nous parlons aujourd’hui pour refuser à la députée la possibilité de défendre son projet de loi.
Je ne sais pas si le député était ici pendant toute la durée de ma citation, mais voici le principal argument que nous avons utilisé et ce que je tiens à souligner, spécifiquement: si c’est la méthode que le gouvernement souhaite proposer pour permettre aux députés indépendants de participer à l’étape de l’étude en comité, ce correctif sera envisageable, mais il ne faut pas oublier que c’est la Chambre qui dispose du pouvoir nécessaire dans ce domaine. Le comité n’a tout simplement pas le pouvoir de nommer des membres ou d’adopter des motions proposées par des députés qui ne siègent pas au comité. C’est ainsi.
Le comité lui-même a été créé par la Chambre des communes. Les membres et les membres associés du comité sont désignés par la Chambre, et non par un président de comité ou par voie de motion.
Je sais que, dans sa réponse, le député reviendra sur les éléments que nous avons soulevés. Il devra traiter de ce point spécifique, puisque c’est l’argument que nous vous présentons, monsieur le Président. Notre argument, c’est que le comité dispose des pouvoirs qui lui ont été conférés par la Chambre des communes. Le comité n’a pas le pouvoir de décider, à l’improviste, qui siégera au comité. Il ne peut pas non plus accueillir des amendements provenant de députés qui ne sont pas au comité. On ne peut pas présenter la motion d’une personne qui n’est pas présente. C’est un fait, tant à la Chambre qu’aux comités.
Je ne vois pas pourquoi le leader du gouvernement à la Chambre des communes a tant de mal à le comprendre. Il semble avoir trouvé un article qui répondrait à ses besoins. Si le gouvernement souhaite procéder de cette manière, il peut le faire. Mais le pouvoir doit venir d’ici. Il faut protéger les privilèges et les pouvoirs de la Chambre des communes, pour l’amour du ciel.
Les instructions de la Chambre des communes ne permettaient pas au comité de faire cela. J’ai lu à haute voix le commentaire et l’ordre de renvoi au comité. Rien n’indique que le président du comité peut soudainement nommer qui il veut et accepter des amendements comme bon lui semble. Rien ne dit cela et c’est écrit noir sur blanc. Je peux le lire au député d’en face s’il le veut.
Le fait est que c’est vous, monsieur le Président, puisque vous renvoyez le projet de loi, et la Chambre qui détenez le pouvoir de désigner quel comité est chargé d’étudier un projet de loi et de quelle façon le comité doit procéder. Au-delà de cela, le comité peut mener ses travaux comme bon lui semble, et nous respectons cela, bien entendu.
Cependant, en faisant fi de l’élément principal de notre argumentation dans le rappel au Règlement d’aujourd’hui, les conservateurs montrent qu’ils n’ont pas de contre-argument ou qu’ils vont essayer d’en trouver dans les prochains jours. À l’évidence, c’est à vous que revient la décision, monsieur le Président, et j’apprécie les observations de la députée de Saanich—Gulf Islands à ce sujet.
Kevin Lamoureux : Monsieur le Président, je serai très bref. Le leader du gouvernement à la Chambre des communes a tenté de donner une fausse impression. Le Parti libéral a voté contre la motion. Je ne veux pas citer de propos hors contexte, mais nous avons voté contre la motion lors de l’étude en comité.
C’est un point important.